L'émotion et la précipitation peuvent
être mauvaises conseillères, c'est ce que l'on constate encore quelques
semaines après l'incendie de Notre-Dame.
Le gouvernement croit devoir agir
vite pour reconstruire ou restaurer la cathédrale emblématique de Paris. En
cinq ans seulement, comme l’a promis le Président de la République, tout doit
être reconstruit…ou restauré.
Et donc tout le beau monde des arts, de la
culture, du patrimoine doit se plier en quatre, et être sur le pont, pour
rendre aux Parisiens et aux Français ce trésor que leur avaient légué les
bâtisseurs d’il y a huit siècles. Sans perdre de temps, ou sans le prendre
suffisamment, contrairement à ce qui se faisait au Moyen-Âge. Il semble qu’au
plus haut niveau de l'Etat il faille tout mettre en œuvre pour récupérer la
mise émotionnelle généré par l'incendie d'un des plus beaux monuments français.
Le Parlement est lui-même appelé
à la rescousse pour voter une loi qui déroge aux règles en vigueur de
l'urbanisme. Le projet aura été adopté par l'Assemblé Nationale dans la nuit du
10 au 11 mai dernier. Le gouvernement veut être autorisé à agir par ordonnances
pour la création, notamment, d'un établissement public chargé des travaux et de
la gestion des dons générés par la catastrophe.
Sauf que dans le projet de loi la
composition de cet établissement public n'est pas précisé, et les experts du
patrimoine paraissent être écartés.
Le dernier article du projet est
encore plus inquiétant puisqu'il permettrait au gouvernement, toujours autorisé
par ordonnances, de déroger non seulement à de nombreuses règles d'urbanisme ou
de préservation du patrimoine, mais aussi en matière de commande publique, de
protection de l'environnement, de voirie et de transports. Le projet prévoit
également certaines déductions fiscales supplémentaires. Le Sénat devait à son
tour examiner le texte fin mai.
Le risque est grand que ces
dispositions, si elles étaient cette fois adoptées, en appellent d’autres et
constituent un précédent fâcheux à l’occasion de tout événement jugé
suffisamment traumatisant pour, sur le coup d’une émotion populaire sans doute
légitime, permettre au pouvoir de s’affranchir de règles pourtant édictées à
raison de l’intérêt général.
JMG