jeudi 24 mars 2022

Ukraine : la guerre est-elle pensable ?

Tout le monde ou presque, aura été sidéré par la décision de Poutine d’envahir l’Ukraine dont le peuple pourtant est si proche du peuple russe. Il est vrai que tout le monde ou presque aura été endormi croyant qu’il n’y aurait plus possibilité d’une guerre à la papa, avec des chars, des avions,  des missiles, de l’artillerie conventionnelle, toute une « esthétique » par-delà le bien et le mal sortie d’images vues et revues de la deuxième guerre mondiale.

On pensait même, se fondant dans une espèce de foi pour le progrès, que les batailles désormais se joueraient par ordinateurs interposés, rendant virtuelles, par miracle numérique, toutes les souffrances, civiles ou militaires. Pas tout à fait la guerre en dentelles mais, quand même, une guerre aseptisée, modernisée, ce modernisme relevant, en l’occurrence, de cette disposition d’esprit qui empêche au fond d’avoir une vision tragique de l’histoire.

Les Américains dans leurs guerres du Golfe n’avaient-ils pas donné le ton lorsqu’ils eurent envahi l’Irak tout en nous abreuvant de ces «  frappes chirurgicales » qui prétendument  épargnaient les populations civiles ? Ce n’étaient que des images mais qui cachaient habilement la souffrance et la mort.

Côté russe il y eut la Tchétchénie et la destruction de Grozny, et plus récemment la Syrie dans un même sillon belliqueux comme pour répondre à l’intervention occidentale en Lybie, avec ce même cortège de morts, de blessés, de souffrance. Mais c’était loin, si loin que ces conflits-là n’avaient pas l’air de nous concerner. Les réfugiés n’avaient même pas l’honneur d’être de véritables réfugiés mais simplement des migrants qui selon les droites extrêmes entendaient nous voler nos richesses et affaiblir notre si précieuse culture dans l’optique d’un « grand remplacement » définitif. Deux poids deux mesures donc alors que ces guerres étaient si semblables avec ses lots de violences absolues menaçant à mort l’espèce humaine.

Notre capacité de compréhension est largement entamée par une propagande venue des deux côtés mais aussi par notre paresse à ne pas vouloir comprendre les enjeux géo-politiques.

Car ce n’est pas la fin de l’histoire, elle continue sous nos yeux, écrite par des Empires qui n’ont pas disparu et qui au contraire affirment leur existence par la violence faite aux autres. Poutine n’en a pas terminé dans sa quête d’une grande Russie impérialiste qui retrouve les frontières de l’URSS dont il disait que l’effondrement avait été « la plus grande catastrophe géopolitique du vingtième siècle ».

C’est au vacarme qu’elles produisent qu’on reconnait les guerres mais comme nous ne l’entendons pas, ne serait-ce que par la distance ou l’angoisse que « cela » nous arrive, nous laissons aux Ukrainiens le soin de mener et supporter la leur. Nous ne pouvons leur offrir que notre compassion, ou au mieux notre solidarité. Celle-ci a tant de mal à se convertir en acte qu’on serait tenté de dire qu’elle ne sert qu’à pacifier notre conscience.

L’enjeu est si fort, la menace est si grande que les hésitations du camp occidental ne sont pas illégitimes. Il ne faut pas mésestimer la puissance qui se tient en face, où l’émotionnel nationaliste savamment et puissamment distillé le dispute à la folie d’un seul.

Le nationalisme russe se nourrit d’une situation géopolitique où l’impérialisme occidental s’est aventuré à l’extrême limite des frontières de la Russie actuelle. L’occident, et les Etats-Unis en premier lieu sur lesquels paresseusement nous nous sommes alignés, n’ont pas voulu mesurer toute la portée historique de la chute du mur de Berlin.

La dislocation de l’URSS qui s’en est suivie n’était pas le signe d’une illusoire fin de l’histoire mais bien l’avènement d’une nouvelle alliance entre un impérialisme ancestral et un capitalisme débridé.

Le camp occidental a fait l’erreur de méconnaître l’histoire longue de la Russie tout comme Poutine aujourd’hui fait l’erreur criminelle de nier l’existence du peuple ukrainien dans ses dimensions patriotiques ou démocratiques. La montée et la prise effective de pouvoir par Poutine n’est pas due au hasard, elle est le produit de rivalités impérialistes qui demeurent.

A nous donc de comprendre, pour tenter d’éviter le pire. Les sanctions contre la Russie risquent d’alimenter un nationalisme mortel. Et pourtant, il faut bien agir et montrer à Poutine qu’il ne peut aller plus loin. C’est aux Ukrainiens d’abord de relever ce défi tragique. Ils y parviennent dans un héroïsme étonnant et admirable. Il faut les y aider mais sans pour autant couper le dialogue avec les Russes. Poutine ne comprend que le rapport de force, c’est une évidence mais on ne peut couper les canaux diplomatiques avec une puissance disposée, comme l’a menacé l’homme fort du Kremlin, à dégainer le feu nucléaire. Le fait même d’évoquer cette éventualité participe à rendre plus grand encore le risque.

Il faut exploiter ce qui ressemble sur le terrain à un début de défaite, les troupes de Poutine semblent douter, jusqu’à peut-être la limite de l’enlisement, dépassées par la détermination des citoyens ukrainiens.  Raison supplémentaire dans ce contexte de privilégier la voie diplomatique. Car pendant ce temps, et c’est la stratégie de Poutine, des villes sont rasées dans une escalade militaire qui se fait au rythme de l’intensité de la résistance.  La diplomatie est plus que jamais un impératif pour épargner des souffrances et des vies. 

Les salariés en France, comme dans l’ensemble de l’Europe n’ont aucun intérêt à ce que cette guerre perdure et s’intensifie. L’impératif de la paix n’est pas discutable. Pour cela la mobilisation massive des peuples doit imposer la paix.

Outre l’accueil des réfugiés, c’est ce à quoi nous devons aussi nous attacher.

 

Jean-Marc Gardère


samedi 5 mars 2022

Abstention

La gauche dite gouvernementale porte une lourde responsabilité dans la désespérance d’une population qu’elle aura fait semblant d’écouter.
 
Cette gauche aura favorisé une approche sociétale en délaissant dans les faits la question sociale. 
Résultat aujourd’hui : une gauche dispersée, à l’image des politiques qu’elle aura semées, impuissante de par sa division à avoir un discours mobilisateur, alors que la division de la droite elle-même lui offrait, lui offre encore peut-être mais on est à l'extrême-limite, une fenêtre de tir favorable.
 
La violence politique, qui se traduit aujourd’hui par une montée des droites extrêmes n’est que l'avatar d’une violence sociale (chômage, précarité, crise du logement, coût de la vie, accès aux soins, ruptures territoriales et numériques...) infligée aux classes les plus défavorisées et qui dès lors se détournent des urnes.

JMG