lundi 18 février 2019

Les larmes de Monsieur Juppé

Le jeudi 14 février Alain Juppé fondait en larmes en annonçant son départ de la mairie de Bordeaux. On pourra comprendre, tant l'émotion est respectable, qu'un tel homme puisse être ému à se séparer d'une fonction élective communale qui aura rempli une bonne partie de sa vie à servir ses électeurs ou ses concitoyens.

Compatissons. Mais tranquillisons-nous aussitôt à la pensée que ce retraité (depuis 2003) de l'inspection générale des finances, ne perdra rien en considération, ni même sur le plan pécuniaire, à intégrer le Conseil Constitutionnel. Bien au contraire, il intègre une institution prestigieuse tout en augmentant ses émoluments.

Mais à mes yeux il est une autre indécence, indigne de l'homme d'Etat qu'il aurait bien voulu devenir, à rendre publics des états d'âmes qui auraient gagner à rester dans le secret de l'intimité.

Ils ont peu de points communs mais ces pleurs me rappellent ceux que j'avais vus chez un Jacques Delors, un jour à la mutualité à Paris pour le "forum ds progressistes européens" en juin 2013.
J'eus cette même désagréable impression d'un homme qui ne savait retenir ses larmes sur l'attendrissement de son propre parcours, parcours qui ne fut pas étranger à une Europe qui est devenue ce qu'elle est, un simple marché ouvert sans consistance politique outre celle de s'en remettre au sacro-saint marché. Delors avait l'air de le regretter mais sans véritablement faire amende honorable, à l'instar de tous ceux des chefs de gouvernement en Europe présents ce jour-là. qui se lamentaient comme lui d'avoir contribuer à donner naissance à une Europe qui n'était plus tout à fait celle dont ils avaient rêvé. Ils l'avaient laisser filer et la regardaient ensemble comme une énorme bêtise qu'il venait de commettre.

De son côté, dans un autre registre, Alain Juppé pleure donc en déclarant que "l'esprit public [était] devenu délétère" lui qui fut condamné en 2004 à 18 mois de prison avec sursis. Il pleurniche en déplorant la "violence profonde de la société" alors qu'en tant qu'homme politique de premier plan (quand même) il a contribué, "droit dans ses bottes", à la faire telle quelle se présente et se renforce à nous aujourd'hui, une société profondément inégalitaire gagnée par une paupérisation galopante qui sape ses fondements démocratiques.

Avant de partir, mais il ne part pas si loin, Alain Juppé nous aura offert  cet épisode sentimental dont la ville de Bordeaux aura été l'objet amoureux.
Les larmes de Juppé, sincères mais inauthentiques, n'auront fait, de manière paradoxale, que renforcer et souligner l'énorme écart qui existe entre nos "élites" politiques et l'ensemble du peuple devenu aujourd'hui visible à la faveur d'un mouvement social qui, pour l'heure, n'a rien perdu de sa puissance et dont les victimes, de par la répression dont il font l'objet, méritent bien plus notre compassion.

JMG 

lundi 11 février 2019

Violence sociale : Jupiter nous a à l’œil

Cette semaine dernière aura vu le vote à l'Assemblée Nationale de la loi dite "anti-casseurs". Ce nouveau texte législatif proposé par la droite et repris par la "république en marche" est une étape particulièrement sévère dans la répression et la limitation des libertés publiques dans notre pays. Ainsi le préfet pourrait interdire à un citoyen de participer à une manifestation s'il estime qu'il présente des velléités de violence. Ainsi est punie l'intention, la punition étant désormais prononcée par une autorité administrative et non plus par un juge.

Cela contrevient à la séparation des pouvoirs sans laquelle il n'est pas de démocratie possible, il s'agit là d'une mesure gravissime et dangereuse pour notre état de droit. Le Rassemblement National  de Marine Le Pen, qui n'en attendait pas tant, s'est précipité dans le vote de ce texte liberticide qui lui va comme un gant.

Nos trois députés du Jura ont voté pour, eux aussi, (le nom de ceux de la droite m'a échappé, mais je m'en remettrai), et parmi eux Danièle Brulebois, ancienne du parti "socialiste". Elle aurait pu s'abstenir comme l'ont fait certains de ses collègues LREM qui pour une fois, on peut leur reconnaître cet accès inhabituel de lucidité, se sont abstenus de marcher en arrière.

Cette loi montre à quel point le pouvoir aujourd'hui est pris de panique. Ou alors, et ce serait plus grave, assume-t-il sa totale conversion à un autoritarisme qu'il fait passer pour de la fermeté, éventuellement utile à le faire remonter dans les sondages d'opinion.

Mais de solution réelle, aucune. C'est pourquoi les violences continuent de plus belle, dont des violences policières, qui ne sont que le reflet d'une violence sociale imposée par le pouvoir actuel. Un pouvoir qui aggrave plus de trente ans de politiques sans imagination, principalement axées sur une déconstruction programmée des solidarités nationales.

Dans l'esprit même de la Vème République E. Macron, pour sauver son honneur et peut-être la fonction qu'il occupe, serait bien inspiré de prononcer la dissolution de l'Assemblée Nationale : cela ne suffirait pas à résoudre la crise mais permettrait de donner une respiration à notre démocratie en rebattant les cartes bien plus efficacement qu'un "grand débat" sans enjeu véritable.

De nouvelles élections législatives auraient aussi l'avantage, et pas des moindres, de renverser le calendrier électoral autorisant ainsi une interprétation parlementariste de la Constitution de la V ème République. Ce serait une façon de sortir peut-être d'une crise qui n'en finit pas.

Mais Macron, qui se prend Jupiter, n'est pas un homme d'Etat, il n'est qu'un dieu parmi beaucoup d'autres.

JMG