lundi 30 mars 2020

Punis et non-coupables

Les gouvernants ont le chic pour faire porter, de façon allusive et plus ou moins discrète, la responsabilité de leur impéritie sur leur propre peuple.

Les rues sont désertes mais pas seulement les rues, toute l'économie sur laquelle se fonde depuis des décennies notre société de consommation se trouve ébranlée par un coronavirus dont on ne connait rien à part les ravages qu'il opère parmi lesquels en premier lieu une bonne dose d'anxiété généralisée.

Le résultat est là, dans des rues désertes et des activités interrompues. Le gouvernement Macron quant à lui question efficacité est aux abonnés absents.
La "start-up nation" n'en finira jamais de nous décevoir. Pas de masques, pas de respirateurs en nombre suffisant pour une épidémie qui nous prend par surprise, pas assez de lits de réanimation, pas assez de médecins, ni assez d'infirmière, ni d'aides soignants, pas assez de femmes de ménage dont on voit enfin l'utilité concrète, en somme pas assez d'hôpitaux, pas assez de service au fond qui ne soit pas marchand.

C'est qu'en temps de crise la nécessité fait loi, et on s'aperçoit alors de la nécessité du "peuple" et de son existence concrète. Les gouvernants eux n'ont qu'un rôle d'accompagnement. Pire, pour continuer d'exister, ils punissent ou culpabilisent. Les gouvernants, qui ont abandonné leur pouvoir économique ont, à la faveur de cette crise étrange et inattendue, retrouvé là l'essence de leur pouvoir politique, tel qu'en tout cas ils l'envisagent : réguler, interdire, soumettre, surveiller, punir...

C'est ce même peuple qui en est victime. On est d’ailleurs étonnés de la discipline des gens devant le confinement, de leur degré d'obéissance et de leur sens à cet égard de la responsabilité sanitaire. Et ce  comme pour démentir la petite musique de fond que l'on entend sur le peu de civisme dont nos compatriotes feraient preuve, en particulier dans les quartiers que l'on dit "sensibles" et qui en réalité ne le sont que par volonté ou lâcheté politiques.

Je longeais hier, le parc des bains à Lons-le-Saunier que les autorités locales ont cru bon de fermer il y a quelques jours. Jusque-là les gens passaient encore par ce parc, sans y attarder, pour aller faire leurs courses vers l'Intermarché qui est au bout.

Pourquoi cette interdiction alors que, par souci légaliste et civique, peu de monde s'y rendaient ? Comme d'autres rares promeneurs je n'ai donc fait que de longer ce parc, dramatiquement vide, en empruntant en parallèle l'avenue Camille Prost elle aussi désertique mais désespérément grise. Puni, interdit de ce parc dont les barrières me narguaient. 

On se doit de respecter l'état d'urgence sanitaire mais on est en droit de ne pas comprendre les chemins qu'elle prend, on est en droit et en devoir de ne pas y adhérer sans un minimum d'esprit critique.
Pour nos gouvernants la tentation est trop belle d'un moyen de pression qui suit des mois et des mois de contestation politique et sociale. Le gouvernement Macron avait perdu la confiance d'une population mise en tension par des politiques anti-sociales qui précisément l'aura menée là où elle se trouve aujourd'hui.

E.Macron, E.Philippe ont mené ou continué jusqu'ici des politiques d'austérité qui ne sont pas étrangères à la situation catastrophique d'aujourd'hui. Ainsi à l'hôpital plus de 70 000 lits auront été supprimés depuis une vingtaine d'années. Et combien de postes d'infirmières dans la fonction publique hospitalière ?

Dans sa déclaration du 12 mars, pris peut-être par la panique, soudainement conscient que cette crise pouvait devenir dramatique, E.Macron annonçait : "ce que révèle cette pandémie, c'est qu'il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché". Macron prétendait aussi que nous étions entrés en guerre.
Les hommes ne sont jamais plus sages qu'au lendemain des guerres, (fussent-elles sanitaires). Mais cette sagesse pourrait malheureusement ne pas durer longtemps.

Déjà le gouvernement paraît mettre à profit cette crise pour revenir sur des acquis sociaux tels les droits à congés, la réduction du temps de travail, le repos hebdomadaire...C'est aussi par ordonnances,  et pour une durée illimitée, faisant fi une fois encore du rôle du Parlement, qu'il entend s'attaquer à certaines libertés publiques.

Le peuple n'est pas seulement une abstraction, il n'est coupable que de ceux qu'il met ou laisse au pouvoir...Il serait honteux que ce gouvernement, loin de tirer les leçons de dizaine d'années de remise en cause systématique de l'Etat providence, et loin du discours aux actes, tire profit de la crise pour continuer de faire passer des réformes qui remettent en cause notre modèle social. C'est aussi l'interprétation qu'on pourrait malheureusement donner aux propos énigmatiques de Macron le 12 mars dernier où il annonçait le confinement généralisé de la population.

Prenons soin de nous au plan sanitaire comme au plan politique. Gardons notre distanciation sociale avec ce gouvernement comme avec tout pouvoir tenté par ses propres excès. Il en va de nos destinés individuelles et collectives.

JMG