La réforme des retraites telle que la veulent Macron et la droite ne se
justifie pas en soi, elle est inutile, nocive, anti sociale bien sûr, anti
démocratique, et les raisons pour la mener à bien sont plus ou moins
explicites, plus ou moins inavouées. Que nous cache cette réforme ? Pour
quoi, pour qui est-elle faite ?
Il s’agit d’abord de nous faire porter
l’attention ailleurs, regarder autre chose que les problèmes les plus importants,
ceux-là mêmes que le pouvoir n'est plus capable, par volonté, par manque de
courage ou par paresse, de résoudre.
C’est que pour ce gouvernement les
urgences peuvent attendre comme celle de l’hôpital public qui se meurt, comme
l’éducation nationale abandonnée, comme l’ensemble des services publics qu’on a
systématiquement délaissés non seulement dans les zones périurbaines, ou
néo-rurales, mais aussi au cœur des villes.
Pour paraphraser un ministre de
l’Intérieur de droite : Gouvernants vous avez un problème, voire plusieurs
?, créez-en un autre ! Et un plus grand même qui soit capable de faire de
l’ombre à ceux auxquels, moyennant un peu de responsabilité publique, vous
auriez pu et dû dans l’intérêt général apporter quelque solution.
Agrandissez l’abîme du chaos, voilà
donc la solution et la « réforme » des retraites procède de cette
veine-là. Tout comme en son temps la réforme territoriale par exemple, réforme superflue
qui n’avait d’autre but que de redistribuer des cartes sans changer
véritablement de jeu, mais qui permettait à Valls ou aux sociaux libéraux de
montrer qu’ils restaient maîtres du jeu en matière de système administratif.
Il est un autre moyen de semer le
désordre, tout aussi efficace, diviser pour régner en exaspérant le conflit des
générations. Ce conflit potentiel fait
office de champ de bataille pour justifier les mesures régressives du
gouvernement en matière de retraite. Ainsi les retraités d’aujourd’hui seraient-ils
responsables d’une dette dont le poids incombe déjà, injustement, aux jeunes générations.
Les anciens seraient égoïstes, sans considération pour de plus jeunes qui leur
permettent de vivre une retraite sans péril économique. Et cela est étayé par
des sondages faisant apparaître que l’électorat de Macron serait surtout
composé de retraités favorables à une réforme susceptible de sauver un système
dont ils seraient les seuls bénéficiaires.
Centralisation et verticalité.
Cette contre-réforme s’inscrit
aussi, et de façon brutale, dans une volonté qui ne se dément plus depuis des années
de confisquer aux partenaires sociaux un domaine qui pourtant principalement leur
appartient : la gestion des organismes
de protection sociale.
Les retraites comme l’ensemble de
la sécurité sociale se fondent sur des cotisations appliquées aux salaires,
elles en constituent une base financière qui devrait être gérée par les partenaires
sociaux, salariés et employeurs, sans qu’un gouvernement dût s’en mêler.
Le gouvernement Macron, à la
suite d’autres, et dans cet élan centralisateur et confiscatoire qui domine
aujourd’hui les relations sociales, ne se seront pas privés de se mêler au fond
de ce qui ne les regarde pas. Cette réforme annoncée des retraites peut être
perçue par l’ensemble du monde du travail comme une appropriation pure et
simple exercée par le pouvoir central. Dans ce contexte l’argument de
l’équilibre financier se révèle fragile voire mensonger…Macron lui-même en 2017
ne déclarait-il pas que les retraites n’étaient « plus un problème financier » ?
Une autre raison essentielle pousse
l’actuel Président de la République à conduire cette réforme : apparaître
le bon élève, premier de la classe dans la course à l’intégration européenne. Macron
est de ceux qui vont plus vite que la musique européiste quitte à froisser
quelques principes démocratiques. Macron le néo-libéral se fait un devoir de ne
pas décevoir la commission européenne et mieux encore entend bien rester
l’artisan principal d’une Europe qui précisément ne met pas la question sociale
au cœur de ses préoccupations. C’est pourquoi la presse se fait si
généreusement l’écho des autres systèmes de retraite dans les différents pays
de l’union européenne, répétant à l’envi, sans d’ailleurs en apporter les
preuves, que la France serait la plus généreuse en la matière, l’urgence étant
dès lors de limiter ce qui passe aux yeux de Bruxelles pour un gaspillage
d’argent public.
Lutte des classes
Ce qui se trame au niveau de
l’union européenne est le reflet du pouvoir exercé par l’oligarchie. Macron a été élu grâce ou par les plus riches
de ce pays, il a reçu mandat des patrons du CAC 40 pour revenir sur les acquis
sociaux. Il faut rappeler sans cesse à cet égard ce que disait en 2007 Denis
KESSLER, vice-président du MEDEF, dans un article intitulé "Adieu
1945" :
"Le modèle français est le
pur produit du Conseil National de la Résistance. Un compromis entre gaullistes
et communistes. Il est grand temps de le réformer et le gouvernement s’y
emploie… Il s’agit aujourd’hui de sortir de 1945 et de défaire méthodiquement
le programme du CNR… renforcé par le programme commun en 1981, à contre sens de
l’histoire… Aujourd’hui face à la quasi-disparition du parti communiste, à la
relégation de la CGT dans quelques places fortes, à l’essoufflement asthmatique
du PS ?? Conditions nécessaires pour que l’on puisse envisager l’aggiornamento
qui s’annonce".
Nul doute que ce point de vue et
largement partagé au sein du pouvoir macroniste. Il donne au Président de la
République actuel une boussole politique. Un contre-programme est aussi un
programme susceptible de rassembler un camp, celui de l’oligarchie et de
« la finance » dont le président Macron est issu. Il ne s’en cache
plus, assuré qu’il est de n’être pas réélu.
Cela doit inciter le monde du
travail à continuer la lutte, rassemblé dans un mouvement social le plus
unitaire possible. L’opinion publique a bien compris que l’argument financier
d’un maintien à l’équilibre du système ne tient pas ou n’est pas suffisant.
Cette réforme est idéologique, elle vise à accentuer et à asseoir un pouvoir
qui méprise le peuple et méconnait le monde du travail. C’est la réforme d’un
petit Jupiter.
JMG