vendredi 24 juin 2016

Violences

Le siège de la CFDT à Paris, dans le quartier de Belleville, a été vandalisé dans la nuit du 23 au 24 juin, les vitres de la façade ont été brisées. Ces actes sont condamnables, il ne servent pas la cause. Je connais bien cet immeuble pour l'avoir fréquenté lorsque j'étais moi-même à la CFDT jusqu'en 1995, année où la CFDT, celle de Notat à l'époque, avait décidé de soutenir la réforme de la Sécurité Sociale et celle des régimes spéciaux des cheminots dans le cadre de mesures projetées par le gouvernement d'Alain Juppé.
La réaction populaire avait été à la mesure de ces coups de canifs, ou de poignard, contre l'Etat Social, réaction massive et populaire à laquelle avec d'autres camarades je m'étais joint. Il faut rappeler cette histoire, celle d'une CFDT qui dès 1995, et même bien avant, et il faudrait en faire l'histoire, agissait contre la démocratie sociale, mais déjà en son nom, ce qui relevait à la fois du paradoxe, de la contradiction et soyons clair, de la trahison.

Les actes contre la vitrine de la CFDT, boulevard de la Villette, sont inacceptables. Un dirigeant de la CFDT déclarait à la radio ce matin qu'il hallucinait que l'on puisse s'attaquer ainsi à la démocratie. Il a raison, et les atteintes aux biens, même s'ils sont ici limités, une vitrine cassée, sont suffisamment graves sur le principe. La CGT sans ambiguïté a condamné cet acte. Les membres d'une organisation syndicale ne sauraient être inquiétés en effet pour les idées qu'ils défendent, qu'on soit d'accord ou pas.

Mais parlons clair, les idées elles-mêmes peuvent produire de la violence, les idées tout comme certaines pratiques ou attitudes anti-démocratiques. Ainsi l'attitude de la direction nationale de la CFDT elle-même est violente en cela qu'elle défie la démocratie sociale. Avec d'autres syndicats dits "réformistes" elle soutient une loi travail refusée par la majorité des Français, rejetée par la plus grande partie des organisations syndicales. Les responsables de la CFDT soutiennent une loi qui n'a fait l'objet d'aucune réelle négociation comme c'est pourtant prévu par la loi d'octobre 2012 : celle-ci prévoit la consultation préalable des partenaires sur tout projet de réforme gouvernementale "qui porte sur les relations individuelles et collectives du travail, l'emploi et la formation professionnelle et qui relève du champ de la négociation nationale et interprofessionnelle".
La violence se niche aussi dans le non respect des lois existantes et dans cette absence de dialogue rendu pourtant obligatoire.

Le gouvernement se rend fort de ce soutien cédétiste. Il l'utilise sans vergogne pour faire passer une loi qui, assez rapidement, pourrait changer la vie quotidienne de millions de salariés en les fragilisant, par l'abandon de garanties collectives nationales que contient encore le Code du travail.

Cette violence sociale est bien réelle. Le gouvernement doit retirer son projet. Peut-être qu'il ira jusqu'au bout, contre toute exigence démocratique. Il prend alors le risque de violences futures ou potentielles dont il se sera rendu seul et unique responsable.
Si Valls a cru bon, stupidement, de dire que la CGT ne faisait pas la loi, il a omis de dire que la CFDT non plus.

JMG

mardi 21 juin 2016

Déshonneur en journalisme

Je suis tombé dimanche sur l'émission de BFM "grand rendez-vous politique", pas tombé de bien haut mais quand même, l'heure était, en cet après-midi de juin, humide et sombre, temps de cochon qui allait bien avec cette émission.
Il y avait là, comme pour souligner la grisaille, l'ineffable JPierre Elkabach, d'Europe 1 je crois, une journaliste du Monde aussi (ce que ce "Monde" est devenu !), Fressoz dont je ne me souviens plus le prénom, et  puis aussi un certain Darmon, à ne pas confondre avec l'acteur Gérard Darmon, quoique...on pourrait bien le confondre sous l'angle singulier de la comédie.
Des journalistes se prenant pour des divas, qui se mirent et s'admirent à l'envi devant les miroirs que leur offre les télévisions qu'ils animent.
Tous ces braves gens étaient censés interroger le secrétaire général de la CGT.

J'ai dit "censés", seulement, car en vérité ils ne l'ont pas interrogé du tout. Ces trois journalistes se sont livrés à un véritable interrogatoire : accusé  Martinez Philippe levez-vous ! Elkabach dans le genre a été le meilleur, on voit que cet homme là a du métier. Il posait questions sur questions, comme on lance des briques, sans laisser répondre son interlocuteur. Ce n'était même pas des questions mais bien plutôt des affirmations, des accusations dirigées contre un homme et une organisation syndicale, dans l'exacte tonalité donnée par le pouvoir actuel qui a décidé d'isoler, de criminaliser la principale organisation syndicale du pays.

Pour le coup ce n'était pas des chiens de garde qui étaient à l'oeuvre mais bien une meute enragée dans une chasse à courre. A mort la CGT qui ose appeler à des manifestations alors que nous sommes en péril terroriste permanent, sus à la CGT qui maintenait ses grèves alors que certains de nos concitoyens pâtissaient des inondations, à mort la CGT qui ose encore revendiquer et faire de la résistance alors que nous sommes en crise économique, à mort la CGT qui couvrirait les casseurs, qui même seraient responsables des attaques contre l'hôpital Necker, contre des enfants malades...imaginez les barbares !
Tout ceci à la limite de la diffamation, nos trois journalistes continuent sur leur lancée sans prendre soin, ce qui est pourtant le cœur de leur métier, de vérifier leurs informations, ou d'essayer de comprendre la situation et de la restituer honnêtement à leurs auditeurs, en tirant partie de la présence d'un interlocuteur qui pour une fois pouvait donner une autre vision de la réalité sociale..Mais que valent les réponses d'un syndicaliste aux oreilles de journalistes aveuglés par leurs certitudes et en parfaite méconnaissance du monde du travail ?

Il était difficile dans ces conditions pour Philippe Martinez d'en placer une, et pourtant il s'est bien défendu, il est resté calme, la tempérance était de son côté, à l'opposé de l'image que les media voudrait donner de la CGT et de son secrétaire général.

Cela en dit long sur l'état démocratique de la France aujourd'hui. Pas étonnant que la CGT soit décriée, et avec elle le mouvement social qui souffre d'une criminalisation à peine croyable, alors même qu'est en jeu la survie du code du travail. Les journalistes ici n'en étaient pas vraiment, vecteurs qu'ils étaient de la pensée dominante au sein de groupes de presse concentrés et dont nous avons eu, à l'occasion de cette émission, une fois de plus, l’écœurante représentation.

JMG

samedi 18 juin 2016

Fin de manif un 14 juin à Paris

Je relaye ici le témoignage de Pierre qui était venu de Normandie pour manifester mardi 14 Juin à Paris, jusqu'aux Invalides où ont eu lieu de violents affrontements avec la police. Ne perdons jamais de vue que les premiers responsables de ces situations de violence sont ceux des politiques qui essayent d'imposer par la force une loi travail, anti-sociale, anti-économique, dont la grande majorité des français ne veulent pas, tout comme la majorité des organisations syndicales.

Malheureusement bien nommées, les Invalides

Comme beaucoup d'autres, j'étais à Paris mardi.
Comme plusieurs centaines d'autres, avec le camarade qui m'accompagnait, j'ai dépassé le service d'ordre intersyndical qui n'avait plus beaucoup d'apparatchiks à protéger au moment où nous l'avons doublé.
Et quelques secondes après, j'étais abasourdi à Duroc, deux des nôtres étendu-e-s au sol, entouré-e-s d'abord de pompiers, puis de manifestants. inanimé-e-s sous des couvertures de survie.

Nous avons avancé, le bus pour la Normandie nous attendait pour 18h00 aux Invalides, fin du parcours déclaré.
et ce fut un déluge de gaz, de camion à eau (je ne le connaissais que dans les sketchs de Felag...).
J'ai hésité à écrire à mon père, pour lui signaler la "douche" que prenaient gratuitement des camarades de sa *confédération.
Mais j'étais trop occupé à scruter les dispersantes qui s'épanouissaient, tantôt en cloche, tantôt tendues, bien mieux qu'un 14 juillet.

Je ne parlerai seulement de ce que j'ai vu (le reste vous y avez accès), l'interpellation, sous mes yeux, par une flic-e de la BAC d'un manifestant, bientôt écrasé par plusieurs de ses collègues tandis qu'elle déclenchait sa gazeuse alentours. J'avais goûté les lacrymos, là c'était corsé.
Me retrouver à étouffer par terre alors que je téléphonais au secrétaire départemental de mon syndicat pour savoir où retrouver le bus, j'ai pas aimé.
Comme dis l'autre, l'omelette, les œufs... c'était rien, avançant vers la Seine pour tenter de sortir de cette immense nasse j'ai vu les flics rivaliser dans l'illégalité. 
Déboulant tel Usain Bolt, un copain était chargé par trois motos, deux montées par des voltigeurs (pourtant interdits, pour des légalistes, on reviendra), et l'autre avec un casqué qui l'a renversé avec sa roue avant, à trois mètres de moi. Le copain s'est relevé, bientôt poussé au sol par le bouclier d'un CRS détaché d'un cordon, extrait par des copains-ines. Sur ce set là, notre camp a gagné et le sprinteur s'en est tiré, rendant ainsi un bel hommage posthume à Malik Oussekine.

Les flics étaient déchaîné-e-s, à tel point que j'ai vu une quadra s'en prendre au dit motard, qui derechef lui foutait sa gazeuse sur le museau.
Dans cette nasse, black blocs, syndicalistes, militant-e-s partisans ne faisaient plus qu'un dans la solidarité et l'autodéfense populaire, tel cette fanfare qui n'a pas arrêté de jouer "el pueblo unido, jamas sera vencido" sous les gaz. J'ai même pensé "camarades" en voyant des militant-e-s de Force Ouvrière s'approprier le répertoire d'action de ce que l'on appelle, loin de toute rigueur, des casseurs.
Révolté et inquiet, au retour, j'ai cherché des nouvelles des blessé-e-s, notamment ceux vu-e-s à terre. 
A défaut de nouvelles, j'ai vu la cause de leur état. vous la verrez ci-dessous :

vous saluer, Hélder Câmara, le fera bien mieux que moi ce soir :

"Il y a trois sortes de violence.

La première, mère de toutes les autres, est la violence institutionnelle, celle qui légalise et perpétue les dominations, les oppressions et les exploitations, celle qui écrase et lamine des millions d’hommes dans ses rouages silencieux et bien huilés. 

La seconde est la violence révolutionnaire, qui naît de la volonté d’abolir la première.

La troisième est la violence répressive, qui a pour objet d’étouffer la seconde en se faisant l’auxiliaire et la complice de la première violence, celle qui engendre toutes les autres. 

Il n’y a pas de pire hypocrisie de n’appeler violence que la seconde, en feignant d’oublier la première, qui la fait naître, et la troisième qui la tue."

Pierre

* la CGT

lundi 13 juin 2016

Pourquoi ils s'en prennent à la CGT

Il se confirme que le pouvoir veut la peau des syndicats, mais pas n'importe lesquels bien sûr, la CFDT est épargnée, et pour cause , mais ni la FSU, ni Sud, ni FO dans certains cas, ni moins encore la CGT, devenue l'ennemie jurée du gouvernement, n'échappent aux attaques gouvernementales. 

Tout syndicaliste sait qu'une organisation syndicale, et plus précisément son appareil, ne peut déclencher une grève sur un simple claquement des doigts ; qu'elle puisse susciter un mouvement certes mais seulement par la sensibilisation ou l'information faite en direction des salariés, ceux-ci restant libres de faire grève ou pas. C'est pourquoi le syndicalisme est un lieu essentiel de la démocratie, c'est pourquoi il est criminel de le criminaliser comme le fait aujourd'hui l'exécutif.

Les medias principaux entendent donner l'image d'une CGT uniquement protestataire et jusqu’au-boutiste qui aurait le pouvoir, dans sa grande capacité de nuisance, de mettre le pays à feu et à sang dans un grève générale imposée à des usagers ou à des citoyens devenus otages d'un syndicalisme réputé irresponsable.
 Cette perception est par ailleurs encouragée par la direction nationale de la CFDT qui essaiera coûte que coûte de récolter les effets d'une lutte dont elle aura par ailleurs critiqué les principaux acteurs. Déjà Berger, son secrétaire général, déclarait dimanche que la CFDT soutenait un projet de loi qui désormais, grâce à la lutte qu'elle avait menée (sic), était devenu tout à fait acceptable. On sait bien sûr qu'il n'en est rien et qu'au contraire le texte, s'agissant notamment de l'article sur l'ubérisation, n'a rien perdu de son caractère nocif pour le monde du travail.

Valls, depuis le début de cette loi travail et des mouvements qu'elle a entraînés, veut en découdre et va plus loin, sous certains aspects, que n'aurait fait la droite dans la répression du mouvement social. Valls n'est pas un social-démocrate, on le savait, avant tout parce qu'il n'est pas un véritable démocrate. C'est l'homme des rapports de force, celui qui a viré Montebourg ou Hamon (même si l'on concède que ce n'était pas le plus grave), lui surtout qui s'avère être un anti-syndicaliste primaire qui n'entend rien au monde du travail, infidèle aux idées pour lesquelles il fut porter au pouvoir  grâce aux militants et électeurs de gauche.
Raffarin en 2003, lors du premier grand conflit sur les retraites avait dit fièrement, et quelques autres après lui, "ce n'est pas la rue qui gouverne", Valls de son côté dénigre précisément la CGT en utilisant un langage guerrier, donnant le ton ou le signal  d'un langage outrancier repris par des "responsables" du patronat ou des media qui vont jusqu'à comparer la CGT à Daesh.
Valls est en retard d'une guerre parce qu'il le veut bien. Cette individualisation, ou plutôt cette discrimination de la CGT, vise à l'isoler pour la réduire si possible à sa plus simple expression, il retrouve là certains accents de la guerre froide toujours présente dans l'inconscient collectif d'une partie de la société française sensible aux thèses de la droite extrême.

Il est malheureux de constater que cette attitude est suivi encore par quelques militants ou sympathisants socialistes. Par charité je mettrai cela sur le compte d'un manque de formation ou d'expérience politique, ou de simple sottise, ce parti étant devenu depuis longtemps un simple lieu où se jouent les ambitions personnelles, sans fond, sans conviction, sans véritable pensée politique.
Lors du dernier congrès du parti socialiste à Poitiers la motion majoritaire dont faisait partie Valls, Cambadélis...se prononçait clairement contre l'inversion de la hiérarchie des normes. Comment peut-on à ce point trahir ses propres engagements et surtout la confiance de ses propres militants !?

La CGT, comme la FSU ou Solidaires, sont les derniers remparts contre la libéralisation du droit du travail et la mutation définitive de notre République en terrain de jeux de la finance mondialisée ou des grands groupes industriels.
C'est ainsi qu'il faut comprendre les attaques de Valls, mais aussi de Hollande, contre le mouvement social. De nombreux militants de la CGT sont aujourd'hui devant les tribunaux, ces comparutions étant sciemment confondues avec celles dont les véritables casseurs sont l'objet.
On notera aussi au passage la différence de traitement avec les manifestants de la FNSEA (qui ont pu se livrer à des exactions ou des destruction de biens publics) et qui furent davantage écoutés sans être pointés du doigt comme peuvent l'être aujourd'hui les militants des organisations qui sont en première ligne pour défendre l'Etat social.

J'insiste sur le fait que cette remise en cause violente d'un syndicalisme d'action et de résistance, auquel se livre de façon légitime la CGT, ne vient pas seulement de l'exécutif gouvernemental. Celui-ci reçoit le soutien paradoxal et contre-nature de la CFDT qui reste dans son rôle désormais habituel depuis plus d'une vingtaine d'années : critiquer les gouvernements en place mais seulement dans la forme pour mieux les soutenir sur le fond dans des contre-réformes néolibérales.

JMG