On aimerait une fois n’est pas coutume faire un vœu pour le syndicalisme, mais pas n’importe lequel. Notre société politique fait comme si le syndicalisme ne devait pas exister. Pourtant l’histoire comme l’actualité récente montrent combien il est déterminant pour la politique et la « gouvernance » du pays. On veut parler d’un syndicalisme de combat celui qui ne se contente pas d’accompagner les actes des gouvernements qui se succèdent depuis plus d’une trentaine d’année ; d’un syndicalisme qui entend encore façonner la société par des actions concrètes, visibles, et de fait établissent une pensée politique qui n’a rien à envier aux partis politiques parce que précisément il s’enracine dans une pratique riche, diverse et raisonnable, liée au réel de façon essentielle. Cette pensée pratique est commandée non seulement par la complexité des situations mais aussi et surtout, en un temps de capitalisme triomphant qui broie la nature et les hommes, par la nécessité résistante.
Le syndicalisme qu’il faut
défendre s’attache à sauver l’idée de la solidarité incarnée notamment, mais
pas seulement, par une sécurité sociale, comme socle essentiel de notre
République, attaquée de toute part par les courtisans d’un secteur privé qui en
demande toujours plus. Dire qu’il faut baisser les cotisations sociales, le
répéter à l’envi, pour que cela rentre bien dans le crâne de ceux pour qui réfléchir
est devenu un fardeau, appartient à une classe dominante aujourd’hui parée de
tous les pouvoirs. Ce sont ces oligarques aux fortunes financières de plus en
plus exorbitantes qui font la loi au travers d’une représentation politique
qu’ils mettent à leur service.
Ainsi en est-il, idée relancée
par le gouvernement Macron, d’une énième réforme des retraites comme si cet
enjeu politicien devait dépasser en importance la question de l’emploi laissée
en friche (à qui profite le crime ?) depuis des décennies.
Cette sempiternelle réforme des
retraites, devenue un instrument idéologique, a pourtant été mise en échec par
la mobilisation des syndicats, la CGT mais aussi la FSU ou solidaires. Le Covid
n’a pas grand-chose à voir avec ce recul du gouvernement même s’il a pu servir
de prétexte. La CFDT quant à elle semble désormais absente malgré qu’elle a été
consacrée premier syndicat de France, mais désormais incapable, à force de
capitulation et de volonté de composer avec le pouvoir, de mobiliser ses
adhérents contre les attaques significatives et caractéristiques contre le
monde du travail.
L’action syndicale reste donc
primordiale. Les syndicats, dans une société malade à cet égard, restent des
lieux privilégies de la démocratie attachée aux réalités sociales. Mieux que
les « think tanks » qui éclosent ici ou là dans le paysage politicien
les organisations syndicales qui n’abandonnent pas a priori la pensée critique
reste des lieux d’élaboration d’une pensée collective indispensable à une
transformation sociale modernisée.
Cela contribue à alimenter les
partis ou mouvements politiques qui se revendiquent de la gauche ou qui en ont
conservé l’esprit historique. C’est le cas indubitablement de la France
Insoumise qui puise son programme et sa conscience politique dans sa proximité
avec des militants appartenant aux syndicats dits « révolutionnaires ».
Il fut un temps pas si lointain
où les adhérents du Parti socialiste devaient obligatoirement appartenir à une
organisation syndicale, comme le prévoyait l’article 10 de ses statuts votés au
congrès d’Epinay. Cette obligation fut retirée, sans débat ou dans un silence
complice, alors que François Hollande était le premier secrétaire du parti. Le
fait a sans conteste accompagné le glissement du parti dans un néo-libéralisme
teinté, pour sauver les apparences, de quelques traces de social. Décidément
s’agissant de la décrépitude du PS, rien n’aura été fait au hasard.
Les organisations syndicales sont
par nature chevillées au monde du travail, elles en sont l’expression multiple
et démocratique. Nier les syndicats, ne pas les reconnaître comme des partenaires
du combat social, les mépriser comme on a tendance aujourd’hui à mépriser les
corps intermédiaires, n’est pas de bonne politique surtout lorsqu’elle ose se
revendiquer d’une gauche qui a été jusqu’à s’attaquer au Code du travail. Si on
avait davantage écouté et entendu l’ensemble de son personnel au travers de
leurs organisations, l’hôpital public pour prendre cet autre exemple crucial,
ne serait pas au point de rupture où il se trouve aujourd’hui.
Les syndicats, parce qu’ils
mettent la notion d’organisation au centre de l’action, parce qu’ils sont
enracinés dans les forces productives et servantes de ce pays, ont également
une fonction de lanceurs d’alerte. C’est pourquoi il est crucial d’agir contre
les discriminations syndicales dont sont trop souvent victimes les militants. Ces pressions
parfois violentes sont l’une des causes de l’affaiblissement et de la
vulnérabilité des syndicats.
Si le syndicalisme est affaibli,
c’est aussi qu’il a trop souvent ces
dernières années, subi des échecs cinglants, en butte à des pouvoirs politiques
inconscients et rétrogrades qui désespèrent ainsi le monde du travail. Le
syndicalisme est un ferment démocratique propre à défendre et renforcer la
république sociale.
De par sa situation de proximité
naturelle avec le mouvement ouvrier, Il est au cœur des problématiques et des débats
sur la ré-industrialisation du pays, sur les relocalisations des entreprises,
sur la défense de services publics, et contre les privatisations dont ceux-ci
sont la cible.
Faisons donc le vœu d'un syndicalisme suffisamment fprt et autonome, fondé sur une réflexion politique de défense de l'intérêt général, pour proposer et construire le progrès social et économique.
JMG
* article paru dans "Démocratie et Socialisme" de février 2022