vendredi 30 décembre 2022

Hôpital : l'urgence absolue

 Oui, l’hôpital est en danger, il brule même, et pour paraphraser cet autre discours sur l’urgence, « nous regardons ailleurs », comme si cela ne nous concernait en rien, menace posée devant nous sans pouvoir la distinguer elle non plus. Sommes-nous devenus malades à ce point pour ne rien voir de l’épée de Damoclès qui pend sur l’hôpital public ?

C’est que le l’hôpital souffre d’abord de l’absence, sans doute voulue de la part des pouvoirs qui se seront succédés, de débat démocratique. Le néo-libéralisme, ou le libéralisme à tout crin, sans régulation de l’Etat, ne font pas bon ménage avec la démocratie ni avec l’intérêt supérieur du peuple.

 André Grimaldi, professeur émérite de diabétologie au CHU Pitié-Salpétrière à Paris, dresse un diagnostic de l’hôpital et énumère quelques mesures à prendre pour le sauver : « L’hôpital nous a sauvé : sauvons le », livre préfacé par Alain Supiot. 

Ce dernier cite Cornélius Castoriadis : «  Faire toujours de son mieux sans en attendre un profit matériel n’a pas de place dans l’échafaudage imaginaire du capitalisme ». C’est que le serment d’Hyppocrate doit transcender les lois le plus souvent mortifères du marché. La politique menée depuis plus de trente ans, fondée sur la course à la rentabilité et au profit, au mépris de l’intérêt humain,  conduit inexorablement à la disparition de l’hôpital public lequel devrait rester pourtant au centre des politiques publiques de santé.

Il y a lieu, plus que jamais, d’exiger la continuité du service et son libre et égal accès pour tous, conceptions qui sont étrangères par nature au secteur privé. L’hôpital doit rester à appartenir à tous et à chacun. C’est sans compter les exigences des marchés financiers et les prescriptions de l’Union européenne.

Rénovation ou privatisation ?

André Grimaldi nous rappelle l’enjeu actuel de la privatisation qui menace. Deux-cent vingt milliards d’euros pour les dépenses de santé constituent un trésor potentiel qui suscite l’envie des puissances d’argent. On peut y ajouter les dépenses de la branche vieillesse soit cent-trente-neuf  milliards par an.

Pour profiter de ce gâteau prometteur la stratégie néo-libérale s’attache à affaiblir l’hôpital. Jusqu’à trente pour cent des lits sont aujourd’hui fermés. Dix pour cent des Français n’ont pas de médecins traitants et la pénurie devrait être effective jusqu’en 2030.

L’actuelle insuffisance, voire la défaillance de la médecine de ville constituent avec la conception d’hôpital-entreprise deux causes essentielles de la menace qui pèse sur l’hôpital.

La charte de la médecine libérale prévoit depuis 1927 la liberté d’installation et le paiement à l’acte combinées au début des années soixante-dix avec la mise en place du numérus clausus.

Résultat moins de 40% des médecins de ville prennent encore des gardes si bien que les patients sont amenés désormais à considérer l’hôpital comme un médecin de premier recours. C’est donc la médecine de proximité qui se montre insuffisante.

André Grimaldi appuie là où ça fait mal en notant que la Fédération Hospitalière de France (FHF) est présidée par des politiques n’appartenant pas au monde hospitalier, tels Gérard Larcher, Claude Evin… ceux-ci relayant et promouvant une gouvernance de l’hôpital conforme à une orthodoxie bien en cour au sein de l’Union européenne.

L’hôpital-entreprise

C’est à partir de l’année 2004 qu’est introduite la tarification à l’activité, (dite T2A comme pour obscurcir plus encore la question), utile à susciter une concurrence entre les établissements hospitaliers tout en donnant l’avantage à ceux appartenant au secteur privé : quatre grandes chaînes internationales financiarisées (Ramsay, Elan, Vivalto, Almaviva…) lesquelles opteront pour les activités profitables, notamment la chirurgie ambulatoire, au détriment des non rentables comme l’obstétrique. Dans le même temps les dépassements d’honoraires augmentaient de plus de 30% entre 2012 et 2017.

En 2009 la loi Bachelot supprimait le service public hospitalier au profit d’une gouvernance d’entreprise menée par un directeur administratif « seul maitre à bord ». Etait inscrite dans la loi la recherche de la rentabilité. Le « codage » décrié à juste titre par les soignants accompagnait donc désormais une marchandisation du système, le « business » plan l’emportant sur la visée médicale.

Le budget hospitalier ne progressait en moyenne qu’un peu plus de 2% alors que celle des dépenses se situait entre 4 et 4,5%. La paupérisation s’avançait donc et plus encore s’agissant de psychiatrie dont la dotation dépassait tout juste un pour cent en moyenne annuelle.

Le débat était dès lors escamoté et confisqué par une élite technocratique « conseillée » par des sociétés telles que Capgemini ou bien encore Mckinsey qui récemment défrayait la chronique pour des marchés illégalement attribués au prix fort.

Plusieurs types de manipulation pour tuer ou dissoudre le service public hospitalier comme le montage de partenariat public privé rompu à une répartition inégale des tâches : au privé les les activités rentables, au public les plus dépensières.

La solidarité plutôt que la charité 

L’hôpital est à la croisée des chemins. André Grimaldi propose dix mesures quelque peu inégales et parfois difficiles à mettre en œuvre tant le système hospitalier souffre depuis des décennies d’une marchandisation rampante mais impitoyable. Un plan de santé publique sur cinq ans s’annonce nécessaire pour que la solidarité prime à nouveau sur la charité. La santé est un bien supérieur à tous les autres. Rien dans les politiques menés par l’actuel gouvernement ne présage de bon pour la santé publique. Il est plus facile semble-t-il de faire une réforme des retraites inutile que de sauver l’hôpital. Macron s’acharne, il ne fera aucun cadeau.

L’hôpital est un bien  précieux, vital, qui nous appartient encore, ne permettons pas son saccage.

JMG


article paru dans le n°301 de "Démocratie et Socialisme" le magazine de la Gauche Démocratique et Sociale (GDS)

samedi 17 décembre 2022

La claque

 Au fond on ne sait grand-chose de l’affaire Quatennens à part bien sûr qu’elle fait parler. Il n’est pas extraordinaire qu’un homme, député, appartenant à une organisation ou mouvement qui fait du féminisme et de la cause des femmes un pilier principal de son engagement, soit tracé, surveillé, commenté, et ce même à l’issue d’une décision judiciaire qui pourtant présente « l’autorité de la chose jugée ».

Adrien Quatennens est condamné, il en accepte la sentence (quatre ans de prison avec sursis et 2000 euros de dommage et intérêts), et l’aura même appelée de ses vœux comme de  ses aveux, et fait profil bas dans une bonne partie des interviews données à la Voix du Nord et à BFM.

Mais aussi il se défend en relativisant, en « contextualisant », en expliquant et en revenant à sa vérité, la sienne qu’il entend légitimement partager. Tout pourrait redevenir calme, mais c’est sans compter l’opprobre qui lui colle désormais à la peau. Ainsi doit-on se demander  à qui profite non seulement le crime, mais aussi la condamnation.

A droite on nous dit que c’est bien fait pour un homme dont le mouvement a fait de la cause des femmes un combat permanent. Et cet homme doit payer, quitte à  emporter avec lui le mouvement qui le fit député.

La bonne aubaine pour ces droites, dont la vertu n’est pas le fort et qui s’empressent parfois en sourdine d’aggraver la sentence via ses chaînes d’information, pas mécontente d’avoir débusqué un « donneur de leçon » pris à son propre piège. Ainsi on fait passer pour pertes et profits les crimes et méfaits, autrement plus graves (car la hiérarchie en ce domaine, ça existe) d’un député LR dont on a presque dans ce vacarme oublié le nom.

C’est pourquoi ceux qui composent encore la NUPES voire même au sein de LFI, féministes ou pas, devrait s’abstenir de crier avec les loups et de charger encore plus la barque de la vindicte. La droite sait très bien le faire, pas la peine de l’y aider.

Adrien Quatennens est condamné par la justice. N’en jetons plus aux chiens. La claque pour lui aussi aura été violente.

JMG