samedi 20 avril 2019

Notre-Dame, et le luxe des plus riches

La charité, comme le mécénat, sont le luxe inespéré des riches, ils ne leur coûtent rien mais leur apportent beaucoup en illusion morale. Par ailleurs cela permet aux politiques qui les représentent et qu'ils se sont échiné à faire élire, d'esquiver toute velléités de réforme fiscale qui pourrait se révéler plus équitable.

Cela est devenu clair à l'occasion du drame national de l'incendie de Notre-Dame de Paris. Drame national en effet que Macron lui-même, de façon intuitive ou non, a cru bon d'exploiter politiquement en retrouvant à l'excès les saveurs de cours d'art dramatique mal assimilés.

L'émotion produite par cette catastrophe, qui n'a fait heureusement aucune victime, a été à l'origine d'une mobilisation financière sans précédent de la part de nos grands capitaines de l'industrie financière (et exclusivement financière) tels que Pinault, Arnaut, Bettencourt plus quelques autres moins médiatisés mais non moins puissants. 
Près d'un milliard d'euros auront ainsi collectés dépassant à cette occasion le budget de l'Etat alloué à la protection des monuments historiques lequel ne dépassera pas en 2019 les 800 millions d'euros.

L'argent est donc là qui pour une fois ruisselle en effet, mais selon le bon vouloir de nos oligarques qui trouvent là l'occasion de se refaire une santé éthique de protecteur de chefs d'oeuvre en péril.

Cette épisode aura permis non seulement de dévoiler concrètement et émotionnellement la puissance de l'argent privé mais aussi, et c'est lié, de démontrer la démission délibérée de l'Etat à s'occuper de ce qui pourtant devrait l'intéresser au premier chef. 

La lâcheté néo-libérale abandonne l'exigence démocratique au profit de grands groupes privés. La protection du patrimoine séculaire doit être le reflet fidèle d'une volonté collective et délibérée. Ce n'est pas à quelques grandes fortunes, favorisées par l'évasion fiscale ou par des politiques de moins-disant social, de décider en dehors du peuple quelle politique mener pour sauver et conserver ce qui reste encore de notre patrimoine.

C'est à nous, faisant peuple et composant l'Etat, de redevenir les généreux bienfaiteurs de ce qui nous appartient.

JMG

lundi 15 avril 2019

Fonction publique : le contrat contre la loi

Le projet de loi fonction publique devrait entraîner une augmentation significative du nombre d'agents contractuels. La rémunération de ces agents sera déterminée par l’administration compétente au regard des fonctions exercées, de la qualification, de l'expérience et en tenant compte des résultats professionnels.

En d'autres termes, il n'y aurait plus à terme de garantie collective jusqu'ici fondée sur des grilles de salaires définies nationalement, aggravant ainsi les disparités entre les agents publics eux-mêmes, mais aussi mécaniquement entre les territoires, avec ce risque de renforcer le clientélisme politique.

Le gouvernement a donc pour projet de serrer encore plus les relations de subordination entre administration et agents publics. Le risque est singulièrement grand dans l'Education Nationale où les agents ont toujours été attachés à une autonomie, même relative, sans laquelle un enseignement efficace n'est possible.

Changer les statuts c'est déjà changer d'horizon, c'est préparer les esprits à la privatisation, voire à la financiarisation des services publics ceux-ci devenant alors des services au public...puis aux "clients".

JMG


paru dans D&S Démocratie et Socialisme avril 2019

jeudi 4 avril 2019

Le mérite, quel mérite ?

L'idéologie contenue dans le néo-libéralisme fait primer l'individualisme sur la dimension collective. C'est pourquoi les divers gouvernements qui se succèdent depuis au moins 1983, date d'un premier basculement de la société dans la négation de la solidarité politique, s'en prennent à la fonction publique pour en fragiliser les statuts.

Dans l'optique de la réduction des dépenses publiques devenue boussole néo-libérale, la société médiatique a pris fait et cause contre la fonction publique et ceux qui en sont les acteurs essentiels, les fonctionnaires. Tout est fait pour les dénigrer alors qu'au sein de la population rien n'indique qu'ils aient une image particulièrement mauvaise au point en tout cas d'inspirer un rejet tel qu'on le représente dans les media dominants.

Un des angles d'attaque est constitué par le mérite qu'il faudrait mesurer, de manière à séparer le bon  grain de l'ivraie, à distinguer les "fainéants" de ceux qui seraient "courageux" à faire le travail ou remplir les fonctions pour lesquels ils sont recrutés.

Ainsi sont apparus les notions de "reconnaissance de l'engagement et de la performance professionnels" que le projet de loi sur la fonction publique, examiné en mars dernier en conseil des ministres, veut renforcer. Renforcer "seulement" car c'est déjà une vielle idée déjà en pratique dans la fonction publique territoriale et qui serait donc généralisée à l'ensemble de la fonction publique.

Les avancements, les promotions seront donc davantage liés à cette indéfinissable notion de mérite. Mais qu'en-est-il ? Un cadre chargé des marchés publics refusant un ordre illégal, celui de favoriser une entreprise sur pression politique par exemple, n'est-il pas plus "méritant" qu'un autre songeant prioritairement à sa carrière en abandonnant son esprit critique et son indépendance ?

Les fonctionnaires sont déjà dans le monde du travail le plus évalués, les plus contrôlés et il est étonnant que l'on revienne toujours sur cette question, si ce n'est pour des raisons suspectes : remettre en cause leur neutralité contre et à l'encontre des principes d'égalité, de responsabilité et d'indépendance attachés à la fonction publique.


JMG


paru dans D&S Démocratie et Socialisme avril 2019