samedi 22 août 2015

François Hollande par le trou de la serrure

J'aurai profité de cet été pour lire "Merci pour ce moment" de la dénommée Valérie Trierweiler. J'étais en chasse de menues courses dans un supermarché lorsque je suis tombé sur le rayon "culture" ou apparenté. J'y ai vu pas mal de livres dont les "50 nuances de Grey", mais je n'avais pas trop envie de faire dans la nuance ce jour là, c'est pourquoi peut-être je me suis trouvé nez à nez avec le livre de celle qui fut, un moment seulement, maîtresse de notre Président.
C'était écrit sur le bandeau, "meilleur vente 2014", j'ajoutai donc mon choix 2015 à cette consécration commerciale. Je me suis dit, vacances pour vacances, cultivons-nous, voyons ce qu'est devenue la littérature à l'eau de rose.

Eh bien, pas du tout, ce fut au contraire d'un ravissant réalisme, ravissant s'entendant au premier sens du terme : je l'ai lu de bout en bout. C'est un bouquin pas cher surtout depuis sa parution en Livre de poche. Sa lecture m'a donc tenu en haleine. C'est écrit simplement, loin de la grande littérature ou qui prétend l'être, et surtout c'est un témoignage sur les mœurs du pouvoir dans la France de ce début (déjà bien entamé, ça nous rajeunit pas) de 21 éme siècle, en pleine Véme République décadente.
Bien sûr il y avait un air de déjà vu tant les épisodes de la vie amoureuse de notre président ont pu être relatés dans l'ensemble des media qu'ils soient écrits ou sonores, ou trébuchants dans toutes sortes de poubelles.
J'avais le sentiment étrange de revoir un film déjà maintes fois passé à la télévision, sauf qu'il était monté ici par une des principales protagonistes de la série. Au plaisir de revoir les épisodes, comme autant d'airs reconnus, s'ajoutait l'intérêt d'une relation, sans intermédiaire, d'événements dont nous fûmes, malgré nous le plus souvent, les témoins. Enfin plus ou moins les témoins : j'ai enfin compris cette affaire de tweet avec Ségolène à La Rochelle.

J'ai l'air de me moquer, mais ce n'est pas le cas tout à fait, je répète le livre est intéressant dans la mesure où il nous dit beaucoup de la cinquième République et de ce qu'elle fait de ces principaux acteurs, dont le premier d'entre eux bien sûr, le Président.

En fait ils s''ennuieraient presque à la cour de la famille Royal (je sais c'est facile, je fais même pas exprès), c'est un tout petit monde, et on a l'impression que le destin leur laisse le temps de s'occuper de tout sauf de nos propres affaires, celles des gueux, celles en tout cas pour lesquelles ils ont été élus. En effet, il faut du temps et de la disponibilité d'esprit pour se balader la nuit en Scooter à deux pas de l'Elysée, ce n'est pas donné au premier venu des peintres en bâtiment.

J'entends que ça ricane à droite, mais c'était du même acabit du temps de Sarko. A quelques nuances près, la monarchie républicaine aura produit des monstres de normalité...

Et donc on redécouvre au fil des pages les personnalités de ceux-là mêmes que l'on cite souvent dans la sainte Télévision et dans les journaux qui lui sont plus ou moins associés, les Hollande, les Valls, les Le Foll, les Royal donc, les Moscovici, les Bartolone et d'autres dont le caractère est dévoilé pour le meilleur ou pour le pire, tous décrits par une femme blessée qui, il faut le reconnaître, témoigne davantage d'un monde perdu, en tout cas pour elle, qu'elle ne règle ses comptes.  Elle ne se gêne pas cependant pour donner ici ou là quelques coups bien sentis, dévoilant l'arrogance, la duplicité, le cynisme qui habitent parfois l'esprit de ceux qui peuplent ou fréquentent les allées du pouvoir élyséen.
On découvre ainsi un Hollande pour qui le mensonge est une arme politique essentielle. On s'en serait douté.

On pourrait même en faire une lecture "lutte des classes". François est issue d'une famille (assez) riche, lui qui disait ne pas les aimer, les riches, alors que Valérie non, elle qui est née au sein d'une famille nombreuse, mère caissière de supermarché et père grand invalide de guerre. A l'en croire, et je veux bien par ses accents de sincérité, François ( elle l'appelle ainsi, car c'est comme cela qu'il s'appelle) n'avait pas vraiment le profil d'un président de gauche. Mais il a de l'humour ce qui, aux yeux de l'amour aveugle, peut sauver un homme ! On apprend aussi que c'est décidément un éternel optimiste : au point par exemple de croire dur comme fer à l'inversion de la courbe du chômage, quitte à être déçu sincèrement du résultat final. Naïf ?

Il y a un truc aussi qui m'a bien fait rire, c'est lorsqu'il confie à Valérie parlant de Fabius (page 292) : " C'est terrible pour lui, il a raté sa vie...Il n'est jamais devenu président."
C'est vrai ça, pauvre Laurent ! Tandis que François lui...

Qu'on le regrette ou non, les rumeurs de la vie privée font échos dans le grand hall de la vie publique. Au point d'en donner quelques clés.


JMG

"Merci pour ce moment" Valérie Trierveiller, Le Livre de Poche, 372 pages

jeudi 6 août 2015

Compétitifs ou morts, ou les deux

Ce n'est pas parce qu'on n'en parle presque plus que le conflit des éleveurs est terminé, il ne fait même que commencer. Et au delà de la question de la viande, c'est toute l'agriculture qui est aujourd'hui en péril, l'agriculture française s'entend, soumise à une concurrence "libre et non faussée". Cette expression ferait rire si elle n'était la source de drames économiques et par voie de conséquence, s'agissant des agriculteurs, de drames humains, familiaux, sans compter le coût social. On entend ici par coût social le coût pour la société dans son ensemble, coût environnemental, coût pour la santé publique, coût culturel, avec le danger concomitant à moyen ou long terme que notre agriculture ne soit plus capable de  nous garantir l'autonomie ou l'indépendance en terme d'alimentation.

Le plus remarquable, le plus paradoxal, et le plus tragique en un sens, c'est que les agriculteurs-éleveurs au travers en tout cas des organisations censées les représenter, et c'est le cas essentiellement pour la FNSEA,  défendent une agriculture de type productiviste obligée de composer avec une concurrence le plus souvent déloyale issue d'outre-Rhin par exemple où les coûts salariaux ( y comprises les cotisations sociales qui sont du salaire socialisé) sont moindres que ceux pratiquées en France, quitte aussi à mettre à l'oeuvre des salariés étrangers payés au lance-pierre. Cet inégalité des coût salariaux s'applique de bout en bout de la filière viande et c'est au final l'éleveur français chargé de trinquer à la santé de la sacro-sainte compétitivité.

Quant aux marges des intermédiaires, dont celles des grandes surfaces, comment les dénoncer à ce point sans pour autant faire le moindre geste pour encadrer les prix de manière autoritaire, administrative ? Ce serait pourtant la solution, mais les temps ne sont pas à l'économie administrée. C'est bien dommage, on y reviendra peut-être, sans doute même, mais dans combien de temps, et après combien de drames ?

Il n'y a dans ce fonctionnement aucune trace de régulation, pourtant nécessaire, du marché. Celui--ci reste ouvert, libre, et on sait combien cette liberté-là est meurtrière pour l'ensemble de l'agriculture française. Pourtant la FNSEA et son président défendent les principes néo-libéraux, ainsi qu'une union européenne qui leur a pourtant tourné le dos, et qui a sciemment décidé de déréguler un marché qui demanderait pourtant une planification accrue. 

Alors ? Et bien tout ira au plus mal jusqu'à, non pas la prochaine crise car nous y sommes encore, mais jusqu'à la prochaine mobilisation qui pourrait être encore plus violente que la précédente.

JMG