Le statut de la fonction publique est l’objet d’attaques incessantes dictées par la remise en cause fondamentale de l’action de l’Etat par les néo-libéraux. Pourtant ce statut, qui a prouvé son efficacité y compris en terme de gestion des ressources humaines, préserve de surcroît la neutralité de services publics comme il nous garantit, en droit, des excès des prosélytes divers et variés. En tout cas il demeure un moyen pertinent de préserver le principe de laïcité.
Neutralité…
Le « devoir de stricte
neutralité » inhérente à la fonction publique, est indissociable de celle
du service public lequel doit être neutre dans ses effets et son exercice.
Il importe que l’usager des
services publics ne soit pas en mesure de déceler aucune appartenance politique,
religieuse, politique ou syndicale dans le comportement de l’agent public. La
notion d’agent public est indifférente à une quelconque condition statutaire,
il peut donc notamment s’agir d’un fonctionnaire titulaire comme d’un agent
sous contrat. Ce qu’on nomme le devoir de réserve du fonctionnaire est l’effet
principalement de la jurisprudence, il ne saurait faire obstacle à la liberté
d’expression : l’article 6 de la loi de juillet 1983 entend ainsi favoriser
l’émancipation d’un « fonctionnaire citoyen », expression chère à
Anicet Le Pors, en lieu et place d’un fonctionnaire sujet. On mesure (ou pas) la
tension qui potentiellement existe entre les exigences de la liberté d’opinion
et l’obligation ardente de contenir celle-ci aux limites de la neutralité du
service.
…laïcité
La loi dispose clairement que
l’agent « exerce ses fonctions dans le respect du principe de laïcité. »
A ce titre il s’abstient de manifester ou d’exprimer, dans l’exercice de ses fonctions,
ses opinions religieuses. Ce même article dispose que le fonctionnaire
« traite de façon égale toutes les personnes et respecte leur liberté de
conscience et leur dignité ». Il est à noter que le texte dans son
ensemble paraît hésiter entre la notion d’agent public et celle de
fonctionnaire, mais c’est parce que le statut de la fonction publique est sensible
aux soubresauts des réformes imposées par les gouvernements successifs. L’esprit
du texte ainsi que la jurisprudence retiennent et insistent sur la notion
d’agent public, qu’il soit fonctionnaire ou agent contractuel de droit public.
…au cœur même de la fonction publique
Le principe s’applique même
lorsque l’agent public n’a pas de relation directe avec le public. On pourra l’interpréter
comme la volonté d’inscrire la laïcité au cœur même de la fonction publique. La
liberté d’opinion ou d’expression en son principe ne doit pas porter atteinte
au fonctionnement régulier et à la continuité du service public. En revanche tout
agent est libre de ses opinions ou croyances et peut même à ce titre bénéficier
d’autorisations d’absence sous réserve des besoins du service évalués par la
hiérarchie.
L’article 3 de la loi du 24 août
dernier prévoit en outre (et de façon nébuleuse dans l’attente de décrets
d’application) que le fonctionnaire doit être formé au principe de laïcité. De
même la loi prévoit-elle désormais qu’il sera désigné au sein des services un
« référent laïcité » auquel tout fonctionnaire, et tout responsable
hiérarchique, pourra s’adresser pour tout conseil relatif au respect du
principe de laïcité. La loi du 24 aout 2021 ajoute que le référent est chargé
de l’organisation le 9 décembre de chaque année d’une journée de la
laïcité.
La loi du 13 juillet 1983 (Anicet
Le Pors) n’a pas fait l’objet à ce titre d’une modification fondamentale, elle assure
toujours que l’obligation de neutralité n’emporte pas que le fonctionnaire soit
incriminé ou inquiété en raison de ses croyances ou de ses opinions. De même
celles-ci ne devront en aucun cas figurer dans son dossier individuel ou, en
amont, ne pas faire obstacle à un recrutement dans l’administration.
Pour qui veut défendre la laïcité,
la fonction publique doit être la forteresse qui se dresse contre tous les fanatismes quels
qu’ils soient. Qu’elle soit le rempart contre les fantasmes et les discriminations qui seraient, selon l’idéologie
en vogue, dirigés en ce moment singulier de notre histoire contre telle ou telle
partie de la population.
« La République assure la
liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes, sous les
seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public. »
(article 1er de la loi de 1905)
JMG