samedi 26 septembre 2015

Dévaluations

 On ne le sait que trop peu mais la « prospérité », relative et très peu partagée, de l’Allemagne se fait au détriment de ses pauvres qui eux sont de plus en plus nombreux avec un taux de pauvreté de 15,2%.
Ce taux est même plus élevé qu'en France (13,7%) lequel paraît-il en France aurait baissé un peu...(sauf pour les retraités qui  d'après l'INSEE seraient 39 000 supplémentaires cette année à avoir atteint le seuil pauvreté !)
Un hebdomadaire que l'on ne peut suspecter de gauchisme, l'Express, relatait même que des régions entières en Allemagne s’enfonçaient dans le déclin avec des fermetures de services publics, entraînant le désœuvrement et le désespoir de toute une jeunesse.

Avant l’euro-mark, les marchés se gagnaient pour une bonne part grâce à la dévaluation raisonnée des monnaies : cela pouvait avoir pour effet de contenir le chômage. On a aujourd'hui abandonné l'instrument monétaire pour le remplacer par  la  dévaluation et la paupérisation des populations et des territoires. Dans une Union européenne où domine une pensée politique et économique unique, les gouvernements néo-libéraux, comme celui que nous avons en France aujourd'hui, prétendent aider les entreprises par une politique de l'offre.

C'est cette course à l’échalote qui paupérise aujourd’hui, en Allemagne comme en France, les populations, dans un contexte de réduction délibérée de la dépense publique, laquelle est pointée du doigt par nos néo-libéraux comme la raison de tous les maux.
C'est oublier que les entreprises ne doivent leur salut qu'à une demande suffisamment forte et donc à un carnet de commandes consistant.

Puisse l'Allemagne, dont les media vantent la prétendue réussite, servir de contre-exemple à nos gouvernants. Cela n'en prend pas le chemin et, bien au contraire, tout laisse à penser que l'actuel gouvernement français "de gauche"  -il est vrai que l'on est toujours à la gauche de quelqu'un-  continue de mener sa politique de dévaluation interne au risque de se couper, définitivement cette fois-ci, de sa base politique, celle grâce à laquelle il est aux manettes aujourd'hui.

Tout cela pour un résultat économique et social nul, comme portent à le croire les chiffres de plus en plus mauvais du chômage.
Dans ces conditions, et si on peut encore le croire sur parole, Hollande aura bien du mal, dans deux ans, à se représenter.

JMG

samedi 19 septembre 2015

ça va vous faire de belles jambes...

...mais ça me tenterait de me mettre en congé du parti socialiste, (j'aime bien ce mot, congé, ça fait vacances). Ce n'est pas encore fait, je revendique le droit à l'hésitation, la politique est une chose sérieuse, il est permis de douter. Sans dramatiser, nous ne sommes heureusement pas en guerre. Si je prenais congé ce serait d'abord par protestation et cela signifierait même que je pourrais revenir, comme on revient de vacances, congé seulement, au cas où, sait-on jamais, ce parti reprendrait majoritairement conscience de lui-même et de son histoire et par dessus tout de ces missions, celles qui étaient programmées tant soit peu en mai 2012. Programme, propositions dont on a pas vu grand'chose et auxquelles d'autres se sont substituées, qu'on  ne voulait pas, comme la réforme du collège par exemple, réforme qui montre à quel niveau le syndicalisme est considéré dans ce pays, qui plus est par un parti ou un gouvernement dits socialistes.

La question de quitter ou pas traverse aujourd'hui tout le parti et particulièrement, comme on le sait, son aile gauche. Finalement, c'est une question aussi légitime que saine. Compte tenu du contexte, il serait même anormal de ne pas se la poser.

Ce parti a fait ces dernières années l'objet d'un véritable coup d'Etat, pris d'assaut par quelques "militants", parmi lesquels beaucoup auront eu un destin national voire ministériel : charité bien ordonnée commence par soi-même. Ainsi les bases idéologiques et politiques naturelles de l'organisation s'en trouve déstabilisées et personne n'y retrouve ses petits, et surtout pas les électeurs, et moins encore ses militants les plus sincères.
Vals aura fait le pire score lors des primaires en 2012, et c'est lui pourtant que Hollande aura choisi comme son directeur de la communication pendant sa campagne présidentielle, c'est lui enfin qu'il aura choisi comme premier ministre. Il est là le "coup d'Etat".

A tel point que nous en sommes aujourd'hui à construire ou tout au moins soutenir des politiques qui sont exactement le contraire de ce pour quoi nous nous sommes battus depuis des années. Car l'idéologie ce n'est jamais abstrait tout à fait, et au contraire influe sur la réalité autant qu'elle en peut être le reflet.

Le légitimisme, disons simplement le suivisme, font le reste du travail de sape et donc participent à la mort maintes fois annoncée  de ce parti. Comment ? En désamorçant le débat, en le rendant tout bonnement impossible. "Tina", (there is not alternative) hérité des années quatre-vingt,  est devenu le lieu commun, je dirais vulgaire, de la pensée. Le mal vient d'assez loin, Mitterand avait ouvert les vannes dès 1983.

Il suffit que l'on dise qu'on n'est pas d'accord avec la politique de l'offre actuellement menée pour passer pour des rêveurs, des archaïques, des dinosaures, des irresponsables.  Les actuelles productions, ou contre-productions de ce pouvoir, les attaques contre le code du travail, la charge idiote pas plus tard qu'hier de Macron contre le statut de la fonction publique, une politique d'austérité qui se cache derrière un pacte dit de responsabilité, tout cela participe à conforter le doute, le découragement, et cette envie donc de laisser tout cela pour aller ailleurs, ou nulle part, laissant à d'autres, par lâcheté ou plutôt par dégoût, à ceux-là mêmes qui sont les véritables responsables de cette situation, le soin de mener et d'enfoncer la barque.

Un espoir peut-être Outre-Manche, où l'on voit un parti travailliste qui se retrouve en la personne de Jeremy Corbin et qui tente à nouveau ce qui n'avait pas été fait depuis longtemps : réconcilier le monde du travail avec un parti de gouvernement.

JMG


samedi 5 septembre 2015

Valls et Macron, ou les vertiges de l'amour

L'année dernière déjà, à l'université d'été du Medef, Manuel Valls avait fait sa déclaration en faveur des entreprises par un tonitruant, vibrant et énamouré "moi, j'aime l'entreprise". Peu de temps auparavant, à Londres, à l'adresse d'un parterre d'hommes d'affaires britanniques, il lançait avec un accent qui se voulait britannique, genre City sensible très favorisée, un vibrant "my government is pro-business".
Et c'est Emmanuel Macron à son tour qui assurait devant une assemblée de patrons plutôt bronzés pour cause d'université d'été, que lui, Emmanuel, ne se contentait pas d'aimer l'entreprise mais qu'en plus il en donnait les preuves. Tout ça sous un tonnerre d'applaudissements patronaux. Indécent.

Il fallait alors fixer son regard pour voir à quel point l'amour, surtout celui-ci, peut rendre idiot. Mais il n'est pas mort malgré le ridicule. Aucun des deux d'ailleurs, ni Manuel, ni Emmanuel, politiquement ils sont toujours là, contre l'intérêt du camp qui les aura portés au pouvoir.

Tout cela était préparé, la piste bien damée. De longue date la vulgate néo-libérale modèle les esprits pour nous donner qu'une seule vision de l'entreprise. Ainsi, le code du travail serait trop lourd, trop difficile à appliquer, constituerait de par son opacité ou son extrême complexité un frein à l'emploi. Et tous y vont désormais de leur petit discours, y compris "à gauche", comme Lyon-Caen ou Badinter, dans l'air du temps.

Avant c'était plutôt la droite qui osait dire cela, timide encore à rapporter ou relayer les propos d'un Medef prêt à toutes les impostures, comme la promesse de créer des millions d'emplois contre un allègement de leurs "charges". De là les exonérations des cotisations, un CICE en mal de discernement et toute autre forme d'aides qui en réalité n'auront en termes d'emplois ou de richesses rien apporté, à part une charge supplémentaire pour le contribuable.

Aujourd'hui, la droite évidemment surenchérit et c'est ainsi qu'on a attendu un Eric Woerth bronzé déclarer tout bonnement que le code du travail créait le chômage ! Pourquoi se gêner quand un gouvernement de "gauche" aura lui-même donné le départ, de façon concrète, comme la promulgation de la loi du 14 juin 2013 qui réformait fondamentalement le droit du travail ?

Ainsi la stratégie de nos néo-libéraux, plus ou moins parés du label de "socio", est fondée sur l'idée que l'efficacité d'une entreprise serait entravée par la loi comme opposable à tous sur le territoire national. Bouleversant la hiérarchie des normes ils voudraient ces "socio" que la loi fût soumise au contrat et donc, en l'occurrence,  en accords passées entre les salariés et les dirigeants d'entreprise. Ces accords étant conclus par branche d'activité voire par entreprise.
Cela est désolant, car c'est méconnaître les rapports de force sur les lieux de travail dans un contexte où l'action syndicale très souvent en France est dévalorisée voire entravée.

C'est en réalité une vieille idée qui fut avancée sous couvert de "modernisme" par la CFDT dès le début des années quatre-vingts. L'idée refait surface aujourd'hui avec une particulière acuité, sous la forme par exemple d'un rapport "Réformer le Droit du Travail" concocté par Terra Nova, Think Tank proche du parti socialiste. Réformer dans quel sens et dans quel intérêt ?

Un de ses auteurs, Gilbert Cette qui fut conseiller de Martine Aubry (bonjour la confusion idéologique !),  prône même un SMIC en fonction de l'âge et de la région.
Il est à déplorer que c'est sous le gouvernement actuel que ces idées prennent un tel essor médiatique et politique. La droite aura un programme tout tracé qui pourrait aller plus loin que les suggestions d'un Combrexelle, (chargé par le premier ministre de faire un rapport sur la place des accords d'entreprise qui aurait donc définitivement la primauté sur la loi.)

Ce n'est pas un hasard si Macron et Valls ont pour l’entreprise les yeux de Chimène, c'est l'aboutissement d'une pensée politique, d'une idéologie qui confondent business et entreprise.  C'est celle-ci qu'il faut aider mais comme lieu de création de richesses, et non les affairistes, en renouant avec une politique de la demande qui a été abandonnée par ce gouvernement.

Ce pouvoir donne au Medef des preuves d'amour sans contreparties. Pourtant la réduction du temps de travail pourrait en constituer une.
Mais Macron et Valls ne sont que des apprentis sorciers qui cèdent aux facilités idéologiques du moment. Il leur manque le véritable courage d'agir.

JMG