Je vais faire mon psy, une fois n’est pas coutume, je vais
lâcher prise comme ils disent les psys tendance bouddhiste, je vais vous dire
pour vous apaiser que votre vote, quel qu’il soit, à moins que vous soyez un Macron
de la première heure (il n’y a donc pas longtemps) ou une Marine butée, votre
vote sera nul. Il ne servira à rien, il ne fera barrage ni à
Macron ni à Le Pen, et donc détendez-vous.
Il n’est plus le temps où on pouvait voter Chirac pour faire
la nique au père de la ci-devant, c’est fini ça. En 2002, j’étais dans les
manifs contre le père de la ci-devant, j’ai pu mesurer le nombre, la détermination,
la sincérité, des gens qui se sont persuadés qu’il fallait voter Chirac pour,
selon l’expression mille fois répétée, « faire barrage à l’extrême-droite ».
Bon d’accord on n’a pas eu Le Pen, mais on s’est payé Raffarin, ce n’était pas (beaucoup)
mieux. On a eu la réforme des retraites quelques semaines après, avec en prime
la trahison du syndicat dit réformiste le plus en vue de la droite et des
libéraux, la CFDT. En gros on a eu le beurre et l’argent du beurre.
Le Pen a dû faire à l’époque au second tour moins de vingt
pour cent. On avait gagné ! Aujourd’hui on voudrait, « pour faire
barrage à Le Pen », nous faire voter Macron. On nous prendrait pour des
cons que ça m’étonnerait pas, en plus ça rime, comme si c’était fait exprès.
Comme si il ne suffisait pas de ne pas voter Le Pen pour lui faire barrage. Pour
faire barrage à Le Pen, réellement, il aurait fallu y penser avant. Maintenant
c’est un peu tard.
Par exemple il aurait ne pas faire voter la loi Macron. Idem
pour la loi El Khomry. Je ne vois pas pourquoi il faudrait faire barrage à Le
Pen tout en disculpant Valls, El Khomry, Macron qui se seront révélés comme de
véritables fossoyeurs de l’espoir même de la rénovation sociale. Faire barrage
à Le Pen présupposerait d’abord de ne pas faire barrage à la gauche. Or c’est
ce qu’ont fait les gouvernements Hollande qui se sont succédé, et tous ceux qui
sans vergogne ont trahi Hamon, le pauvre Hamon qui a trouvé plus frondeur que
lui, lui qui en fait n’a jamais été un frondeur. Il n’a fait que critiquer
Valls, et en plus sur le tard, ce n’est pas fronder ça, c’était seulement
faire preuve de bon sens : lorsque
on est de gauche on évite de faire trop de lois que la droite n’aurait jamais
osé faire.
On est bien d’accord il existe un risque Le Pen, cette
présidentielle est bien celle de tous les impossibles. Tout peut arriver même
le pire. Mais le pire n’est-il pas déjà là, en embuscade ? Qui aurait dit
qu’on aurait un tel embarras de non-choix ? Qui aurait pensé que l’offre
politique fût à ce point pauvre et fermée ?
Car existe aussi le risque Macron. Lui qui fait venir à lui
tous les opportunistes dont certains ont montré déjà de quoi ils étaient (in)capables,
lui qui est sur le point de s’en prendre de plus belle à l’Etat Social avec une
violence que nous soupçonnons mal et dont il a pourtant donné un aperçu pendant
les quelques mois qu’il est resté au gouvernement Valls-Hollande. Ces derniers d’ailleurs,
incarnation de la deuxième droite, ne sont-ils pas, eux qui jouent aujourd’hui
les vierges effarouchées, co-responsables de l’avènement inquiétant de l’extrême-droite
?
Et donc je ne dirai rien de ce que j’ai décidé, déjà pour la
bonne raison que je n’ai pas encore décidé. Compte tenu de l’histoire récente
j’estime avoir le droit de considérer que le mai de 2002 n’a rien à voir avec le
mai de cette année. Un peu comme Méluche, je n'ai pas le cœur à me prononcer. Réflexion.
Je sais, c’est décevant.
JMG