mardi 28 mai 2019

La lenteur et ses vertus


L'émotion et la précipitation peuvent être mauvaises conseillères, c'est ce que l'on constate encore quelques semaines après l'incendie de Notre-Dame.

Le gouvernement croit devoir agir vite pour reconstruire ou restaurer la cathédrale emblématique de Paris. En cinq ans seulement, comme l’a promis le Président de la République, tout doit être reconstruit…ou restauré. 
Et donc tout le beau monde des arts, de la culture, du patrimoine doit se plier en quatre, et être sur le pont, pour rendre aux Parisiens et aux Français ce trésor que leur avaient légué les bâtisseurs d’il y a huit siècles. Sans perdre de temps, ou sans le prendre suffisamment, contrairement à ce qui se faisait au Moyen-Âge. Il semble qu’au plus haut niveau de l'Etat il faille tout mettre en œuvre pour récupérer la mise émotionnelle généré par l'incendie d'un des plus beaux monuments français.

Le Parlement est lui-même appelé à la rescousse pour voter une loi qui déroge aux règles en vigueur de l'urbanisme. Le projet aura été adopté par l'Assemblé Nationale dans la nuit du 10 au 11 mai dernier. Le gouvernement veut être autorisé à agir par ordonnances pour la création, notamment, d'un établissement public chargé des travaux et de la gestion des dons générés par la catastrophe.

Sauf que dans le projet de loi la composition de cet établissement public n'est pas précisé, et les experts du patrimoine paraissent être écartés.

Le dernier article du projet est encore plus inquiétant puisqu'il permettrait au gouvernement, toujours autorisé par ordonnances, de déroger non seulement à de nombreuses règles d'urbanisme ou de préservation du patrimoine, mais aussi en matière de commande publique, de protection de l'environnement, de voirie et de transports. Le projet prévoit également certaines déductions fiscales supplémentaires. Le Sénat devait à son tour examiner le texte fin mai.

Le risque est grand que ces dispositions, si elles étaient cette fois adoptées, en appellent d’autres et constituent un précédent fâcheux à l’occasion de tout événement jugé suffisamment traumatisant pour, sur le coup d’une émotion populaire sans doute légitime, permettre au pouvoir de s’affranchir de règles pourtant édictées à raison de l’intérêt général.

JMG

jeudi 23 mai 2019

Non à Macron : la meilleure façon de le dire

Pour qui voter ?
C'est pas peu dire que la gauche, du moins dans sa traduction électorale, est déchirée, pulvérisée, à la merci du débat droite-droite qui s'est instaurée dans le paysage médiatique sur proposition d'un pouvoir qui n'a que faire d'une presse libre et indépendante.

Tout est fait en effet pour que le Rassemblement National soit le seul interlocuteur ou du moins l'unique challenger d'un Macron qui veut à tout prix rester maître du jeu. Et derrière, toujours à l'affût, même si c'est sur un banc de touche, la droite classique attend patiemment son heure, tout en glanant ici ou là quelques promesses de voix supplémentaires, une droite qui monte ou qui remonte.

Et la gauche ? Bien sûr les sondages ne veulent rien dire, ne valent rien dit-on, et il peut y avoir des surprises, toujours. Mais les tendances, même si elles sont télécommandées, suscitées, n'en demeurent pas moins réelles, la gauche, la vraie, celle qui défend le monde du travail, et il faut bien l'appeler d'un nom qui fasse référence à son histoire, la gauche quoi qu'il en soit est dans la panade.

Si donc on incluait dans cette gauche y compris Europe Ecologie les Verts (je sais ça fait mal), les "socialistes" de Glüksmann (plus mal encore), on n'atteindrait pas, si l'on fait une rapide addition, les 28% d'intentions de vote.
La droite, et je suis attaché à cette distinction et ce terme essentiels même si certains aujourd'hui, y compris parmi les amis de LFI, voudraient les nier ou les rendre inintelligible, la droite donc atteindrait de son côté allègrement les 65%. Le résultat, même hypothétique, est tranchant et désespérant.

On voit qu'il y a à reconstruire, beaucoup, avec malheureusement, pour lui comme pour nous tous, un PC qui semble, à l'heure qu'il est, en perdition sur le plan électoral : c'est désespérant et dommageable pour l'ensemble de la gauche, gageons que ce n'est pas définitif.

Aujourd'hui pourtant, et dimanche prochain précisément, malgré le peu de confiance qu'inspire depuis des années l'Union européenne, il faut choisir son camp même si cela est douloureux dans ce contexte de désunion avérée, et le faire en envisageant une unité prochaine qu'il faudra nécessairement gagner par la suite.

Pour ma part je voterai dimanche pour la liste conduite par Manon Aubry, la mieux placée à gauche aujourd'hui pour contrer les politique de Macron et des droites, toutes économiquement et socialement désastreuses.
Voter pour la liste France insoumise c'est permettre aussi, singulièrement, de donner un député européen à Lons-le-Saunier en la personne de Gabriel Amard placé en huitième position sur la liste. C'est avant tout un militant, de gauche ne lui en déplaise, combatif, qui a montré sa détermination à défendre le droit essentiel à l'eau, soucieux de combattre les inégalités sociales et, entres autres défis à relever, l'évasion fiscale qui en est un des fondements.

JMG




dimanche 12 mai 2019

La "décentralisation" à la rescousse

"Si vous voulez enterrer un problème, nommez une commission" disait Clémenceau, "si vous voulez cacher une crise, faites voter une loi de décentralisation" pourraient dire les plus récents de nos présidents de la République.
C'est vrai que depuis les années quatre-vingts, où la première loi de décentralisation voyait le jour, les gouvernants n'ont cessé de légiférer sur l'organisation administrative de la France et sur les relations qu'entretiennent l'Etat d'une part, et les communes, départements, et régions d'autre part.

Il est bon que les collectivités s'affranchissent d'une dépendance trop grande vis à vis de l'Etat central  (ce qui en réalité n'est pas le cas puisque ce dernier les muselle financièrement) mais l'excès inverse n'est pas plus recommandable lorsque ces réformes ont un but idéologique qui joue contre l'intérêt général de la population et l’aménagement harmonieux du territoire.

E. Macron vient encore d'en faire la démonstration en annonçant le projet d'une énième loi de décentralisation, prétendant ainsi répondre, à l'issue du grand débat et sans les nommer, aux préoccupations des gilets jaunes. 
Les propos tenus le 25 avril dernier devant la presse restent flous  : ce qu'il a lui-même appelé "un nouvel acte de décentralisation" devrait concerner, comme il l'a annoncé, "transition écologique, logement, transports". 

A l'entendre, tout est simple, c'est pourquoi son propos demeure des plus idéologiques sans prise au réel, et en contradiction surtout avec la politique que lui et sa majorité ont mené jusqu'ici à l'endroit des collectivités : la suppression notamment de la taxe d'habitation qui tue leur autonomie financière sans réforme fiscale digne de ce nom qui garantisse un développement équitable et non concurrentiel des territoires. 

Rien de concret en matière de financement des collectivités, si ce n'est l'annonce d'une nouvelle et hypothétique réforme de la fiscalité en 2020. Par contre, Macron a l'intention d'ajouter d'autres compétences fondées, selon ses termes, sur "des principes simples devant garantir des décisions au plus près du terrain".

Des mots, des mots, mais de quoi craindre le pire, d'autant que Macron introduit le concept, étrange ou flou, de "différenciation territoriale" pour soit-disant "adapter les règles aux territoires". Cela signifierait-il que le loi ne s'appliquerait pas partout de la même façon ? Mystère, et surtout danger pour une République réputée indivisible.

Tout aussi inquiétante, cette promesse macronesque de supprimer les doublons entre l'Etat et les collectivités, une ancirengaine ancienne qui le plus souvent aura servi ou servira encore de prétexte à une diminution de la qualité et du nombre des services publics dans les territoires.

Donc pas de véritable décentralisation en perspective, car moins de démocratie au final, les communes, base de la démocratie locale, continueront d'être engluées et englouties dans des communautés d'agglo de plus en plus éloignées des citoyens.

Ce n'est pas le mille-feuille territorial que notre république "décentralisée" doit craindre mais bien l’empilement de réformes qui sont autant de raisons pour un gouvernement de rester muet et inactif sur les vrais enjeux de notre société.

JMG