samedi 23 avril 2016

El Khomry a-t-elle bien compris le texte qui porte son nom ?

On entend souvent reprocher aux étudiants ou aux militants qui se battent contre le projet de loi El Khomry ne pas l'avoir lu. Ceci est un faux procès, une astuce, une grosse ficelle pour faire croire au bon peuple que ces gens-là seraient le jouet d'une manipulation, qu'ils ne sauraient pas penser par eux-mêmes, qu'ils feraient de la politique avec quelques buts aussi fous que flous, irresponsables : renverser le gouvernement, foutre le bazar, faire la révolution.

Je fais l'hypothèse inverse : ce sont ceux qui sont à l'initiative de ce projet de loi, j'ai nommé les membres du gouvernement, qui ne savent pas vraiment ce que contient cette loi, loi dictée par un patronat français, ou ceux qui le représentent, qui ont perdu tout sens de l'intérêt général ou toute sorte de responsabilité sociale.
Le gouvernement en la matière ne leur sert que de porte-plume. Et donc il faut lui rappeler au gouvernement, ce que c'est que ce projet de loi, en quelques mots, nonobstant l'idéologie néo-libérale dont ils sont imprégnés et qui les rend aveugles et sourds à la réalité sociale et politique d'aujourd'hui.

Cette loi fait des accords d'entreprise le fondement même des relations de travail. S'agissant des heures supplémentaires notamment, c'est au niveau de l'entreprise que le taux de majoration de ces heures seraient déterminé, et non plus au niveau de l'accord de branche. Ainsi ce taux pourrait tomber à 10% au lieu de 25% ou 50% comme c'est prévu aujourd'hui.
La durée du travail hebdomadaire qui resterait au maximun à 48 heures sur une même semaine mais qui, en cas de circonstances exceptionnelles, pourraient aller jusqu'à soixante heures. On a hâte de savoir ce que seront ces circonstances exceptionnelles. Sur plusieurs semaines, un accord d'entreprise peut prévoir jusqu'à 46 heures de travail sur 12 semaines.

D'autres mesures constituent des reculs comme celles concernant l'astreinte par exemple, mais les plus sensibles, les plus emblématiques, sont celles qui remettent en cause le contrat de travail. Celui-ci désormais pourrait être modifié sans l'accord du salarié. Ainsi désormais : "lorsqu'un accord d'entreprise est conclu en vue de la préservation ou du développement de l'emploi, ses stipulations se substituent de plein droit aux clauses contraires et incompatibles du contrat de travail, y compris en matière de rémunération et de durée de travail." Ainsi l'accord collectif, au sein même de l'entreprise où les rapports de force sont le plus souvent à l'avantage de l'employeur, dans un contexte de financiarisation de l'économie,  commanderait la révision unilatérale du contrat de travail.

Les garanties individuelles de chaque salarié se trouvent gravement remises en causes par ce projet de loi qui donc fait la part belle à la flexibilité au détriment de la sécurité. La flex-sécurité ici est un leurre, un simple slogan, qui ne sert qu'à faire avaler la pilule d'une précarité devenue la norme sociale.
Cette loi, si elle passait, ne serait nullement favorable à l'emploi, mais par contre fragiliserait les emplois existants ainsi que l'ensemble de l'économie par l'abandon facilité des savoir-faire.
A lire une analyse de la loi dans le blog de Gérard Filoche.

On ne comprend pas comment un gouvernement, dit de gauche, a pu sortir un tel texte. On peut le voir alors comme un aveu d'impuissance, faire quelque chose plutôt que rien, mais ce faisant, faire pire que le camp conservateur classique, sans en mesurer les conséquences.
"Le Hollande bashing" qui en résulte ne vient pas de la gauche mais d'abord de la droite qui, malgré qu'il s'agisse d'une politique qu'elle ne renierait pas, enfonce sous l'eau, avec délectation, la tête d'un gouvernement qui se noie de ses propres reniements.
Et que ses soutiens habituels, y compris la bonne part de son propre parti, par dépit, sinon par dégoût, ont fini par laisser tomber.

JMG





Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire