mercredi 1 février 2023

Retraites : encore une réforme à la con...mais pas que

 

La réforme des retraites telle que la veulent Macron et la droite ne se justifie pas en soi, elle est inutile, nocive, anti sociale bien sûr, anti démocratique, et les raisons pour la mener à bien sont plus ou moins explicites, plus ou moins inavouées. Que nous cache cette réforme ? Pour quoi, pour qui est-elle faite ?

Il s’agit d’abord de nous faire porter l’attention ailleurs, regarder autre chose que les problèmes les plus importants, ceux-là mêmes que le pouvoir n'est plus capable, par volonté, par manque de courage ou par paresse, de résoudre.

C’est que pour ce gouvernement les urgences peuvent attendre comme celle de l’hôpital public qui se meurt, comme l’éducation nationale abandonnée, comme l’ensemble des services publics qu’on a systématiquement délaissés non seulement dans les zones périurbaines, ou néo-rurales, mais aussi au cœur des villes.

Pour paraphraser un ministre de l’Intérieur de droite : Gouvernants vous avez un problème, voire plusieurs ?, créez-en un autre ! Et un plus grand même qui soit capable de faire de l’ombre à ceux auxquels, moyennant un peu de responsabilité publique, vous auriez pu et dû dans l’intérêt général apporter quelque solution.

Agrandissez l’abîme du chaos, voilà donc la solution et la « réforme » des retraites procède de cette veine-là. Tout comme en son temps la réforme territoriale par exemple, réforme superflue qui n’avait d’autre but que de redistribuer des cartes sans changer véritablement de jeu, mais qui permettait à Valls ou aux sociaux libéraux de montrer qu’ils restaient maîtres du jeu en matière de système administratif.

Il est un autre moyen de semer le désordre, tout aussi efficace, diviser pour régner en exaspérant le conflit des générations.  Ce conflit potentiel fait office de champ de bataille pour justifier les mesures régressives du gouvernement en matière de retraite. Ainsi les retraités d’aujourd’hui seraient-ils responsables d’une dette dont le poids incombe déjà, injustement, aux jeunes générations. Les anciens seraient égoïstes, sans considération pour de plus jeunes qui leur permettent de vivre une retraite sans péril économique. Et cela est étayé par des sondages faisant apparaître que l’électorat de Macron serait surtout composé de retraités favorables à une réforme susceptible de sauver un système dont ils seraient les seuls bénéficiaires.

Centralisation et verticalité.

Cette contre-réforme s’inscrit aussi, et de façon brutale, dans une volonté qui ne se dément plus depuis des années de confisquer aux partenaires sociaux un domaine qui pourtant principalement leur appartient : la gestion  des organismes de protection  sociale.

Les retraites comme l’ensemble de la sécurité sociale se fondent sur des cotisations appliquées aux salaires, elles en constituent une base financière qui devrait être gérée par les partenaires sociaux, salariés et employeurs, sans qu’un gouvernement dût s’en mêler.

Le gouvernement Macron, à la suite d’autres, et dans cet élan centralisateur et confiscatoire qui domine aujourd’hui les relations sociales, ne se seront pas privés de se mêler au fond de ce qui ne les regarde pas. Cette réforme annoncée des retraites peut être perçue par l’ensemble du monde du travail comme une appropriation pure et simple exercée par le pouvoir central. Dans ce contexte l’argument de l’équilibre financier se révèle fragile voire mensonger…Macron lui-même en 2017 ne déclarait-il pas que les retraites n’étaient « plus un problème financier » ?

Une autre raison essentielle pousse l’actuel Président de la République à conduire cette réforme : apparaître le bon élève, premier de la classe dans la course à l’intégration européenne. Macron est de ceux qui vont plus vite que la musique européiste quitte à froisser quelques principes démocratiques. Macron le néo-libéral se fait un devoir de ne pas décevoir la commission européenne et mieux encore entend bien rester l’artisan principal d’une Europe qui précisément ne met pas la question sociale au cœur de ses préoccupations. C’est pourquoi la presse se fait si généreusement l’écho des autres systèmes de retraite dans les différents pays de l’union européenne, répétant à l’envi, sans d’ailleurs en apporter les preuves, que la France serait la plus généreuse en la matière, l’urgence étant dès lors de limiter ce qui passe aux yeux de Bruxelles pour un gaspillage d’argent public.

Lutte des classes

Ce qui se trame au niveau de l’union européenne est le reflet du pouvoir exercé par l’oligarchie.  Macron a été élu grâce ou par les plus riches de ce pays, il a reçu mandat des patrons du CAC 40 pour revenir sur les acquis sociaux. Il faut rappeler sans cesse à cet égard ce que disait en 2007 Denis KESSLER, vice-président du MEDEF, dans un article intitulé "Adieu 1945" :

"Le modèle français est le pur produit du Conseil National de la Résistance. Un compromis entre gaullistes et communistes. Il est grand temps de le réformer et le gouvernement s’y emploie… Il s’agit aujourd’hui de sortir de 1945 et de défaire méthodiquement le programme du CNR… renforcé par le programme commun en 1981, à contre sens de l’histoire… Aujourd’hui face à la quasi-disparition du parti communiste, à la relégation de la CGT dans quelques places fortes, à l’essoufflement asthmatique du PS ?? Conditions nécessaires pour que l’on puisse envisager l’aggiornamento qui s’annonce".

Nul doute que ce point de vue et largement partagé au sein du pouvoir macroniste. Il donne au Président de la République actuel une boussole politique. Un contre-programme est aussi un programme susceptible de rassembler un camp, celui de l’oligarchie et de « la finance » dont le président Macron est issu. Il ne s’en cache plus, assuré qu’il est de n’être pas réélu.

Cela doit inciter le monde du travail à continuer la lutte, rassemblé dans un mouvement social le plus unitaire possible. L’opinion publique a bien compris que l’argument financier d’un maintien à l’équilibre du système ne tient pas ou n’est pas suffisant. Cette réforme est idéologique, elle vise à accentuer et à asseoir un pouvoir qui méprise le peuple et méconnait le monde du travail. C’est la réforme d’un petit Jupiter.

JMG