samedi 17 février 2018

"brutalité de l'histoire", mais encore...

Macron s'est révélé un peu plus lors de la pseudo-conférence de presse qu'il a tenue le 13 février dernier devant 120 journalistes. Il a dit exactement :
"Je ne suis pas l'enfant naturel des temps calmes de la vie politique. Je suis le fruit d'une forme de brutalité de l'histoire. Une effraction parce que la France était malheureuse et inquiète."

Par cette déclaration, quasi-littéraire, Macron prétend se placer dans une distance esthétique par rapport au politique. Mais le souci ici n'est pas seulement esthétique.
Macron veut dire, d'une façon qu'on peut juger présomptueuse, qu'il est au-dessus des contingences politiciennes, qu'il est là parce qu'un destin singulier, le sien, l'aurait placé là sans qu'il l'ait voulu expressément. Il se présente en fils de l'Histoire, mais c'est la Providence plutôt, et non le peuple, qui l'aurait dressé au rang de sauveur d'une "France malheureuse et inquiète".

D'où le terme d'"effraction" qu'il emploie également, à juste titre. Macron en effet a été élu par une minorité de citoyens en âge de voter, avec une abstention record de près de 25,5%. Il a été élu davantage pour faire un hypothétique barrage à Le Pen que par un geste du corps électoral qui fût délibéré, consenti, constructif et politique au meilleur sens du terme.

Il n'est pas étonnant dès lors que Macron se permette de passer pour l'homme providentiel de temps de crise. C'est pourquoi il prétend ne pas être "l'enfant naturel des temps calmes de la vie politique".

Mais bien sûr le problème demeure, car l'actuel locataire de l'Elysée ne tire pas toutes les conclusions de cette carence démocratique, comme l'aurait fait un véritable homme d'Etat.
Reconnaissant lui-même qu'il n'a pas été élu sur une base clairement accepté par le peuple, il l'a été en effet "par effraction". Et surtout hors de toute doctrine politique, élu en quelque sorte sur une illusion, ou pire une vacuité, ce qui explique au moins en partie la baisse considérable des opinons favorables dans une opinion qui découvre enfin, mais un peu tard, la supercherie. Et les annonces de cette semaine sur de prétendus baisse du chômage ou de redémarrage de la croissance ne seront ici d'aucun secours.

La situation est dangereuse car le programme de Macron n'en est pas un. Il n'y a rien de constructif, rien d'une vision à long terme, à part bien sûr la volonté affichée, revendiquée, sans complexe, de revenir sur tous les principes de l'Etat Social qui a fait jusqu'à maintenant la richesse, la spécificité, voire l'influence au plan international de notre pays.

Dans cette conférence Macron évoque la question du travail au travers une loi travail qu'il veut mener au bout mais qui va s'avérer bien vite, si ce n'est déjà le cas , comme une catastrophe. Son pari qui consiste à croire que cette loi va combattre le chômage est stupide et voué à l'échec, et dans le même temps sera facteur de souffrance sociale dont le peuple français et le monde du travail en particulier se seraient bien passé.

Emmanuel Macron continue de détruire patiemment à la suite de ces prédécesseurs à l'Elysée, au besoin par ordonnances, toutes les structures de solidarité (comme la sécurité sociale), structures collectives pourtant de nature à amortir les crises financières, et grâce auxquelles nous vivons en paix civile et en relative prospérité depuis la fin de la dernière guerre.

Si la résistance à cette politique n'est pas plus volontaire et collective il ira jusqu'au bout, instrumentalisé par les entreprises du CAC 40, encouragé par les exigences d'une Union Européenne plus que jamais monétariste et inégalitaire.

JMG



dimanche 11 février 2018

Pensée complexe ?

On ne sait trop d'où vient l'expression, de Ricoeur peut-être dont Emmanuel Macron se targue d'avoir été l'assistant (?), mais faisons simple et gageons que le macronisme n'a rien d'une pensée complexe.

Le but de Macron est simplissime. Faire de la France un Etat conforme aux désirs et à l'évolution des grands groupes industriels et commerciaux multi-nationaux. Cela quitte à mépriser des petites et moyennes entreprises vassalisées par les entreprises cotées au Cac 40, et bien sûr en opposition  à l'intérêt du monde du travail.

Macron a été élevé au biberon d'une économie hautement financiarisée dans laquelle la spéculation représente la première source de profits. On aurait pu espérer un moment qu'il défendrait l'industrie française et les emplois qui vont avec. Il n'en est rien, Macron ne se révèle pas saint-simonien, il fait partie d'un monde finalement plus archaïque et plus simpliste qui pense que c'est en assistant les grandes entreprises, en les exonérant de prélèvements obligatoires, qu'on parviendra à produire de l'argent qui ensuite "ruissellerait" sur les plus pauvres des ménages ou des entreprises.

Macron n'est pas de la veine des grands industriels ou des capitaines d'industrie, il  reste l'employé de luxe de la banque Rothshild. Jusqu'à présent il s'est montré plus proche de la partie du patronat la plus dure.
En aucun moment, jusqu'ici en tout cas, il n'a tenté de rétablir un certain équilibre ni de lutter contre des inégalités qui ne cessent de croître en France et qui sont non seulement des sources de violence potentielle mais aussi de crises systémiques comme celles de 2008.

Au contraire, en supprimant des postes d'agents publics ou de fonctionnaires comme avait voulu le faire un François Fillon d'une façon encore plus caricaturale, il s'attaque aux services publics qui échappent encore à la marchandisation. Il se prononce pour une intégration européenne sous l'angle d'une libéralisation accrue du marché faisant ainsi le jeu de l'ordolibéralisme d'Outre-Rhin dans une zone euro contrainte par les critères inutiles et néfastes de Maastricht.

Par ailleurs, en même temps qu'ils flexibilisent le marché du travail, lui et son gouvernement exagèrent une prétendue fraude sociale en laissant filer une évasion fiscale qui coûte jusqu'à 80 milliards à la collectivité nationale. Il met à mal, par manque de moyens, et par choix politique, une Université démocratique qui jusqu'ici par principe était ouverte à tous.
En somme, rien n'est fait pour établir les conditions d'une résistance sociale à une mondialisation qui à bien des égards s'avère malheureuse.

Pour faire simple, Emmanuel Macron alimente une lutte des classes que tous ceux qu'il défend sont en train de gagner.
En tant que chef de l'Etat il pourra toujours prétendre qu'il ne choisit pas son camp. Mais c'est bien son camp qui l'a choisi.

JMG

samedi 3 février 2018

Macron à l'assaut de la fonction publique

Ainsi Emmanuel Macron, par l'entremise de Darmanin, ministre de l'Action et des Comptes publics, veut-il réformer la fonction publique en l'amputant de 120 000 postes de fonctionnaires. C'est un bon début. Rien de tel pour être efficace que de trancher dans le vif, rien de tel pour guérir quelqu'un que de lui couper une ou deux jambes surtout s'il se plaint d'avoir mal à la main.

Oui, parce que les fonctionnaires, quand on ne les met pas au placard comme c'est souvent le cas dans les fonctions publiques, ça paresse, ça fait rien, ça produit rien. Les infirmières, les surveillants de prison, les gars qui vident les poubelles, qui balayent les rues, les travailleurs sociaux, les enseignants, les policiers (ça c'est con, allez dire ça à Collomb) tous autant qu'ils sont, ce ne sont que des feignasses. On dirait pas comme ça, mais c'en est. 

De plus, non contents de manger le pain des premiers de cordée, ils sont à l'origine de l'augmentation de vos impôts, locaux ou pas. Il n'y a donc pas de raison de ne pas faire avec eux ce qu'on fait déjà avec les ouvriers de PSA, de Carrefour ou d'autres "fleurons" de l'économie française, il faut, pour que ça marche, pouvoir les LI-CEN-CIER. Les fonctionnaires doivent participer à l'effort national de lutte pour l'emploi, et le meilleur moyen d'y parvenir c'est de les empêcher de travailler. 

Darmanin, Macron, Philippe, en marche cadencée, tiennent aussi à rémunérer les fonctionnaires, ou ce qu'il en en restera, au mérite. C'est original, c'est grand, c'est courageux, Macron belle gueule c'est quelqu'un qui en a dans le slip au moins, c'est le genre de gars qui sait séparer le bon grain de l'ivraie, une espèce de Bonaparte de temps de paix qui, malgré le danger, court sur le pont d'Arcole sous le feu de bombes à eau lancées par un Laurent Berger.

Car c'est vrai que les fonctionnaires sont trop bien payés, il faut donc que leur traitement soit mesuré, très mesuré à un mérite dont ils devront donner la preuve. Mesure très efficace pour instiller l'idée dans la population que les fonctionnaires sont déjà bien payés pour ce qu'ils font. 

Le plus étrange dans tout ça, le plus amusant, c'est que des mesures pareilles existent déjà depuis longtemps et on se demande pourquoi le gouvernement Macron veut à tout prix en rajouter une couche. N'est-ce pas pour montrer qu'il est encore plus radicalement néo-libéral et anti-fonction publique que ces prédécesseurs ? Qu'il veut faire mieux encore que la droite partisane ? Qu'il se rassure il a mille fois rempli cet objectif.

Le recours aux contractuels, que Darmanin à déclaré vouloir étendre, est une déjà vieille tradition utilisée pour payer moins les gens en leur ôtant les garanties collectives qu'offre un statut, lequel par ailleurs, comme l'a rappelé la CGT, est conçu aussi pour préserver les administrations publiques du clientélisme politique.

Et quant à la prétendue rémunération au mérite, n'est-ce pas le gouvernement Hollande qui a inventé le RIFSEEP, Régime Indemnitaire tenant compte des Fonctions, des Sujétions, de l'Expertise et de l'Engagement professionnel (Décret du 20 mai 2014) ?
Tout, y compris l'arbitraire, est compris dans le titre qui n'est lui-même qu'un beau mensonge. Il signifie l'explosion du statut de la fonction publique.
Macron ici aussi ne fait que continuer un travail largement entamé par Hollande, président "socialiste".

Les départs volontaires ils existent déjà, Sarkozy les avaient voulu en 2008. Cela du reste n'avait donné lieu qu'à un très faible nombre de départs, les indemnités étant ridiculement basses (décret d'avril 2008), et c'était sans compter l’attachement des fonctionnaires à leurs métiers au service de la population.

Ces mesures qui n'ont rien de nouveau sentent fort la naphtaline, elles ne font que confirmer et renforcer la volonté de tuer la fonction publique contre l'intérêt général et l'idée républicaine. 

Elles constituent de surcroît les prémisses ou les conditions de privatisations et de marchandisation des services publics. Macron et son gouvernement entendent les accélérer pour des intérêts financiers dont ils se révèlent plus que jamais les ardents défenseurs.

JMG