samedi 21 mai 2016

Epreuve de force pour un choix de société

La loi travail, tout au moins son projet, est révélatrice de la société que l'on veut...ou pas. C'est pourquoi elle est importante, c'est pourquoi elle fait parler, c'est pourquoi surtout elle rassemble contre elle et suscite les combats qui se déroulent sous nos yeux.
On ne revient pas sur le fait qu'elle est imposée par un gouvernement qui prétend appartenir à la gauche, on sait bien qu'il n'en est rien, que la traîtrise est amère et qu'elle redouble la haine et la détermination à ne pas laisser passer l'impensable.

D'abord la loi travail est une loi qui se révèle anti-démocratique par les chemins qu'elle prend pour se faire adopter, par le biais notamment d'un article (le 49-3) d'une constitution qui elle-même est déficitaire sur ce plan, comme "un coup d'état permanent" en effet.
L'article 49-3, une fois de plus avec le gouvernement Hollande-Valls, se révèle nécessaire à un exécutif qui a perdu la confiance de sa majorité. Cela permet à notre premier ministre, qui lui même s'est fait nommer alors qu'au sein de son camp  au cours de primaires il ne faisait que 5% des voix,  d'imposer une réforme de régression sociale contre l'avis de la plupart des organisations syndicales aujourd'hui, et si on en croit les sondages, de la population dans son ensemble.

Le gouvernement, comme les confédérations syndicales qui habituellement soutiennent le pouvoir telle la CFDT, nous parlent de démocratie sociale. Force est de constater qu'ici celle-ci n'existe plus, qu'elle est devenue un vain mot, une simple incantation qui permet de cacher une violence sociale de plus en plus détestable. A cela s'ajoutent aujourd'hui des violences, celle des "casseurs" bien sûr, mais aussi des violences policières qui ne sont pas forcément le fruit de l'imagination de ceux qui, dans la rue, pacifiquement, défendent leur vision de la société, plus égale, plus solidaire, plus fraternelle.
En face le gouvernement joue avec le feu, et le fait même savoir pour décourager les bonnes volontés. Tourt cela dans "un état d'urgence" qui se prolonge et dont on se demande s'il sert à combattre le terrorisme.

Ensuite, qu'on le veuille ou non, cette contre-réforme est menée dans le cadre d'une Union Européenne qui a été imposée au peuple français en 2005.
On avait raison de s'en inquiéter : l'UE aujourd'hui pratique un dumping social qui fait se dresser les économies les unes contre les autres dans un tourbillon de remises en cause des acquis sociaux.
Les dévaluations internes se sont substituées à des dévaluations externes dans une Europe dominée par le Mark, à la merci de la spéculation financière et dans un contexte de défense de la rente à tout prix.

Enfin, cette loi est une étape supplémentaire vers une espèce d'anglo-saxonisation de la société française, favorisant les rapports de force sans la modération des corps intermédiaires. Le pouvoir actuel persiste donc un travail de sape contre les syndicats qui ne sont pas dans sa norme néo ou "socio-libérale", avec le soutien paradoxal d'organisations dites "réformistes" qui ne font qu'accompagner, voire encourager, le virage qu'on veut imposer au monde du travail.
On en voit l'illustration dans les attaques dont FO, la FSU et plus encore la CGT, sont l'objet aujourd'hui. Sous prétexte de défendre la police on condamne un syndicat CGT pour une affiche qui ne fait que traduire, avec véhémence certes, une violence policière dont des manifestants pacifiques ont à souffrir dans leur chair.
Cela n'a pas pris encore l'ampleur répressive que les Etats-Unis ont connu sous la présidence Reagan ou celle de Thatcher en Grande Bretagne dans les années quatre-vingt, mais ce rempart syndical, lycéen, universitaire ou ouvrier, est attaqué de toutes parts, avec la complicité des media détenus par le pouvoir économique.
Par ailleurs, les dernières déclarations de Valls appelant les syndicats à organiser moins de manifestations instillent l'idée dans l'opinion qu'ils seraient les véritables responsables des violences.

Au travers de ce conflit, on constate que le fait syndical en France est remis en cause par le pouvoir, de  gauche ou de droite gouvernementales.
Il sera mis d'autant plus en difficulté si le mouvement social aujourd'hui ne parvient pas à ce que le gouvernement retire son projet. Ce serait là un échec qui s'ajouterait à ceux de 1993 et surtout 2003 et 2010 lesquelles portent encore aujourd'hui leurs fruits amers dans le monde syndical.
Le tournant vers une société inégalitaire, contraire à celle encore prônée par la république pourrait alors bel et bien se concrétiser. C'est ainsi qu'il faut lire la déclaration de Valls "la gauche peut mourir". C'est ce qu'il veut au fond.

Il faut que le gouvernement retire son projet. Car la menace est concrète, elle touchera nos vies plus vite qu'on ne le croit, c'est déjà commencé. S'opposer à cette loi n'est pas seulement s'opposer à un gouvernement hors-sol, c'est refuser une société qui aurait perdu l'essentiel de son idéal social, démocratique et républicain.

JMG

samedi 14 mai 2016

Qui fait la courte échelle à Juppé ?

Ce sera pire avec la droite, et Valls, Hollande, le gouvernement dans son ensemble, le savent. L'on dirait même qu'ils comptent là-dessus, se servent de la droite comme d'un épouvantail, comme d'une planche de salut : que les autres, en face, déclarent haut et fort qu'ils feront pire que lui. Le piège pour ainsi dire est en passe de fonctionner, sa première étape en tout cas : les candidats "républicains" ou centristes font la course à l’échalote, c'est à celui ou celle d'entre eux de proposer le mieux-disant "libéral", celui ou celle qui aura le plus de "courage" pour réduire les dépenses publiques, et donc tailler dans les services publics, en y détruisant des emplois, comme si cela pouvait constituer la condition unique d'un retour à la prospérité.

C'est dans l'air aujourd'hui, (il y a même une émission à la télévision, qui porte ce nom et qui en instille l'idée, comme l'ensemble des media, peu à peu, ou grossièrement, de jour en jour): les emplois publics empêcheraient la richesse, leur diminution en nombre serait donc le moyen infaillible d'un retour à la "croissance". Cela est dit ou écrit à longueur de journaux, comme autant d'incantations religieuses, sans le moindre début de démonstration sérieuse, ni encore moins de preuves.
Ainsi oublie-t-on de faire l'hypothèse tout à fait plausible qu'au contraire ces emplois, tout en soutenant l'activité, sont de nature à servir la population à un coût social et économique moindre que celui proposé par l'entreprise privée, et pour cause, puisque celle-ci devient de plus en plus le jouet de la financiarisation extrême de notre économie.

Quelles mouches donc les piquent, tous ces libéraux qui poussent le néo-libéralisme jusqu'au bout de la caricature : ainsi Juppé, soit-disant pour atteindre le plein emploi, mais au risque de déstabiliser tous les transferts sociaux, propose ni plus ni moins de baisser les prélèvement obligatoires de 28 milliards d'euros et de réduire les cotisations familles de 10 milliards. Il faut y ajouter son projet de porter l'âge de la retraite à 65 ans et celui de supprimer les 35 heures (il y avait longtemps !). Je ne cite pas les autres, Le Maire, Sarkozy et compagnie, qui font pire dans cette surenchère propre à aggraver les inégalités, comme si celles-ci n'étaient pas déjà assez fortes en France comme dans l'ensemble de l'union européenne.

Nul doute que cette folie néo-libérale, qui plus est à l'approche d'une élection capitale, est encouragée par la politique gouvernementale qui conduit à la démesure et la surenchère dans un conservatisme habituellement attaché à la droite. La loi El Khomry en est le dernier et éclatant exemple. Elle ne créera aucun emploi, et si jamais c'était le cas elle serait plutôt de nature à en susciter des plus précaires. En tout cas elle va dans le sens d'encore plus de précarité et d'instabilité dans le monde du travail. Elle finit d'insinuer dans les esprits que l'emploi à vie c'est fini et que c'est le sacro-saint "marché" en définitive qui désormais devrait être le maître de nos vies.

C'est pourquoi, compte tenu du désastre politique, du rejet qu'il n'a pas fini de susciter, de son inefficacité économique probable, et de sa nuisance sociale assurée, il conviendrait que le gouvernement, dans sa grande sagesse enfin retrouvée, retire son projet, au besoin en convoquant dans le même temps, une grande conférence sociale, digne de ce nom, celle-là même que l'on pouvait attendre après les promesses du candidat Hollande.

Il est bien tard déjà mais le retrait du texte est devenu une nécessité urgente et absolu, si l'on veut sauver ce qui peut l'être encore.

JMG