samedi 21 novembre 2015

Paris, guerre et paix

Je me souviens de ce séjour en mars 2003 en Grande-Bretagne, c'était à quelques jours de l'intervention britannique et américaine en Irak, la veille je crois même, tous les tabloïds titraient sur cet événement annoncé comme si sa survenance enfin allait libérer d'un coup des tensions contenues durant des semaines. Quelque chose d'étrange, le pays cessait de respirer avant ce grand saut dont nul ne savait où il allait mener. Mais l'excitation était à son comble, celle surtout des va-t-en guerre, ceux-là mêmes qui avaient gagner semble-t-il la partie, mais, comme l'histoire l'aura révélé quelque années plus tard, sûrement pas la guerre.
Dans le nord de l'Angleterre, à Durham notamment, nous tombions sur des manifestations pacifiques et le fait d'être français nous ouvraient quelques portes, sinon quelques sourires approbateurs, chez ceux qui se mobilisaient, de plus belle et dans l'urgence, contre la guerre. Avec nous ces Britanniques avaient ce mot : "peaceful", avec une nuance d'admiration, "peaceful" ce dont précisément leur gouvernement à l'époque ne voulait pas. Je me sentais fier d'être français non pas pour des batailles hypothétiques victorieuses mais pour celles que notre pays allait heureusement éviter.

Ainsi pendant quelques années la France fut épargnée, non pas seulement par le terrorisme mais surtout par la terreur ou la peur qu'elle pouvait auto-alimenter en direction de son propre peuple. La place était encore laissée à la diplomatie au lieu de la guerre dont Clausewitz pensait qu'elle n'était que "la continuité de la politique par d'autres moyens". On sait, on imagine ce que ce sont "ces autres moyens", des larmes, du sang, de la souffrance, et de l'absurde par dessus-tout.

Cette neutralité guerrière de la France ne pouvait pas être lue comme de l'indifférence mais au contraire comme la volonté d'agir dans l'arène internationale en ne choisissant pas qu'un seul camp. Était laissée ouverte la possibilité de les écouter tous aux seules fins d'épargner la paix. Le discours de Villepin devant l'assemblée générale de l'ONU, -il n'est pourtant pas de mon camp-, fut efficace, réaliste, vrai. Et courageux aussi face à des États-Unis particulièrement fermés et absolutistes dans leur désir d'en découdre avec "le terrorisme", en faisant semblant de croire et en répandant l'idée mensongère que celui-ci venait uniquement de l'Irak de Saddam Hussein.

Sarkozy vint, puis Hollande, et là tout devint différent. Au discours de Villepin de 2003, et donc au lieu de la politique et de la diplomatie, se succédèrent les interventions militaires de Sarkozy puis à partir de 2012, celles tout aussi guerrières de Hollande. En mars 2008, faisant fi de ces engagements de campagne, Sarkozy envoyait un millier de soldats en renfort en Afghanistan, s'alignant ainsi de fait sur les positions américaines. Puis le même, en mars 2011, déclencha l'intervention en Libye, ce qui devait achever de déstabiliser l'ensemble de la région, jusqu'au Mali où François Hollande, début 2013, se révéla en un inattendu chef de guerre.
L'intervention de la France en Syrie à l'été 2013 fut évitée seulement parce qu'Obama lâcha Hollande au dernier moment. Comme on le sait ce ne fut que partie remise, tout récemment en septembre dernier qui vit le déclenchement des frappes aériennes françaises contre Daesh sur ce même territoire. Pour quels résultats tactiques et stratégiques ?

Il faut donc lire les attentats de Paris à la lumière de la politique étrangère de la France depuis 2007 jusqu'à aujourd'hui. Le nier ajouterait au drame.
Ce sont bien ces engagements militaires, au mépris du travail diplomatique, qui nous auront fait  devenir le pays cible que nous sommes devenus aujourd'hui, au péril y compris de nos libertés comme on le voit aujourd'hui avec la promulgation et le prolongement d'un état d'urgence décidé dans la précipitation, alors que peinent à s'évanouir la peine et l'émotion de ces attentats horribles et lâches.

JMG

samedi 7 novembre 2015

Grosse bourde chez Bourdin

Que la nouvelle ministre du travail ne connaisse rien, ou pas grand chose au Code du Travail, finalement ce n'est pas trop grave, elle n'a pas fait l'ENA et ne sait donc pas répondre aux questions dont elle n'a pas la réponse.

Je me suis mis à la place Myriam El Khomri, ministre du travail presque malgré elle. C'est vrai qu'il ne doit pas être si facile, assez vexant même, de se faire piéger par un Gourdin au moins aussi ignorant et imbécile que soi-même. Mais lui au moins n'est pas ministre ! Il est juste à RTL, et a donc beaucoup d'excuses ou "à décharge" à faire valoir.

Reste le problème de fond, en dépit de cet épisode qui pourrait cacher ce qui au fond fait le plus mal : comment a-t-on pu de la sorte mettre au premier rang du débat public la question du Code du Travail alors que d'autres priorités pourraient et devraient être stratégiquement mises en avant de la part d'un gouvernement...de gauche ?

Pardon de remuer le couteau dans la plaie mais...quelle irresponsabilité ou quelle traîtrise, au mieux quelle inconscience, ont pu être assez puissantes pour transformer la défense du monde du travail, pourtant une des missions essentielles de la gauche, en des attaques quasi-obsessionnelles contre le Code du Travail ? Et tout cela,bien entendu, avec la bénédiction et les encouragements d'un Medef qui n'en demandait pas tant. Ce code du travail, qui n'est pas moins complexe ou volumineux que le Code du Commerce, n'est-il pas fait précisément pour compenser le rapport de subordination entre l'employeur et l'employé, pour le rendre plus vivable ?

Et donc ce n'est pas cette ministre que j'accuse d'incompétence, mais c'est bien Rebsamen par exemple, le père géniteur des fameux trois CDD en 18 mois qui furent à l'origine des questions de Bourdin : car il faut être complètement à l'ouest pour croire que la précarisation des plus jeunes sera de nature à combattre le chômage. C'est le contraire qui se passera ! C'est aussi Macron, Valls, Hollande que je soupçonne de traîtrise et d'incompétence, ce sont eux les responsables, ce sont eux qu'il faut blâmer en premier.
Car l'affaire est grave, et en effet elle n'est pas fini, la destruction en règle du code du travail ne fait que commencer ne serait-ce que parce que bientôt, trop tôt, le mimétisme et la surenchère aidant, la droite pourrait revenir avec une volonté plus que jamais destructrice des droits des salariés.

Non content de la précarisation de la jeunesse, le gouvernement prévoit, pour rendre plus "fluide" le marché du travail, de donner la priorité aux accords d'entreprise au détriment de la loi. Cette remise en cause de la hiérarchie des normes, bien qu'elle ait été démentie par Manuel Valls, risque d'être catastrophique pour l'emploi. Comme se plaît à le répéter Gérard Filoche, "autant de contrat que possible, mais autant de loi que nécessaire", car la loi reste l'ultime rempart contre l'arbitraire des employeurs lesquels aujourd'hui sont eux-mêmes souvent confrontés aux exigences et à la dictature des financiers.

En ces temps de crise endémique, revenir sur les droits collectifs des salariés, faciliter de fait le recours aux licenciements ne favorisera pas pour autant les embauches. Les négociations n'ont pas commencé mais cela n'a pas empêché Valls (communiqué de la CGT en date du 4 novembre) d'indiquer que la réécriture annoncé du Code du travail ne se ferait pas à droit constant.

Comme quoi la simplification du code n'est qu'un prétexte grotesque et mensonger pour cacher le recul des droits des salariés au nom de la compétitivité des entreprises qui pour autant ne reviendra pas. Et pas, en tous les cas, parce que le Code du Travail aurait perdu dans la course quelques grammes ou quelques pages.

JMG