dimanche 24 avril 2016

Valls ou Macron, pile ou pile

Macron et Valls sont les deux faces d'une même réalité politique, deux ambitieux, dont l'un Macron se découvre à peine, dans le style "pourquoi pas moi ?". Macron fait propre sur lui, jeune, enthousiaste, énarque, ancien de la banque Rothschild, bien peigné, nouveau, souriant, gendre idéal, et même philosophe paraît-il (mais c'est un bon point, le seul peut-être, on aimerait même qu'il le soit davantage), tout ce qu'il faut, avec l'active complicité des media, pour plaire en une classe moyenne supérieure qui aura été l'une des plus oubliées de la présidence Hollande.

Valls est plus vieux en politique, vieux un mot pourtant qu'il ne doit pas aimer, lui qui veut faire du neuf en renversant la table, le Sarkozy de "gauche", qui comme son mentor est passé par le ministère de l'Intérieur pour gagner cette image d'homme à poigne et qui donc lui a permis de faire son Clémenceau.

On peut s'amuser un instant de ces différences de style, on peut gloser à l'infini, et les magazines ne s'en privent pas, sur les attitudes de ces deux "génies" de la politique dont la presse se repaît des déclarations.
"La gauche ne me satisfait pas " dit Macron, sans rire, et tous les journaux de reprendre cette phrase, qui rentrera dans l'histoire, mais le temps d'un jour ou deux, le temps compté d'un week-end d'avril plus ou moins froid, humide et ennuyeux.

Cette déclaration fait penser à "la gauche peut mourir" de Valls, déclaration auto-réalisatrice s'il en est, qui pourrait passer à la prospérité, comme un mot de Cambronne lancé à ceux qu'il oserait encore appeler ses camarades.

Où sont les idées progressistes dans les propos de ces deux doués de la politique spectacle, qui veulent-ils défendre en priorité, ont-ils véritablement une vision politique, ou la politique pour eux n'est-elle le nom que de leur ambition ?
Il semble en tout cas, que c'est la guerre entre eux, comme si le reste, c'est-à-dire l'essentiel,  la situation économique et sociale dans le pays, plus que jamais divisé, plus que jamais soumis aux inégalités, n'avait pas d'importance.

Place au théâtre, place aux jeux du cirque, et à ce jeu pour une fois je me permettrai de faire des pronostics, voire même donner des conseils à ceux que l'ambition taraude, quitte à apporter un plus de confusion encore à une situation décidément désespérante.

Simplement pour l'amusement, je miserais sur Macron. Sous ses airs d'enfant de cœur, il est beaucoup plus malin que Valls.
Mais tous deux, sous leur faux-airs de premier de la classe, donnent une vision peu amène de la politique, et trahissent à l'envi les valeurs de la gauche. Et puis quel aura été leur bilan en leur qualité de ministre de l'économie ou de premier ministre ?
N'est-ce pas là une question plus importante que celle de ce concours de beauté qu'ils donnent en pâture au public ?

Gageons que le mouvement social les fasse revenir à l'essentiel.

JMG






samedi 23 avril 2016

El Khomry a-t-elle bien compris le texte qui porte son nom ?

On entend souvent reprocher aux étudiants ou aux militants qui se battent contre le projet de loi El Khomry ne pas l'avoir lu. Ceci est un faux procès, une astuce, une grosse ficelle pour faire croire au bon peuple que ces gens-là seraient le jouet d'une manipulation, qu'ils ne sauraient pas penser par eux-mêmes, qu'ils feraient de la politique avec quelques buts aussi fous que flous, irresponsables : renverser le gouvernement, foutre le bazar, faire la révolution.

Je fais l'hypothèse inverse : ce sont ceux qui sont à l'initiative de ce projet de loi, j'ai nommé les membres du gouvernement, qui ne savent pas vraiment ce que contient cette loi, loi dictée par un patronat français, ou ceux qui le représentent, qui ont perdu tout sens de l'intérêt général ou toute sorte de responsabilité sociale.
Le gouvernement en la matière ne leur sert que de porte-plume. Et donc il faut lui rappeler au gouvernement, ce que c'est que ce projet de loi, en quelques mots, nonobstant l'idéologie néo-libérale dont ils sont imprégnés et qui les rend aveugles et sourds à la réalité sociale et politique d'aujourd'hui.

Cette loi fait des accords d'entreprise le fondement même des relations de travail. S'agissant des heures supplémentaires notamment, c'est au niveau de l'entreprise que le taux de majoration de ces heures seraient déterminé, et non plus au niveau de l'accord de branche. Ainsi ce taux pourrait tomber à 10% au lieu de 25% ou 50% comme c'est prévu aujourd'hui.
La durée du travail hebdomadaire qui resterait au maximun à 48 heures sur une même semaine mais qui, en cas de circonstances exceptionnelles, pourraient aller jusqu'à soixante heures. On a hâte de savoir ce que seront ces circonstances exceptionnelles. Sur plusieurs semaines, un accord d'entreprise peut prévoir jusqu'à 46 heures de travail sur 12 semaines.

D'autres mesures constituent des reculs comme celles concernant l'astreinte par exemple, mais les plus sensibles, les plus emblématiques, sont celles qui remettent en cause le contrat de travail. Celui-ci désormais pourrait être modifié sans l'accord du salarié. Ainsi désormais : "lorsqu'un accord d'entreprise est conclu en vue de la préservation ou du développement de l'emploi, ses stipulations se substituent de plein droit aux clauses contraires et incompatibles du contrat de travail, y compris en matière de rémunération et de durée de travail." Ainsi l'accord collectif, au sein même de l'entreprise où les rapports de force sont le plus souvent à l'avantage de l'employeur, dans un contexte de financiarisation de l'économie,  commanderait la révision unilatérale du contrat de travail.

Les garanties individuelles de chaque salarié se trouvent gravement remises en causes par ce projet de loi qui donc fait la part belle à la flexibilité au détriment de la sécurité. La flex-sécurité ici est un leurre, un simple slogan, qui ne sert qu'à faire avaler la pilule d'une précarité devenue la norme sociale.
Cette loi, si elle passait, ne serait nullement favorable à l'emploi, mais par contre fragiliserait les emplois existants ainsi que l'ensemble de l'économie par l'abandon facilité des savoir-faire.
A lire une analyse de la loi dans le blog de Gérard Filoche.

On ne comprend pas comment un gouvernement, dit de gauche, a pu sortir un tel texte. On peut le voir alors comme un aveu d'impuissance, faire quelque chose plutôt que rien, mais ce faisant, faire pire que le camp conservateur classique, sans en mesurer les conséquences.
"Le Hollande bashing" qui en résulte ne vient pas de la gauche mais d'abord de la droite qui, malgré qu'il s'agisse d'une politique qu'elle ne renierait pas, enfonce sous l'eau, avec délectation, la tête d'un gouvernement qui se noie de ses propres reniements.
Et que ses soutiens habituels, y compris la bonne part de son propre parti, par dépit, sinon par dégoût, ont fini par laisser tomber.

JMG





jeudi 14 avril 2016

Macron, "en marche" à reculons

Macron un de ces jeunes devenu, en quatre temps trois mouvements, déjà si vieux. Ni de droite, ni de gauche, un néo-conservateur tout bonnement, qui peut en effet séduire les carriéristes, comme la confiture attire les guêpes, tous ceux qui désespèrent de se retrouver très bientôt sans poste, sans cabinet, sans avenir, orphelin d'une gauche dont ils se seront servis seulement pour leur parcours politicien.

La Véme République est friande de ce genre de situation, celle où un seul homme (ou femme, y'a pas de raisons que la parité n'aille pas jusqu'à l'incompétence), ici sous prétexte qu'il a été ministre, ou assez compétent aux yeux des libéraux pour avoir travaillé à la banque Rothschild (tu parles !), se retrouve à la tête d'un mouvement, "en marche", où s'agglutinent les ambitieux, parmi ceux qui mélangent allègrement la gauche ou la droite, ou le centre, profitant opportunément de la confusion idéologique entretenue par ceux qui y ont intérêt et qui en général travaille plutôt contre l'intérêt du plus grand nombre.

Nous en avons un autre exemple, par la constitution d'un groupe aussi imprécis, vague et trompeur, mais avec un but affiché, celui d'organiser les primaires pour la présidentielle, et qui s'est auto-intitulé "primaire des Français", avec à sa tête un écrivain, Alexandre Jardin, qui se prend  pour un zèbre, en compagnie d'une ancienne ministre Corrine Lepage, extrémiste du centre. Là aussi on entend mélanger droite et gauche, ou favoriser la société civile (laquelle au fait ?), ce qui revient au même, comme si la politique avait encore besoin de tant d'imprécision. Pour le coup, quand c'est flou, y'a un loup. "La réalité est notre doctrine" a dit même Cavada qui fait partie du lot. Oui, et qui la décrète la réalité, qui l'a dit ou la devine ? N'y a-t-il pas autant de réalités qu'il y a de mouvements, ou de partis politiques, ou de citoyens, ou d'êtres humains ?
Lepage, Cavada, Jardin le zèbre, Macron bien sûr, sont les noms d'une seule et même réalité : l'arnaque politicienne doublée de la ringardise.

"Nuit debout" est plus authentique, plus clair, ils ont un but, outre celui de la démocratie qui pourrait s'auto-suffire tant celle-ci nous est précieuse, ils revendiquent le retrait de la loi Travail. Ils ont compris que cette loi signifiait l'accroissement de la précarité, cet excès de précarité qui existe désormais en Espagne, en Italie, après que, dans ces pays, les réformes que le pouvoir en France veut imposer, eurent produit tous leurs effets. C'est clair, c'est sans bavure (sauf venant de la police), on ne sait pas encore ce qu'ils veulent, le débat le leur dira, mais ils savent ce qu'ils ne veulent pas.
En débattant, on apprend que la réalité est multiple, qu'il faut être prudent avec elle, qu'elle n'est pas unique, ni mensongère, ni dépassé comme celle de Jean-Marie Cavada, qu'il y a plusieurs langues pour la nommer.

Ce faisant, "Nuit debout" réinvente, ou souligne la nécessité de la pensée critique, qui manque tant à la pensée politique aujourd'hui.

"Nuit debout" en même temps qu'une possible force de proposition, est un mouvement de résistance, ils sont là, debout précisément, parce que les pouvoirs actuels, économique, politique, ont pris toute la place et qu'il n'y avait rien, notamment par rapport à la loi travail, absolument rien à négocier de la part de tous les oligarques, masqués ou non, ou de la part d'un gouvernement devenu sourd et politiquement inconscient.
C'est vrai, nul ne sait ce que cela va devenir, pour l'heure ça continue, et c'est là l'essentiel...

C'est contre la marche à reculons que les manifestants de la place de la République, et un peu partout en France, sur les places, se sont levés, qu'ils se sont indignés et qu'ils nous invitent à rester éveillés.

JMG

dimanche 3 avril 2016

La CFDT, courroie de transmission des pouvoirs en place

La CFDT accompagne, soutient de fait la régression sociale, avec des arguments le plus souvent inspirés de la doctrine libérale, arguments faibles mais qui font mouche parce qu'ils prennent, naturellement venant d'une organisation syndicale, la couverture ou l'alibi de l'émancipation sociale ; arguments aventuristes et dangereux pour le monde du travail et qui sont présentés, par les principaux media, mais aussi par le gouvernement en place, comme responsables et modernes.

En réalité le réformisme de la CFDT n'est qu'un déformisme de la réalité sociale. Son principal argument se fonde sur le fait que la négociation locale, par entreprise, serait la clé de la réussite et de l'aboutissement du dialogue social, comme si en ces temps de pression sur les salaires, en ces temps d'austérité, le rapport de force était partout suffisant pour imposer des progrès ou, parce que l'heure est à la résistance, pour simplement défendre des acquis.

Il semble que la CFDT, sa direction nationale au moins, évolue dans un pays où le patronat, a priori, serait bon et soucieux de l'intérêt des salariés. Nous serions en quelque sorte dans le pays des bisounours, le seul fait de "négocier", comme ils disent, serait suffisant pour faire faire reculer le chômage ou pour prévenir des licenciements qui, le plus souvent, s'avèrent anti-économiques en plus d'être "anti-social". 
Il ne peut être pour autant question de faire le procès des chefs d'entreprise qui, dans la grande  majorité des cas ont les yeux rivés sur un carnet de commandes souvent désespérément vide, et pour lesquels, contrairement aux patrons voyous,  licencier ne fait pas plaisir. 

La solution ne doit donc pas être recherchée dans une vision microscopique de la réalité sociale. Ou pas seulement. Cette réalité doit être considérée en effet dans toute sa dimension macro-économique. Et, en l'occurrence, la défense du Code du Travail participe, dans la mesure notamment où il place les salariés et les entreprises dans un cadre équitable, à contenir un dumping social qui s'aggrave de jour en jour. Il s'agit de défendre et de promouvoir un développement économique harmonieux tout en préservant, sur l'ensemble du territoire, les droits essentiels des salariés. 

Ainsi la CFDT n'est pas plus "moderne",  plus "réfléchie", ou encore plus "responsable" qu'une CGT qui, elle, serait jusqu'au-boutiste, fanatique, extrémiste. La CGT se soucie au contraire de la réalité économique, il est injuste de la présenter comme une adversaire du dialogue social. 
Mais, contrairement à la CFDT qui semble avoir abandonné le terrain de l'action et de la pensée critiques, elle en sait le prix. 


JMG