vendredi 30 décembre 2022

Hôpital : l'urgence absolue

 Oui, l’hôpital est en danger, il brule même, et pour paraphraser cet autre discours sur l’urgence, « nous regardons ailleurs », comme si cela ne nous concernait en rien, menace posée devant nous sans pouvoir la distinguer elle non plus. Sommes-nous devenus malades à ce point pour ne rien voir de l’épée de Damoclès qui pend sur l’hôpital public ?

C’est que le l’hôpital souffre d’abord de l’absence, sans doute voulue de la part des pouvoirs qui se seront succédés, de débat démocratique. Le néo-libéralisme, ou le libéralisme à tout crin, sans régulation de l’Etat, ne font pas bon ménage avec la démocratie ni avec l’intérêt supérieur du peuple.

 André Grimaldi, professeur émérite de diabétologie au CHU Pitié-Salpétrière à Paris, dresse un diagnostic de l’hôpital et énumère quelques mesures à prendre pour le sauver : « L’hôpital nous a sauvé : sauvons le », livre préfacé par Alain Supiot. 

Ce dernier cite Cornélius Castoriadis : «  Faire toujours de son mieux sans en attendre un profit matériel n’a pas de place dans l’échafaudage imaginaire du capitalisme ». C’est que le serment d’Hyppocrate doit transcender les lois le plus souvent mortifères du marché. La politique menée depuis plus de trente ans, fondée sur la course à la rentabilité et au profit, au mépris de l’intérêt humain,  conduit inexorablement à la disparition de l’hôpital public lequel devrait rester pourtant au centre des politiques publiques de santé.

Il y a lieu, plus que jamais, d’exiger la continuité du service et son libre et égal accès pour tous, conceptions qui sont étrangères par nature au secteur privé. L’hôpital doit rester à appartenir à tous et à chacun. C’est sans compter les exigences des marchés financiers et les prescriptions de l’Union européenne.

Rénovation ou privatisation ?

André Grimaldi nous rappelle l’enjeu actuel de la privatisation qui menace. Deux-cent vingt milliards d’euros pour les dépenses de santé constituent un trésor potentiel qui suscite l’envie des puissances d’argent. On peut y ajouter les dépenses de la branche vieillesse soit cent-trente-neuf  milliards par an.

Pour profiter de ce gâteau prometteur la stratégie néo-libérale s’attache à affaiblir l’hôpital. Jusqu’à trente pour cent des lits sont aujourd’hui fermés. Dix pour cent des Français n’ont pas de médecins traitants et la pénurie devrait être effective jusqu’en 2030.

L’actuelle insuffisance, voire la défaillance de la médecine de ville constituent avec la conception d’hôpital-entreprise deux causes essentielles de la menace qui pèse sur l’hôpital.

La charte de la médecine libérale prévoit depuis 1927 la liberté d’installation et le paiement à l’acte combinées au début des années soixante-dix avec la mise en place du numérus clausus.

Résultat moins de 40% des médecins de ville prennent encore des gardes si bien que les patients sont amenés désormais à considérer l’hôpital comme un médecin de premier recours. C’est donc la médecine de proximité qui se montre insuffisante.

André Grimaldi appuie là où ça fait mal en notant que la Fédération Hospitalière de France (FHF) est présidée par des politiques n’appartenant pas au monde hospitalier, tels Gérard Larcher, Claude Evin… ceux-ci relayant et promouvant une gouvernance de l’hôpital conforme à une orthodoxie bien en cour au sein de l’Union européenne.

L’hôpital-entreprise

C’est à partir de l’année 2004 qu’est introduite la tarification à l’activité, (dite T2A comme pour obscurcir plus encore la question), utile à susciter une concurrence entre les établissements hospitaliers tout en donnant l’avantage à ceux appartenant au secteur privé : quatre grandes chaînes internationales financiarisées (Ramsay, Elan, Vivalto, Almaviva…) lesquelles opteront pour les activités profitables, notamment la chirurgie ambulatoire, au détriment des non rentables comme l’obstétrique. Dans le même temps les dépassements d’honoraires augmentaient de plus de 30% entre 2012 et 2017.

En 2009 la loi Bachelot supprimait le service public hospitalier au profit d’une gouvernance d’entreprise menée par un directeur administratif « seul maitre à bord ». Etait inscrite dans la loi la recherche de la rentabilité. Le « codage » décrié à juste titre par les soignants accompagnait donc désormais une marchandisation du système, le « business » plan l’emportant sur la visée médicale.

Le budget hospitalier ne progressait en moyenne qu’un peu plus de 2% alors que celle des dépenses se situait entre 4 et 4,5%. La paupérisation s’avançait donc et plus encore s’agissant de psychiatrie dont la dotation dépassait tout juste un pour cent en moyenne annuelle.

Le débat était dès lors escamoté et confisqué par une élite technocratique « conseillée » par des sociétés telles que Capgemini ou bien encore Mckinsey qui récemment défrayait la chronique pour des marchés illégalement attribués au prix fort.

Plusieurs types de manipulation pour tuer ou dissoudre le service public hospitalier comme le montage de partenariat public privé rompu à une répartition inégale des tâches : au privé les les activités rentables, au public les plus dépensières.

La solidarité plutôt que la charité 

L’hôpital est à la croisée des chemins. André Grimaldi propose dix mesures quelque peu inégales et parfois difficiles à mettre en œuvre tant le système hospitalier souffre depuis des décennies d’une marchandisation rampante mais impitoyable. Un plan de santé publique sur cinq ans s’annonce nécessaire pour que la solidarité prime à nouveau sur la charité. La santé est un bien supérieur à tous les autres. Rien dans les politiques menés par l’actuel gouvernement ne présage de bon pour la santé publique. Il est plus facile semble-t-il de faire une réforme des retraites inutile que de sauver l’hôpital. Macron s’acharne, il ne fera aucun cadeau.

L’hôpital est un bien  précieux, vital, qui nous appartient encore, ne permettons pas son saccage.

JMG


article paru dans le n°301 de "Démocratie et Socialisme" le magazine de la Gauche Démocratique et Sociale (GDS)

samedi 17 décembre 2022

La claque

 Au fond on ne sait grand-chose de l’affaire Quatennens à part bien sûr qu’elle fait parler. Il n’est pas extraordinaire qu’un homme, député, appartenant à une organisation ou mouvement qui fait du féminisme et de la cause des femmes un pilier principal de son engagement, soit tracé, surveillé, commenté, et ce même à l’issue d’une décision judiciaire qui pourtant présente « l’autorité de la chose jugée ».

Adrien Quatennens est condamné, il en accepte la sentence (quatre ans de prison avec sursis et 2000 euros de dommage et intérêts), et l’aura même appelée de ses vœux comme de  ses aveux, et fait profil bas dans une bonne partie des interviews données à la Voix du Nord et à BFM.

Mais aussi il se défend en relativisant, en « contextualisant », en expliquant et en revenant à sa vérité, la sienne qu’il entend légitimement partager. Tout pourrait redevenir calme, mais c’est sans compter l’opprobre qui lui colle désormais à la peau. Ainsi doit-on se demander  à qui profite non seulement le crime, mais aussi la condamnation.

A droite on nous dit que c’est bien fait pour un homme dont le mouvement a fait de la cause des femmes un combat permanent. Et cet homme doit payer, quitte à  emporter avec lui le mouvement qui le fit député.

La bonne aubaine pour ces droites, dont la vertu n’est pas le fort et qui s’empressent parfois en sourdine d’aggraver la sentence via ses chaînes d’information, pas mécontente d’avoir débusqué un « donneur de leçon » pris à son propre piège. Ainsi on fait passer pour pertes et profits les crimes et méfaits, autrement plus graves (car la hiérarchie en ce domaine, ça existe) d’un député LR dont on a presque dans ce vacarme oublié le nom.

C’est pourquoi ceux qui composent encore la NUPES voire même au sein de LFI, féministes ou pas, devrait s’abstenir de crier avec les loups et de charger encore plus la barque de la vindicte. La droite sait très bien le faire, pas la peine de l’y aider.

Adrien Quatennens est condamné par la justice. N’en jetons plus aux chiens. La claque pour lui aussi aura été violente.

JMG

mercredi 16 novembre 2022

Pour une information pluraliste et non soumise

Les célébrations de la fin de la guerre de 14-18 rappellent  à notre souvenir, outre le sacrifice des peuples, que les guerres ne se déclarent jamais tout à fait par hasard, mais sont le produit de circonstances particulières et surtout de politiques mal menées. Notre pays s’enlise dans une droitisation favorisée en ce moment même par l’instrumentalisation de l’immigration dont le parti  lepéniste, mais aussi la droite classique, se servent sans vergogne pour asseoir une idéologie fondée sur la haine et le rejet de l’immigré.

Et il se trouve que cette xénophobie est entrée, si l’on peut dire, dans un champ concurrentiel où l’on voit l’extrême droite italienne, désormais au pouvoir avec Giorgia Meloni, le disputer aux droites extrêmes en France.  Qui sera le plus dur à droite, qui sera le plus dur en Europe pour traiter de cette question devenue électoralement et politiquement essentielle et alimentée artificiellement par des medias aux ordres du "bloc bourgeois"?

Cette question voudrait en cacher d’autres, autrement plus importantes pour l’avenir de notre pays,  comme  celle du devenir de l’hôpital public ou des prestations sociales. Serons-nous soignés demain, et dans l’égalité et le respect de chacun ? Au train où vont les choses, rien n‘est moins sûr. En témoigne le vote par le parlement du projet de loi de financement de sécurité sociale (PLFSS) pour 2023 qui ne prend pas la mesure de l’urgence et qui au contraire, en s’aidant d‘article 49-3 qui est devenu ou redevenu ces dernier temps le symbole de la non-démocratie et du mépris réservé à l’Assemblée Nationale, fragilise grandement un conquis social qui pourtant appartient naturellement et  historiquement au monde du travail. Ainsi l’objectif national en matière de dépenses d’assurance maladie défini par Macron et son gouvernement est-il seulement de 3,7%, bien inférieur à l’inflation prévue, alors qu’une bonne gestion l’exigerait plutôt à hauteur de 5%.

Les reculs sociaux, ou les atteintes aux libertés publiques, ou bien encore l’instrumentalisation des questions migratoires, ne sont rendus possibles que par des Media aux ordres du pouvoir et concentrés à l’extrême. Il est urgent, il est nécessaire de combattre cette concentration des Media aux mains d’une poignée de milliardaires qui font la pluie et le beau temps idéologiques. Le magasine de GDS « Démocratie et Socialisme », qui fête son trentième anniversaire le 10 décembre prochain, témoigne de la persistance et de la nécessité d’une presse militante libre et indépendante contre une culture de la soumission.

On aura  retenu l’épisode d’un certain Hanouna qui traitait dans son émission un député de la Nupes de «merde » parce ce que ce dernier dénonçait les malversations d’un Bolloré en Afrique. Cette vulgarité, triomphante et servile à l’égard des puissants, en dit long sur une bataille idéologique de plus en plus difficile à mener. En témoignent aussi les débats jamais véritablement contradictoires sur des chaines en continue dites d’information, telle CNews notamment, qui développent à l’envi les thèmes chers à la droite comme à l’extrême-droite. Paradoxalement cela révèle la faiblesse d’un pouvoir de moins en moins démocratique, de plus en plus autoritaire, qui n’a plus de projet, et qui n’en a jamais eu, à part celui de revenir sur les acquis inspirés du Conseil National de la Résistance.

La bataille, la lutte doivent continuer, dans l’unité à gauche la plus large possible.

dimanche 23 octobre 2022

Immigration : le grand affollement

 Le martyre de Lola, cette enfant dont l’assassin présumée est une jeune femme  immigrée en situation irrégulière et frappée par une OQTF (Obligation de Quitter le Territoire Français), aura à nouveau suscité les ferments de la haine et de l’indécence portés par une droite et une extrême-droite plus motivées que jamais à pourfendre sans nuance l’immigration. Il est si facile de jouer avec les peurs et l’ignorance pour atteindre ou asseoir un pouvoir. La question de l’immigration demeure, comme l’insécurité, un moyen idéologique pour les droites extrêmes de parvenir au pouvoir.  

On y a retrouvé Marine Le Pen mais aussi une droite plus classique tout autant à son affaire comme celle des « Républicains » personnalisé, l’air de ne pas y toucher, par un Retailleau plus sournois et à l’aise que jamais sous les ors du Sénat. Ces attaques des droites extrêmes, martelées par des chaînes d’information sans concession sont dirigées contre la gauche qui elle est  présentée comme laxiste et aveugle.

Il s’agit de répondre à cette droite pour ne pas la laisser seule maîtresse d’une question essentielle que la gauche dans sa diversité aurait tort en effet de négliger. Que la discussion puisse avoir lieu sur des bases objectives et saines.

D’où et combien ?

Selon la définition donnée par l’INSEE « Un immigré est une personne née étrangère à l’étranger et résidant en France ».

Rappelons d’abord que le taux d’immigration en France est le plus faible des pays de l’OCDE*. Il est à peine de 9% alors qu’il se monte à plus de 20% dans des pays comme l’Australie, le Luxembourg, le Canada, la Suisse et entre 14 et 20%  s’agissant de l’Irlande, la Suède, la Belgique, la Norvège ou l’Espagne.

L’Allemagne et les Etats-Unis se situent exactement dans la moyenne des pays de l’OCDE soit entre 13 et 14%.

Les six millions d’immigrés que l’on compte dans notre pays sont donc loin, de par le nombre déjà, de constituer une menace comparée à celle qu’elle présenterait dans les pays les plus proches économiquement du nôtre.

Au vu de ces chiffres la France n’est pas ou n’est plus ce grand pays d’accueil dont on se plait  parfois à étaler les mérites de l’hospitalité. Elle n’est pas non plus des plus généreuses en matière d’accueil des réfugiés humanitaires. Il faut à ce propos rappeler que ce sont précisément les pays en développement qui accueillent la majorité des réfugiés. Sur les 65 millions de personnes déplacées dans le monde neuf sur dix sont accueillis dans et par des pays ou les régions les moins avancées sur le plan économique ou social.

A cet égard elle serait même fermée dans ses frontières, peu encline en réalité à recevoir « tout la misère du monde ». Et d’ailleurs est-bien la misère que l’on reçoit dans ce cas ? N’est-ce pas plutôt une part de richesse de ces pays à l’émigration subie.

En effet, Il faut pour émigrer non seulement du courage mais aussi et surtout  détenir un certain capital social et économique. Il faut de l’argent, de l’instruction propres à combattre la misère, il faut donc être plus riches ou éduqués que d’autres pour parvenir à entrer dans un pays étranger qui d’emblée vous rejette. Les plus qualifiés ou les moins pauvres sont donc les plus aptes à partir.

Ainsi plus de la moitié des réfugiés qui affluaient à l’époque de Sangatte notamment, étaient titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur.

Quarante-trois pour cent des personnes entrées comme migrants et qui ont un travail permanent sont d’anciens étudiants ayant poursuivi leurs études en France. Misère peut-être mais misère éduquée avec un fort potentiel dont d’autres pays que le nôtre, la Grande-Bretagne notamment mais aussi l’Allemagne, auront su profiter plutôt que de les considérer a priori comme des handicaps.

Dans ces conditions une politique sélective de l’immigration n’est même plus souhaitable dans la mesure où elle est difficilement adaptable à la complexité et à la diversité du marché du travail.

Martellement d’idées reçues

L’autre idée est que les immigrés feraient baisser les salaires. En fait il se trouve que les immigrés et les autochtones ne sont pas en concurrence mais sont complémentaires sur les différents types de postes.

De même les immigrés ne sont pas attirés exclusivement par la protection sociale existant dans notre pays. Ils sont surreprésentés dans les classes en âge de travailler et donc contribuent davantage que les autres salariés au budget de l’Etat comme à celui de la sécurité sociale.

Pour la gauche il est essentiel, si elle entend rester jalouse de ses valeurs,  de défendre les droits des immigrés. Le mépris et la négation de leurs droits constituent un obstacle de taille à leur intégration. Ainsi faudrait-il même élargir ces droits aux élections locales. Pour l’heure que soit appliquée la convention des Nations-Unies du 18 décembre 1990 pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

Une politique de régularisation est de nature à contourner le piège de la clandestinité qui n’est bon pour personne.

Le meurtre de Lola a été perpétré par une femme atteinte de troubles psychiatriques sévères. Qu’elle ait été sous le coup d’une OQTF ne change pas grand-chose, n’en déplaise à une droite manipulatrice, indigne, et peu sensible finalement, à la douleur de la famille. Ce meurtre effroyable en dit long sur la misère psychiatrique qui frappe notre pays depuis plusieurs années. Il nous instruit aussi, considérant les réactions des droites extrêmes, de la nécessité d’une véritable politique de l’immigration qui ne soit pas seulement guidée par la haine et la déraison.

 JMG

     

*L’immigration en France E.M Mouhoud, Fayard

Article paru dans le numéro 300 de "Démocratie et Socialisme" magazine qui fête ses trente ans le 10 décembre prochain 

mercredi 12 octobre 2022

Mensonges

Le conflit actuel qui oppose, dans les raffineries, la CGT et les directions de Exxon et de Total rend folles les chaînes d'information en continue, CNews notamment.

De prétendus "experts", ou des "journalistes" ou éditorialistes patentés n'hésitent pas sur les plateaux à mentir de façon grossière pour affirmer que les ouvriers salariés de ces sociétés gagneraient 4000 voire 5000 euros par mois. La réalité est bien  plus ordinaire en matière de salaires, ceux-ci se situant plutôt aux alentours tout au plus de 2500 euros net en moyenne, primes ou intéressements compris.

Voilà donc comment une certaine presse choisit de discréditer coûte que coûte un mouvement social juste et légitime. Il serait temps de parvenir à une pluralité de l'information et ne pas la laisser aux mains exclusives d'oligarques improductifs et sans scrupules, par ailleurs actionnaires de sociétés aux finances florissantes.

JMG

 

lundi 3 octobre 2022

Privatisation du rail : pas bon pour les usagers, pas bon pour le climat

 Les transports collectifs par nature pourraient, si volonté politique il y avait, constituer un atout pour combattre le réchauffement climatique dont les effets s’imposent aujourd’hui au monde entier de manière dramatiquement évidente.

C’est pourquoi il est important de se pencher sur le mode de gestion des transports collectifs en les faisant correspondre à leur statut naturel de bien commun.

 

Le train en particulier est un moyen de transport collectif qui doit être géré dans le souci de cet intérêt général auquel l’idéologie libérale  fait obstacle depuis de nombreuses années en Europe.

Jusqu’au début des années mille neuf cent quatre-vingt-dix le rail était généralement sous gouvernance et gestion publiques.  

Dérégulation et démantèlements

Au Royaume-Uni le rail aura été libéralisé dès les années 1980 sous le règne sans concession de Margaret Thatcher qui donnera en quelque sorte le « la » à l’ensemble de l’Europe. Cela concernait aussi bien l’exploitation que la gestion du réseau. Cela aura conduit à des catastrophes, y compris humaines et sociales. Voir à cet égard le film de Ken Loach « The navigators » de 2001, qui brosse un tableau réaliste du monde des cheminots britanniques après la privatisation de l’ensemble du réseau ferroviaire.

En Italie la libéralisation se produit à partir de 2000 sur les lignes régionales, et c’est en 2012 que le gouvernement italien concédera des lignes à grande vitesse « low cost » à un opérateur privé.

En Allemagne la libéralisation remonte aux années quatre-vingt-dix mais l’Etat fédéral reste cependant maitre et responsable du réseau, et reprendra plus tard à son compte la dette de la « Deutsch Bahn ».

La France bien sûr ne sera pas en reste et aura la volonté de demeurer le bon élève de l’Europe en matière de libéralisation du transport ferroviaire.

Pour la Commission Européenne, enserrée dans l’obsession (1957) d’une concurrence libre et non faussée, cette dérégulation doit permettre  le renforcement de la compétitivité d’entreprises ferroviaires à visage nouveau, ainsi débarrassées du carcan que leur imposeraient les Etats dans leur fonction d’autorité organisatrice de transport.

La Commission dès 1991 se détermine pour une séparation entre la gestion des infrastructures et leur exploitation. Ainsi est créée Réseau Ferré de France (RFF) séparée désormais de la SNCF société historique ( RFF deviendra Sncf Réseau en 2015).

En 2001, sous le vocable d’un « premier paquet ferroviaire », les Etats membres de l’Union se mettent d’accord pour un projet de libéralisation du fret européen qu’il soit trans-national ou national. Il est même prévu de mettre en place des autorités indépendantes de contrôle permettant de veiller à l’instauration  de cette sacro-sainte concurrence.

Puis on assiste en 2004 à la mise en place d’un deuxième paquet ferroviaire qui libéralise complétement le fret pour tous les Etats de l’Union. Ainsi est effective en 2006 une ouverture à la concurrence du fret international et en 2007 celle du fret national. Le fret ferroviaire n’y aura rien gagné et au contraire le transport routier aura pris le dessus contre toute sagesse environnementale.

En 2007 encore un « troisième paquet ferroviaire » libéralise le transport international de passagers et ce à partir de 2010.

En 2016 un « quatrième paquet ferroviaire » vise alors le transport national de passagers. Rappelons-le que l’Allemagne et le Royaume Uni avaient déjà enclenché et largement réalisé l’ouverture de leur réseau à la concurrence.

Fin 2019, en France, s’ouvrent à la concurrence des lignes conventionnées telles que les lignes régionales TER et les lignes Inter cités dépendantes de l’Etat. Idem pour les TGV qui en principe sont eux aussi soumis à concurrence, notamment sur les lignes internationales.

Mais ce ne sera encore qu’une possibilité pour toute autorité organisatrice de transport, l’obligation ne deviendra effective qu’en 2023.

L’objectif est une ouverture totale à la concurrence en 2039 au plus tard, y compris le Transilien en région ile de France.

 

Un passage en force

Il faut bien souligner que rien n’obligeait l’Etat français à s’attaquer au statut des cheminots, ce qu’il fit pourtant en mettant fin aux embauches sous statut dès le 1er janvier 2020.

De même rien ne contraignait les conseils régionaux à appliquer de suite les directives européennes de libéralisation. C’est pourtant ce que firent plusieurs régions, fortes de la possibilité, qu’elles ont désormais depuis décembre 2019, d’attribuer l’exploitation de leur réseau ferroviaire à d’autres opérateurs que la SNCF.

La région PACA vote ainsi sans tarder, en décembre 2019, le principe d’une délégation de service public pour la ligne emblématique Marseille-Nice. Son président de droite, Renaud Muselier, reprochait à la SNCF sa « mauvais productivité ». Cela prenait les accents d’une véritable punition infligée à l’opérateur historique.

Quant à la région Grand-Est, elle aussi à la pointe de la libéralisation, son président naïvement ou coupablement, se plaisait à parier sur une économie de 30% des frais de fonctionnement.

 Le cas de la région Bourgogne Franche Comté

Un cas en effet puisque ce fut la première région de « gauche » à vouloir ouvrir son réseau de TER (trans-express régional) à la concurrence. L’ensemble de ses 17 lignes qui représentent 1951 kms au total seront donc soumis à appel d’offre mettant de fait l’opérateur historique, la SNCF, en difficulté. Le droit européen implique que soit mis en concurrence l’ensemble du réseau au travers d’un seul contrat (à la différence des lignes TGV qui peuvent se négocier ligne par ligne.)

La région BFC, qui s’est donc prononcée (le parti communiste et le rassemblement national avait voté contre) pour une libéralisation du rail sur tout son territoire pouvait tout aussi bien signer avec la seule SNCF avant le 25 décembre 2023 pour une durée de dix ans ce qui prolongeait le contrat avec l’opérateur historique jusqu’en 2033.

Pour l’heure, les agents de la SNCF restent dans une incertitude quant à l’évolution de leurs carrières. Et surtout ils s’interrogent sur la perte de sens de leurs métiers ainsi que sur la marche de leur entreprise publique au service d’usagers qui eux-mêmes bien souvent ne s’y retrouvent plus.

Bien sûr les organisations syndicales, et en particulier la CGT, se sont élevées contre ce passage en force de la région BFC. A sa tête une présidente appartenant au parti socialiste mais qui  aura choisi E. Macron dès le départ pour ensuite soutenir des candidats de la NUPES aux législatives de 2022.

Ce confusionnisme politique n’est pas tout à fait le fruit du hasard, il épouse ou fait craindre une absence de sérieux politique quant à l’avenir du rail. La bonne gestion de celui-ci commanderait pourtant, dans l’intérêt général, plus de stabilité et davantage de sérénité.

On sait que le secteur du  transport (y compris le fret) représente une part importante dans l’émission de CO2 (plus de 33% en France). La route en représente plus de 80%, suivie du transport aérien avec 15%, et du ferroviaire avec seulement 2%.

C’est dire l’enjeu stratégique du rail en matière de transition énergétique. La France en la matière semble vouloir rattraper son « retard » mais à l’envers du progrès contrairement à des pays comme l’Allemagne, la Grande-Bretagne ou l’Italie qui reviennent, forts de l’expérience,  à des gestions plus transparentes et davantage maîtrisées des transports collectifs.

Notre pays semble plus que jamais au cœur d’une course effrénée vers une dérégulation qui ne mène à rien d’autre qu’à un sous-investissement des réseaux ferrés, et qui donc  empêchent une stratégie de développement du rail. Il est temps de remettre en cause cette politique même si la Commission Européenne, appuyée voire instiguée par un gouvernement français complice, exige de rester maîtresse du jeu en faisant valoir coûte que coûte, d’une manière peu démocratique, une doctrine néo-libérale incapable de répondre à l’exigence d’une transition écologique harmonieuse et efficace.

JMarc Gardère


NB : article publié dans Démocratie et Socialisme n° 297 de septembre 2002

 

mardi 28 juin 2022

L’audiovisuel public toujours sous la menace

Pas d’illusion sur les volontés de notre président de la République de réduire les impôts et les taxes, cela cache l’essentiel. Ainsi la fin annoncée de la redevance de télévision pourrait bien signifier en réalité la mort programmée de la « radio-télévision » publique. Enfermé dans son armure idéologique, et à l’instar de l’ensemble de la droite qui se fait le pourfendeur de « la dépense publique », Macron entend mettre fin à la redevance audiovisuelle pour en faire tout autant un outil politique : cette « réforme » ferait partie des mesures censées accroitre le pouvoir d’achat des Français. Ceux-ci seront-ils assez éclairés pour débusquer la tromperie ?

Rappelons que « la contribution à l’audio-visuel public », comme elle se nomme officiellement, finance France Télévision (laquelle comprend France 2, France 3, France 4, France 5, Arte), Radio-France, Réseau France Outre-Mer, Radio France Internationale et enfin l’Institut National de l’audiovisuel. Le paiement de cette redevance se fait en même temps que la taxe d’habitation. Elle a pour inconvénient de n’être pas progressive. En 2021 elle se montait à 138 euros pour la France-métropolitaine (88 euros pour l’outre-mer). A titre de comparaison elle s’élève à plus de 300 euros en Autriche et en Suisse, 220 en Allemagne, 181 en Grande Bretagne. On pourrait dire que de ce point de vue notre pays est à la traine.

Vingt-trois millions de foyers français payent cette taxe audiovisuelle qui rapporte par an un peu plus de trois milliards d’euros. Si les propos de campagne de Macron se traduisent dans les faits il faudra bien compenser cette perte, d’une manière ou d’une autre, au besoin en taillant drastiquement dans les dépenses.

Qu’on en soit conscient ou non, il est clair que le pouvoir macroniste, qui veut se faire l’écho des marchands, se donne donc pour mission d’ébranler les fondements même de l’audiovisuel public. Ce dernier tient encore, mais pour combien de temps, sur des recettes dédiées et non pas, comme l’ensemble de ses concurrents privés, sur les recettes publicitaires ou pire sur les capitaux d’un patronat puissant qui a compris que l’information ( BFM, CNews pour ne citer qu’elles) constituait la clé essentielle pour nourrir de l’ombre un pouvoir politique prédestiné.

Ainsi donc durant ce deuxième quinquennat s’avance la menace d’une privatisation pure et simple de France 2, ou encore la fusion de France 3 et France bleu, avec pour corollaire, « économie » oblige, la suppression de dizaines de postes. La menace est réelle, elle est dans les cartons du pouvoir depuis fort longtemps, et E. Macron entend bien pour son dernier mandat en être l’artisan.

Depuis de nombreuses années déjà les programmations de France 2 en matière d’information se calquent sur celles de TF1 comme pour préparer l’audience à une information aseptisée au point d’ailleurs de n’être plus une véritable information mais plutôt une suite de magazines tenant le public à l’écart d’une vie citoyenne digne de ce nom.

La fin de la redevance signifie que l’audiovisuel public n’aura plus de financement stable mais se trouvera à la merci des votes d’un budget général annuel inévitablement erratiques, soumis aux jeux politiciens, faisant obstacle à des programmations pluriannuelles tenant sur la durée. L’indépendance de France Télévision mais aussi le respect du public seront abîmés par des choix éditoriaux contraires au pluralisme démocratique. C’est déjà vrai, demain ce sera pire.

On le voit aussi et depuis longtemps sur France Culture ou France Inter notamment où la parole de plus en plus souvent tient de la même pensée unique. Le discours de certains éditorialistes ne souffre pas de contradiction sauf en de rares fois comme autant d’alibis nous laissant présumer que le pluralisme des idées, en matière économique notamment, est sauf.

Par ailleurs, stimulée par la perte d’autonomie ainsi imposée à l’audiovisuel public, la mainmise des plateformes numériques mondialisées menace la diffusion des évènements culturels ou sportifs.

La fin de la redevance, pourrait signifier l’accélération de la découpe des évènements sportifs au profit des boîtes privés telles que Amazon Prime Video, RMC, Canal plus…Jeu de dupes : au total les charges seront un peu moins lourdes pour le contribuable mais le téléspectateur lui devra payer davantage s’il veut profiter des rencontres sportives, dont les plus emblématiques comme le tournoi de Roland Garros ou bien encore le tour de France dont les droits de diffusion télévisée pourraient être retirés de France Télévisions pour être éclatés entre plusieurs opérateurs privés.

Qui en sortira gagnant ? Certainement pas le téléspectateur ou l’auditeur de radio. Sur le plan culturel, la perte de l’indépendance et de la stabilité auront également des conséquences en matière de rayonnement de notre pays au profit d’une culture « mainstream » stimulée par des enjeux financiers énormes.

Pas étonnant que les pressions politiques se fassent de plus en plus fortes pour enfin arriver à la suppression de cette recette dédiée qui présente malgré tout une condition nécessaire à une certaine indépendance éditoriale.

En 2013 l’Allemagne a instituée la contribution forfaitaire universelle qui est payée par l’ensemble de la population. Il s’agit d’une contribution obligatoire indépendamment de l’usage de la prestation alors qu’en France il s’agit d’une redevance liée au service.

Les organisations syndicales, vent debout contre le projet gouvernemental de la suppression radicale de la redevance s’ajoutant aux coupes budgétaires déjà subies par le secteur public, seraient favorables à l’instauration de cette contribution forfaitaire sur le modèle allemand. Le principe a pour avantage en effet de donner plus de stabilité encore au financement de l’audiovisuel public. C’est ce même système qui a été adoptée par l’Italie (mais avec une part beaucoup importante des ressources publicitaires ce qui évidemment pose d’autres problèmes en matière d’indépendance).

L’intersyndicale de France Télévision demande l’indexation de cette contribution sur l’inflation « assortie d’un plan pluriannuel d’évolution sur 5 ans via un contrat d’objectif et de moyens ». Ces syndicats demandent également que le gouvernement définissent des orientations stratégiques de manière à investir efficacement le numérique pour ne pas l’abandonner exclusivement au secteur privé.

La remise en cause de la redevance tient à la fois de la question économique comme de la question idéologique. Un audiovisuel public suffisamment fort est une chance pour la démocratie, ne pas prendre les mesures pour le protéger et lui donner les moyens financiers et administratifs suffisants conduit à une perte de richesse culturelle inestimable.

Notre identité est aussi la résultante d’une information politique ou culturelle libres produite par des medias qui doivent rester, autant qu’il est possible, notre propriété collective.



JMG



mercredi 8 juin 2022

Police

En Seine-st-Denis fin mars, à Paris au Pont-neuf fin avril, et enfin samedi dernier à Paris dans le 18éme arrondissement, en tout quatre morts, en trois mois seulement, pour des refus d’obtempérer ! Cela commence à faire beaucoup. La police ne tue pas ?

Il faut juste s'atteler à mieux la former et lui rappeler qu’on n’est pas aux Etats-Unis, qu’il doit exister en France une police républicaine à qui on donne les moyens de fonctionner et reste sous contrôle des citoyens au travers de politiques responsables, notamment en matière sociale et sécuritaire.

La légitimité de la violence d’Etat ne doit pas permettre n’importe quoi dans l’exercice du maintien de l’ordre. Cette question ne saurait demeurer tabou, quitte à se faire traiter d’islamo-gauchiste ou d'on ne sait quoi par des gens qui s'entendent à tuer tout débat indispensable en la matière.

La violence et le nombre des attaques contre Mélenchon, qui a le courage de lancer le débat  sur les mauvaises pratiques de la police, sont nerveuses et excessives, souvent haineuses. Elles présentent aussi le risque, relayées par des media à visage unique, de porter atteinte gravement à la bonne santé démocratique de notre pays.

JMG


samedi 30 avril 2022

L’unité : condition d’une victoire possible !

Premier ministre, pourquoi pas ? Jean-Luc Mélenchon, fort de sa « victoire » au premier tour des présidentielles qui lui donne le leadership à gauche, explore un moyen habile de continuer un combat qui aurait pu échapper à la France insoumise comme aux autres forces de gauche. Est proposé en effet à la gauche ce trou de souris qui pourrait lui permettre de n’être pas disqualifiée et mieux peut-être de parvenir à une victoire  qu’elle n’espérait plus compte tenu d’un contexte politique abîmée par une extrême-droite qui s’est encore renforcée électoralement et idéologiquement.

L’article 20 de la Constitution de la Vème République dispose que le gouvernement conduit la politique de la nation, gouvernement lui-même dirigé par un premier ministre sur la base d’une majorité absolue ou  relative. Cette majorité donnerait à ce dernier sa confiance et son blanc-seing pour une politique qui ne soit pas celle d’un Président de la République plus antisocial que jamais.

Ainsi E. Macron, Président nouvellement élu contre Marine Le Pen avec près de 59% des voix, serait cependant dans l’obligation morale et politique de nommer un Premier Ministre porté par des élections législatives victorieuses.

Mais voilà, pour cela il faut gagner ces législatives et pour espérer avoir une chance, il convient d’arriver, dans un optimisme volontaire, à une unité de toutes les formations politiques  qui se revendiquent des gauches sociales et écologiques.

Les élections législatives ne sont pas l’élection présidentielle. Elles sont  plus complexes, encore plus incertaines du fait de particularités locales diverses et variées. La marche est plus haute car au lieu d’avoir une seule élection on en compte 577, du  nombre de députés qui composent l’Assemblée Nationale. Il faut rendre cette Assemblée capable d’asseoir un Premier Ministre chargé de la conduite de la nation dans une version parlementariste de la Constitution et non plus quasi-exclusivement présidentialiste comme c’est le cas depuis la dernière cohabitation de 1997 à 2002.

L’urgence dans ce contexte est d’élire 290 députés pour espérer gouverner le pays et conduire une politique de gauche sur la base d’une plate-forme commune reprenant  les thèmes essentiels que nous défendons depuis longtemps, fût-ce dans une formulation propre aujourd’hui à LFI, à savoir notamment la retraite à 60 ans, le SMIC à 1400 euros, la planification écologique, la VIème République…

Urgent de s’entendre sur un seul candidat de gauche par circonscription. Au moins 290 raisons ou conditions d’être unis. Le combat, dans l’unité, doit continuer.


JMG

samedi 16 avril 2022

Présidentielles : quelque chose de pourri au Royaume de…

 Royauté en effet car notre République a quelque chose à voir encore avec les rois qui l’ont précédée.  Deux monarques républicains potentiels sont en lice et pas des moindres, deux présidents possibles de la Vème République, en un « coup d’Etat permanent » qui donc pourrait être guidé soit par un thatchérien, soit par une extrémiste de droite, le choix en quelque sorte, entre la peste et le choléra. On peut avoir conscience que la peste peut être plus mortelle encore que le choléra, c’est pourquoi à sept jours du deuxième tour on me permettra d’être encore dans le doute et l’irrésolution.

La peste c’est l’attaque en règle contre les immigrés en mettant un point final au regroupement familial,  en réservant  les aides sociales aux Français. C’est encore instituer la préférence nationale pour le droit d’accès au logement et à l’emploi, c’est expulser les immigrés qui sont au chômage, ou encore interdire le voile dans l’espace public, autant de mesures qui risquent de mettre le pays en état de guerre civile en distillant la haine dans les pensées et les comportements contre des populations, ne le cachons pas, plus particulièrement visées.

Côté Thatcher, ou côté choléra lequel est susceptible en même temps de susciter et d’entraîner la peste, nous avons l’actuel Président qui, comme pour humilier encore plus le monde du travail, veut instituer un retraite à 65 (ou 64 ans, on s’y perd au moins que ce soit lui qui s’y perde) sans aucune justification économique, avec seulement pour conséquence, et pas des moindres, d’aggraver les chiffres du chômage, celui des jeunes en particulier avec le risque d’aviver un insupportable conflit des générations. E. Macron c’est aussi conditionner l’attribution du RSA à des heures travaillées gratuites alors que les gens, contrairement aux idées inculquées par la droite, désespérément se battent pour obtenir un emploi qui leur garantisse un revenu décent et une intégration sociale perdue.

 C’est bien l’actuel président qui est le responsable de la suppression des comités d’hygiène et de sécurité, c‘est bien lui qui a supprimé l’ISF, institué le plafond des indemnités aux prud’hommes, et entend maintenant procéder à une sorte de pré-privatisation de l’éducation nationale.

Comment en est-on arrivé là ? Comment se fait-il que plus des deux tiers des électeurs ne soient plus politiquement représentés, et ce dans le cadre d’une Constitution qui donne tous les pouvoirs au Président, y compris celui de façonner sa majorité parlementaire ? Ainsi Marine Le Pen promet-elle de réformer la Constitution pour mettre en place une proportionnelle dont le but, moyennant une prime majoritaire à 30%, sera de lui donner les moyens de gouverner sans pour autant donner davantage de pouvoir aux assemblées parlementaires. 

Cette situation est insupportable. Nos concitoyens vont devoir se prononcer entre deux candidats qui se partagent des valeurs de droite ou d’extrême-droite alors que le pays reste sociologiquement de gauche. Ainsi apprend-t-on que 75% des ouvriers seraient prêts à voter Le Pen contre leur intérêt de classe. La désunion, particulièrement au sommet de la gauche, n’est évidemment pas étrangère à la disjonction entre la réalité électorale d’aujourd’hui et la situation politique ou sociologique du pays.

 La primaire populaire, malgré les promesses et les espoirs, s’est avérée être un gâchis démocratique. Pourtant elle portait l’idée et l’intention légitimes de la nécessaire union des gauches.

Loin de chercher la responsabilité de tel ou tel, il s’agit éviter les anathèmes qui succèdent aux lendemains qui déchantent. Il s’agit maintenant, après avoir appelé à battre l’extrême-droite, et quel que soit le résultat final du second tour, de recommencer, dans la perspective des législatives notamment, à travailler pour une unité des forces de progrès autour d’une plate-forme qui puisse s’agencer en effet autour du programme porté par le plus grand nombre à gauche, à savoir aujourd’hui celui de la France Insoumise.

La bataille idéologique est loin d’être terminée, elle est plus que jamais devenue cruciale. Le mouvement social devra à nouveau, quel que soit le nom du chef de l’exécutif, prendre activement le relais pour préserver les libertés publiques et défendre les sécurités sociales et solidaires.

JMG

jeudi 24 mars 2022

Ukraine : la guerre est-elle pensable ?

Tout le monde ou presque, aura été sidéré par la décision de Poutine d’envahir l’Ukraine dont le peuple pourtant est si proche du peuple russe. Il est vrai que tout le monde ou presque aura été endormi croyant qu’il n’y aurait plus possibilité d’une guerre à la papa, avec des chars, des avions,  des missiles, de l’artillerie conventionnelle, toute une « esthétique » par-delà le bien et le mal sortie d’images vues et revues de la deuxième guerre mondiale.

On pensait même, se fondant dans une espèce de foi pour le progrès, que les batailles désormais se joueraient par ordinateurs interposés, rendant virtuelles, par miracle numérique, toutes les souffrances, civiles ou militaires. Pas tout à fait la guerre en dentelles mais, quand même, une guerre aseptisée, modernisée, ce modernisme relevant, en l’occurrence, de cette disposition d’esprit qui empêche au fond d’avoir une vision tragique de l’histoire.

Les Américains dans leurs guerres du Golfe n’avaient-ils pas donné le ton lorsqu’ils eurent envahi l’Irak tout en nous abreuvant de ces «  frappes chirurgicales » qui prétendument  épargnaient les populations civiles ? Ce n’étaient que des images mais qui cachaient habilement la souffrance et la mort.

Côté russe il y eut la Tchétchénie et la destruction de Grozny, et plus récemment la Syrie dans un même sillon belliqueux comme pour répondre à l’intervention occidentale en Lybie, avec ce même cortège de morts, de blessés, de souffrance. Mais c’était loin, si loin que ces conflits-là n’avaient pas l’air de nous concerner. Les réfugiés n’avaient même pas l’honneur d’être de véritables réfugiés mais simplement des migrants qui selon les droites extrêmes entendaient nous voler nos richesses et affaiblir notre si précieuse culture dans l’optique d’un « grand remplacement » définitif. Deux poids deux mesures donc alors que ces guerres étaient si semblables avec ses lots de violences absolues menaçant à mort l’espèce humaine.

Notre capacité de compréhension est largement entamée par une propagande venue des deux côtés mais aussi par notre paresse à ne pas vouloir comprendre les enjeux géo-politiques.

Car ce n’est pas la fin de l’histoire, elle continue sous nos yeux, écrite par des Empires qui n’ont pas disparu et qui au contraire affirment leur existence par la violence faite aux autres. Poutine n’en a pas terminé dans sa quête d’une grande Russie impérialiste qui retrouve les frontières de l’URSS dont il disait que l’effondrement avait été « la plus grande catastrophe géopolitique du vingtième siècle ».

C’est au vacarme qu’elles produisent qu’on reconnait les guerres mais comme nous ne l’entendons pas, ne serait-ce que par la distance ou l’angoisse que « cela » nous arrive, nous laissons aux Ukrainiens le soin de mener et supporter la leur. Nous ne pouvons leur offrir que notre compassion, ou au mieux notre solidarité. Celle-ci a tant de mal à se convertir en acte qu’on serait tenté de dire qu’elle ne sert qu’à pacifier notre conscience.

L’enjeu est si fort, la menace est si grande que les hésitations du camp occidental ne sont pas illégitimes. Il ne faut pas mésestimer la puissance qui se tient en face, où l’émotionnel nationaliste savamment et puissamment distillé le dispute à la folie d’un seul.

Le nationalisme russe se nourrit d’une situation géopolitique où l’impérialisme occidental s’est aventuré à l’extrême limite des frontières de la Russie actuelle. L’occident, et les Etats-Unis en premier lieu sur lesquels paresseusement nous nous sommes alignés, n’ont pas voulu mesurer toute la portée historique de la chute du mur de Berlin.

La dislocation de l’URSS qui s’en est suivie n’était pas le signe d’une illusoire fin de l’histoire mais bien l’avènement d’une nouvelle alliance entre un impérialisme ancestral et un capitalisme débridé.

Le camp occidental a fait l’erreur de méconnaître l’histoire longue de la Russie tout comme Poutine aujourd’hui fait l’erreur criminelle de nier l’existence du peuple ukrainien dans ses dimensions patriotiques ou démocratiques. La montée et la prise effective de pouvoir par Poutine n’est pas due au hasard, elle est le produit de rivalités impérialistes qui demeurent.

A nous donc de comprendre, pour tenter d’éviter le pire. Les sanctions contre la Russie risquent d’alimenter un nationalisme mortel. Et pourtant, il faut bien agir et montrer à Poutine qu’il ne peut aller plus loin. C’est aux Ukrainiens d’abord de relever ce défi tragique. Ils y parviennent dans un héroïsme étonnant et admirable. Il faut les y aider mais sans pour autant couper le dialogue avec les Russes. Poutine ne comprend que le rapport de force, c’est une évidence mais on ne peut couper les canaux diplomatiques avec une puissance disposée, comme l’a menacé l’homme fort du Kremlin, à dégainer le feu nucléaire. Le fait même d’évoquer cette éventualité participe à rendre plus grand encore le risque.

Il faut exploiter ce qui ressemble sur le terrain à un début de défaite, les troupes de Poutine semblent douter, jusqu’à peut-être la limite de l’enlisement, dépassées par la détermination des citoyens ukrainiens.  Raison supplémentaire dans ce contexte de privilégier la voie diplomatique. Car pendant ce temps, et c’est la stratégie de Poutine, des villes sont rasées dans une escalade militaire qui se fait au rythme de l’intensité de la résistance.  La diplomatie est plus que jamais un impératif pour épargner des souffrances et des vies. 

Les salariés en France, comme dans l’ensemble de l’Europe n’ont aucun intérêt à ce que cette guerre perdure et s’intensifie. L’impératif de la paix n’est pas discutable. Pour cela la mobilisation massive des peuples doit imposer la paix.

Outre l’accueil des réfugiés, c’est ce à quoi nous devons aussi nous attacher.

 

Jean-Marc Gardère


samedi 5 mars 2022

Abstention

La gauche dite gouvernementale porte une lourde responsabilité dans la désespérance d’une population qu’elle aura fait semblant d’écouter.
 
Cette gauche aura favorisé une approche sociétale en délaissant dans les faits la question sociale. 
Résultat aujourd’hui : une gauche dispersée, à l’image des politiques qu’elle aura semées, impuissante de par sa division à avoir un discours mobilisateur, alors que la division de la droite elle-même lui offrait, lui offre encore peut-être mais on est à l'extrême-limite, une fenêtre de tir favorable.
 
La violence politique, qui se traduit aujourd’hui par une montée des droites extrêmes n’est que l'avatar d’une violence sociale (chômage, précarité, crise du logement, coût de la vie, accès aux soins, ruptures territoriales et numériques...) infligée aux classes les plus défavorisées et qui dès lors se détournent des urnes.

JMG

samedi 8 janvier 2022

Voeux pour le syndicalisme

 On aimerait une fois n’est pas coutume faire un vœu pour le syndicalisme, mais pas n’importe lequel. Notre société politique fait comme si le syndicalisme ne devait pas exister. Pourtant l’histoire comme l’actualité récente montrent combien il est déterminant pour la politique et la « gouvernance » du pays. On veut parler d’un syndicalisme de combat celui qui ne se contente pas d’accompagner les actes des gouvernements qui se succèdent depuis plus d’une trentaine d’année ;  d’un syndicalisme qui entend encore façonner la société par des actions concrètes, visibles, et de fait établissent une pensée politique qui n’a rien à envier aux partis politiques parce que précisément il s’enracine dans une pratique riche, diverse et raisonnable, liée au réel de façon essentielle. Cette pensée pratique est commandée non seulement par la complexité des situations mais aussi et surtout, en un temps de capitalisme triomphant qui broie la nature et les hommes,  par la nécessité résistante.

Le syndicalisme qu’il faut défendre s’attache à sauver l’idée de la solidarité incarnée notamment, mais pas seulement, par une sécurité sociale, comme socle essentiel de notre République, attaquée de toute part par les courtisans d’un secteur privé qui en demande toujours plus. Dire qu’il faut baisser les cotisations sociales, le répéter à l’envi, pour que cela rentre bien dans le crâne de ceux pour qui réfléchir est devenu un fardeau, appartient à une classe dominante aujourd’hui parée de tous les pouvoirs. Ce sont ces oligarques aux fortunes financières de plus en plus exorbitantes qui font la loi au travers d’une représentation politique qu’ils mettent à leur service.

Ainsi en est-il, idée relancée par le gouvernement Macron, d’une énième réforme des retraites comme si cet enjeu politicien devait dépasser en importance la question de l’emploi laissée en friche (à qui profite le crime ?) depuis des décennies.

Cette sempiternelle réforme des retraites, devenue un instrument idéologique, a pourtant été mise en échec par la mobilisation des syndicats, la CGT mais aussi la FSU ou solidaires. Le Covid n’a pas grand-chose à voir avec ce recul du gouvernement même s’il a pu servir de prétexte. La CFDT quant à elle semble désormais absente malgré qu’elle a été consacrée premier syndicat de France, mais désormais incapable, à force de capitulation et de volonté de composer avec le pouvoir, de mobiliser ses adhérents contre les attaques significatives et caractéristiques contre le monde du travail.

L’action syndicale reste donc primordiale. Les syndicats, dans une société malade à cet égard, restent des lieux privilégies de la démocratie attachée aux réalités sociales. Mieux que les « think tanks » qui éclosent ici ou là dans le paysage politicien les organisations syndicales qui n’abandonnent pas a priori la pensée critique reste des lieux d’élaboration d’une pensée collective indispensable à une transformation sociale modernisée.

Cela contribue à alimenter les partis ou mouvements politiques qui se revendiquent de la gauche ou qui en ont conservé l’esprit historique. C’est le cas indubitablement de la France Insoumise qui puise son programme et sa conscience politique dans sa proximité avec des militants appartenant aux syndicats dits « révolutionnaires ».

Il fut un temps pas si lointain où les adhérents du Parti socialiste devaient obligatoirement appartenir à une organisation syndicale, comme le prévoyait l’article 10 de ses statuts votés au congrès d’Epinay. Cette obligation fut retirée, sans débat ou dans un silence complice, alors que François Hollande était le premier secrétaire du parti. Le fait a sans conteste accompagné le glissement du parti dans un néo-libéralisme teinté, pour sauver les apparences, de quelques traces de social. Décidément s’agissant de la décrépitude du PS, rien n’aura été fait au hasard.

Les organisations syndicales sont par nature chevillées au monde du travail, elles en sont l’expression multiple et démocratique. Nier les syndicats, ne pas les reconnaître comme des partenaires du combat social, les mépriser comme on a tendance aujourd’hui à mépriser les corps intermédiaires, n’est pas de bonne politique surtout lorsqu’elle ose se revendiquer d’une gauche qui a été jusqu’à s’attaquer au Code du travail. Si on avait davantage écouté et entendu l’ensemble de son personnel au travers de leurs organisations, l’hôpital public pour prendre cet autre exemple crucial, ne serait pas au point de rupture où il se trouve aujourd’hui.

Les syndicats, parce qu’ils mettent la notion d’organisation au centre de l’action, parce qu’ils sont enracinés dans les forces productives et servantes de ce pays, ont également une fonction de lanceurs d’alerte. C’est pourquoi il est crucial d’agir contre les discriminations syndicales dont sont trop souvent victimes les militants. Ces pressions parfois violentes sont l’une des causes de l’affaiblissement et de la vulnérabilité des syndicats.

Si le syndicalisme est affaibli, c’est aussi qu’il a trop souvent  ces dernières années, subi des échecs cinglants, en butte à des pouvoirs politiques inconscients et rétrogrades qui désespèrent ainsi le monde du travail. Le syndicalisme est un ferment démocratique propre à défendre et renforcer la république sociale.

De par sa situation de proximité naturelle avec le mouvement ouvrier, Il est au cœur des problématiques et des débats sur la ré-industrialisation du pays, sur les relocalisations des entreprises, sur la défense de services publics, et contre les privatisations dont ceux-ci sont la cible.

Faisons donc le vœu d'un syndicalisme suffisamment fprt et autonome, fondé sur une réflexion politique de défense de l'intérêt général, pour proposer et construire le progrès social et économique.

JMG

* article paru dans "Démocratie et Socialisme" de février 2022