samedi 24 octobre 2020

Petit duel sans conséquence

 J'ai pris sur moi, mais n'exagérons rien car ce n'était pas insurmontable, de regarder ( le 23 octobre en fin d'après-midi) un débat sur CNEWS. A ma gauche, Zemmour Eric et à ma droite, Onfray Michel. Je ne déteste pas ces matches de boxe où les deux adversaires ne sont pas de votre camp. Ainsi en quelque sorte est-on certain de gagner. On me disait qu'ils étaient tout deux fachos et j'ai donc pris une heure ou un peu moins pour vérifier en tentant de comprendre ce qu'ils défendent et qui les fait courir, tout en faisant abstraction autant qu'il est possible de mes propres convictions ce qui dans ce cas, je dois l'avouer, fut difficile. 

Onfray parle sans cesse surtout lorsqu'on lui donne la parole, en un ton monocorde et grave, il est plutôt calme, posé, ne s'énerve jamais, mais il écoute, le regard fixe, fort de ses connaissances philosophiques, on ne peut lui enlever ça, et ces dizaines de livres commis dont certains  traduits à l'étranger. Tant mieux pour lui.

Zemmour lui est plus nerveux, agité, de cette agitation que produisent les convictions chevillées au cœur. On ne peut lui enlever ça à lui non plus. Après tout il en a le droit, c'est le cas de le dire, du moment où il n'enfreint pas la loi en tenant des propos pour lesquels il a déjà été condamné.

Bref, bataille de mots entre deux types cultivés qui s'attachent, parce qu'ils en sont capables, à illustrer de leur connaissance livresque, des arguments discutables.

Les deux s'accordent, avec quelques nuances, à faire des guerres de civilisation le moteur de l'histoire, l'un Zemmour, se réclament d'un essentialisme assumé, et l'autre, Onfray, dont je ne sais trop quoi.

Pour Zemmour, cette guerre est en train d'être gagnée par le monde arabo-islamique comme il dit, aux dépens de la civilisation judéo-chrétienne qui est à la base de nos société occidentales. Celles-ci sont menacées, à la limite de l'apoplexie, submergées qu'elles seraient par des centaines de milliers d'émigrés pour lesquels le droit d'asile ne devraient même pas être évoqué. Pour Eric Zemmour le droit d'asile ne devrait pas exister, ce droit est nul et non avenu, sauf pour Victor Hugo contre Napoléon III. Sans rire. 

C'est que pour Zemmour tous ces immigrés, quittant leur pays, s'attaquent à la France. Ils sont, parfois malgré eux comme il le reconnaît quand même, les porteurs d'un islamisme radical dont la volonté impérialiste n'est plus à démontrer. 

Pour lui, la Chine paradoxalement ferait partie du camp occidental en cela qu'elle consent et participe, contrairement au monde arabo-musulman, à la fête économiste mondialisée, concurrentielle et consommatrice.

De son côté Michel Onfray, qui manifestement ne croit plus en l'Europe qu'on nous sert, ce en quoi il n'est pas à blâmer, est persuadé lui aussi de la réalité d'une guerre des civilisations que nous serions en train de perdre. Un jour, interrogé par un journaliste qui lui demandait s'il lui arrivait de douter, répondit : non jamais. Drôle d'idée, il ferait mieux de douter de temps en temps. Ce serait plus philosophique. Mais cela confirme le peu de confiance que l'on peut accorder à un philosophe qui a dit tant de mal de la trottinette et de tous ceux qui en faisaient (comme moi). 

Contrairement à Zemmour, il met face au monde occidental, dans un même camp la Chine et l'ensemble du monde musulman. Au diable l'avarice. Je crois avoir décelé qu'il mettait un peu moins l'accent que son acolyte sur le supposé péril migratoire. Il dit surtout craindre de la civilisation occidentale sa disparition annoncée, crainte exagérée sans doute, d'autres périls étant possiblement bien plus menaçants et proches de nous.

Bon, je n'ai pas la prétention d'avoir tout compris (mon côté islamo-gauchiste ?), mais cela ne m'étonnerait pas que ce genre de discussion n'incite plutôt certains imbéciles à des velléités de guerre civile, comme on le constate en ce moment après un attentat atroce dont la victime elle-même aurait regretté les excès politiciens en guise de réponse. Réponses contre-productives le plus souvent et inefficaces ne servant qu'à instiller une peur supplémentaire qui n'évite pas le danger islamiste.

On retiendra que le débat reste instauré durablement de fait entre la droite et la droite. Ce n'est pas étonnant pour une discussion organisée par une chaîne d'info continue appartenant à M. Bolloré.

Le débat par ailleurs n'a fait aucun mort et n'a donc laissé aucun des deux sur le carreau. Tout en restant gentil on est en droit de trouver ça dommage.

JMG








lundi 12 octobre 2020

Vertige sécuritaire

 Depuis au moins trois décennies, après Pasqua, Chirac, Sarkozy, Valls, et durant Macron, Castaner, et plus récemment Darmanin pour raisons d'immédiateté électorale, ce qu'on doit nommer encore la droite, dont le macronisme, continue de plus belle de jouer sur la peur des Français pour s'accaparer ou conserver son pouvoir électoral et politique.

Le thème de la sécurité à cet égard est toujours aussi prometteur car les arguments délivrés, pour être le plus souvent fallacieux, n'en sont pas moins efficaces. L'insécurité publique, ou l'appréhension ou l'angoisse qu'elle suscite, ne serait-ce qu'en la suggérant et en la prenant comme outil politicien, est au centre des préoccupations de tout individu qui se respecte. Un brin d'agitation des peurs peut conduire à la déraison. Depuis quarante ans la délinquance n'a pas augmenté et pourtant le sentiment d'insécurité, alimenté par des politiques qui soufflent sur les braises, est plus fort que jamais.

Il se trouve que ceux qui convoquent l'insécurité à des fins électoralistes sont ceux qui précisément, comme Sarkozy en son temps au nom de la révision générale des politiques publiques, ont diminué les moyens de la police nationale en amputant ses effectifs d'au moins 10 000 équivalent temps plein. 

Mais même en pleine contradiction politicienne, les arguments pour un sécuritarisme outrancier sont d'autant plus crédibles qu'ils se fondent sur du vrai et perçus tragiquement comme une remise en cause de l'intégrité individuelle. La peur, qu'elle soit nourrie du réel ou de l'imaginaire, est mauvaise conseillère surtout lorsqu'elle est instrumentalisée par des gens qui s'accrochent au pouvoir sans mesure et hors de tout sens de l'intérêt général, faisant passer le leur bien avant.

Ainsi contribue-t-on à distiller dans la société une peur, diffuse mais réelle, qui pousse le sentiment d'insécurité dans une augmentation sans fin sans pour autant faciliter des solutions pérennes.

N'en déplaise aux va-t'en guerre civile, l'insécurité est (aussi et d'abord) une donnée subjective. Or, en ce domaine comme en d'autres, on ne peut être efficace si on ne fait pas l'effort de l'objectivation. Oui, contrairement à ce que prétend cette droite conservatrice qui inonde de ses propos démagogiques et primaires la plupart des plateaux télé, il convient de faire l'effort, non pas d'excuser bien sûr, mais d'expliquer et de "déconstruire" les phénomènes d'insécurité et de délinquance pour en connaître les raisons profondes. Expliquer pour s'éviter des solutions hâtives sans efficacité, faute de quoi notre société civile sera toujours condamnée à subir. 

Suite à des événements de délinquance cet été, des municipalités nouvellement élues, comme celle de Lons-le-Saunier par exemple, glissent sur la peau de banane sécuritaire dans des solutions trop immédiates pour etre bien pensées. La nouvelle municipalité divers gauche de Lons-le-Saunier décide, alors qu'il n'existait pas jusqu'ici de police municipale, d'en créer une. On soulignera le paradoxe de cette innovation : la gauche succède à une droite qui depuis trente ans avait fait le choix de ne pas en créer, se limitant jusqu'ici à une équipe d'agents de surveillance de la voie publique. 

La création de quatre postes de policiers municipaux, dans un contexte de pénurie financière imposée par les gouvernements successifs, ne manquera pas de grever un budget qui aurait pu servir à d'autres causes. 

A tout prendre, dans une question fermée, entre une police et un musée, j'aurais choisi ce dernier et rappelé à l'Etat ses responsabilités en matière de police. La création de polices municipales risque d'ailleurs d'encourager l'Etat à ne pas prendre des responsabilités qui sont les siennes. Ce transfert de charges est tout bénéfice pour l'Etat central.

Il conviendrait que l'Etat, et ce gouvernement plus précisément, travaille à restaurer la confiance de la population dans sa police nationale en lui donnant les moyens de fonctionner pour la paix civile, (tout en se gardant d'en faire, comme ce fut trop le cas ces dernières années, un outil de répression des libertés publiques.)

JMG