lundi 14 octobre 2019

Retraite : vaudra mieux mourir assez tôt pour en avoir une bonne

Le gouvernement a annoncé à plusieurs reprises que sa réforme sur les retraites ne serait soumise au Parlement qu'après les élections municipales. Courageux mais pas téméraire, car l'enjeu est beaucoup trop grand : Macron et les siens savent qu'ils tiennent dans leur main une grenade qu'il convient de ne pas dégoupiller de suite. Elle pourrait exploser au cours d'un scrutin essentiel pour l'avenir d'"En marche".

Mais alors pourquoi la mener cette réforme, cette énième réforme des retraites comme si toutes celles qui l'auront précédé, Seguin en 1987, Balladur en 93, Fillon en 2003, Woerth en 2010, Hollande en 2013, n'avaient servi ni mené à rien ? De quels bois sont faits ces pouvoirs qui réforment et déforment sans arrêt pour des résultats nuls sinon nuisibles ? Ne faudrait-il pas finalement payer nos gouvernants à ne rien faire plutôt qu'à les laisser détruire peu à peu, avec insistance, tous nos systèmes de solidarité dont nos régimes de retraite par répartition sont parmi les pièces essentielles ?

On dit que le système est en déséquilibre, il n'en est rien, ou si peu, il suffirait d'augmenter légèrement les cotisations sociales (qui sont, rappelons-le, du salaire socialisé) pour stabiliser durablement le système, mais ce n'est pas l'option retenue. Tout cela pour ne pas alourdir les soi-disant "charges" des entreprises. Ainsi le taux des cotisations n'a-t-il pas évoluer depuis la fin des années soixante et au contraire baissé de façon continue, avec une accélération ces dernières années, dans un contexte idéologique de plus en plus prégnant et dominé par le néo-libéralisme.
Ainsi a-t-on limité les taux de cotisation ( décret de 2015) pour que la part des pensions ne dépassent pas 14% du PIB. L'autre levier pour faire baisser cette part du PIB a été d'allonger les durées d'activité.

Pour mieux maquiller ce phénomène de paupérisation des retraités, Macron a par ailleurs introduit  l'idée, démagogique entre toutes, que les pensions des retraités nuiraient ou empêcheraient l'enrichissement des salariés. Ainsi fait-il porter sur les retraités tout le poids du vieillissement en réservant les gains de productivité aux salariés. Pourtant l'un n'empêche pas l'autre.*

Le projet de réforme Macron vise un système plus simple, plus juste, plus équitable, où un euro cotisé produisant les même droits pour chacun. Mon œil ! Le projet est non seulement fou, parce qu'il vise à détruire des solidarités,  mais il est flou avec un calendrier incertain et des chiffres manipulés.

L'âge du départ à la retraite resterait à 62 ans mais c'est un leurre car les décotes ou surcotes incitent fortement à partir plus tard : au moins à 64 ans ("âge d'équilibre" comme il est dit dans le projet) pour pouvoir prétendre à un "taux plein". Notons que ce terme est tout aussi mensonger puisque le taux plein n'a en réalité jamais existé, le taux de remplacement n'ayant jamais dépassé 75%.

 Pour chaque génération la somme des cotisations versées doit être équivalente à la somme des pensions versées, c'est aux yeux du gouvernement la condition de l'équilibre financier du système. Cela met en jeu notamment l'espérance de vie pour une génération. Plus l'espérance de vie sera grande moins les pensions seront hautes, vous avez donc plutôt intérêt à ne pas mourir trop tard.

S'agissant des départs anticipées seules les professions régaliennes (police, pompiers, personnel pénitentiaire...) seraient concernées. Les autres professions perdront cette possibilité de départ anticipé, même si pourront leur être appliqués les critères d'un compte professionnel de prévention.

Les systèmes de retraite en France représentent 13,8% du produit intérieur brut soit 325 milliards d'euros par an. 80% sont financés par les cotisations sociales, le reste étant abondé essentiellement par des taxes ou des impôts.

La réforme prévoit qu'un fonds de solidarité vieillesse universel fiancera les périodes de chômage, maladie, invalidité...Ce fonds sera abondé principalement par de la fiscalité. Les lois de finances se substitueront aux lois de financement de la sécurité sociale.
Le financement de l'ensemble du système s'effectuera donc selon une trajectoire définie par le Parlement et le gouvernement. C'est à ce niveau étatique que sera déterminée une valeur du point évolutive. On est loin du principe fondateur de gestion de la sécurité sociale par ceux-là même à qui elle appartient, à savoir l'ensemble des travailleurs.

Cette réforme ainsi que leur mise en oeuvre ne seront pas plus simples que ce qui existe actuellement. Par contre elle s'inscrit dans une volonté d'un changement de société peu favorable à tous ceux qui créent les richesses c'est-à-dire les salariés, les artisans, les agents publics. Elles visent particulièremt ces derniers, les fonctionnaires territoriaux, les enseignants...dont les retraites seront désormais calculés sur la moyenne des traitements et non plus sur les six derniers mois.

Cette réforme se révèle avant tout politicienne, elle vise à diviser les gens entre eux, en insistant sur l'inégalité supposée et mensongère qui serait induite par les "régimes spéciaux". Or ces régimes ne sont que le fruit d'une histoire des métiers et des professions. Dans le nouveau régime il n'est pas sûr que soient respectées ces exigences et ces spécificités, qui tiennent compte par exemple de la pénibilité. 

La sécurité sociale, issue de la Libération, et dont les systèmes de retraite font partie, doit rester l'affaire et la propriété de tous les citoyens et non un prétexte ou une raison de division de la société. 
Selon la CGT une augmentation des salaires de 3,5% suffirait à maintenir l’équilibre d'un système qui par ailleurs souffre des exonération des cotisations sociales, exonérations injustifiées auxquelles il faudra bien mettre fin.
Cet équilibre sera conforté si enfin est réellement instauré une égalité de salaire entre les hommes et les femmes.
Pourtant les solutions sont à portée de main comme par exemple la création, c'est que la CGT propose notamment, "d'une contribution sociale sur les revenus financiers distribués par les entreprises, à un taux équivalent aux cotisations employeurs sur les salaires", contribution qui pourrait rapporter trente milliards d'euros
Une lutte véritable et déterminée contre l’évasion fiscale et sociale pourraient par ailleurs abondé le système de plusieurs dizaines de milliards d’Euros.

Le projet du gouvernement "en marche" s'il était mis en oeuvre sera de nature à réduire, de l'ordre de 20 à 30%, les retraites par répartition.
Ce sera dans un but encore inavoué : favoriser un système par capitalisation permettant l'émergence d'assurances privées et à terme le triomphe de milieux financiers avides d'investir des secteurs non encore marchandisés.

Le monde du travail n'y a pas intérêt, le combat est loin d'être perdu.

JMG


*Pour mémoire la pension moyenne en 2017 se montait à 1568 euros net contre un revenu d'activité net moyen de 2383 euros en 2017 (chiffres du conseil d'orientation des retraites)
La pension diminue de façon significative sous le prétexte mensonger d'une "revalorisation du travail" contre les retraités. C'est au nom de cette doctrine que les pensions sont gelées et non plus indexées sur le coût de la vie.
Si cette logique était maintenu le COR prévoit que l'âge moyen du départ en retraite passe à 69 ans en 2050.