dimanche 12 mai 2019

La "décentralisation" à la rescousse

"Si vous voulez enterrer un problème, nommez une commission" disait Clémenceau, "si vous voulez cacher une crise, faites voter une loi de décentralisation" pourraient dire les plus récents de nos présidents de la République.
C'est vrai que depuis les années quatre-vingts, où la première loi de décentralisation voyait le jour, les gouvernants n'ont cessé de légiférer sur l'organisation administrative de la France et sur les relations qu'entretiennent l'Etat d'une part, et les communes, départements, et régions d'autre part.

Il est bon que les collectivités s'affranchissent d'une dépendance trop grande vis à vis de l'Etat central  (ce qui en réalité n'est pas le cas puisque ce dernier les muselle financièrement) mais l'excès inverse n'est pas plus recommandable lorsque ces réformes ont un but idéologique qui joue contre l'intérêt général de la population et l’aménagement harmonieux du territoire.

E. Macron vient encore d'en faire la démonstration en annonçant le projet d'une énième loi de décentralisation, prétendant ainsi répondre, à l'issue du grand débat et sans les nommer, aux préoccupations des gilets jaunes. 
Les propos tenus le 25 avril dernier devant la presse restent flous  : ce qu'il a lui-même appelé "un nouvel acte de décentralisation" devrait concerner, comme il l'a annoncé, "transition écologique, logement, transports". 

A l'entendre, tout est simple, c'est pourquoi son propos demeure des plus idéologiques sans prise au réel, et en contradiction surtout avec la politique que lui et sa majorité ont mené jusqu'ici à l'endroit des collectivités : la suppression notamment de la taxe d'habitation qui tue leur autonomie financière sans réforme fiscale digne de ce nom qui garantisse un développement équitable et non concurrentiel des territoires. 

Rien de concret en matière de financement des collectivités, si ce n'est l'annonce d'une nouvelle et hypothétique réforme de la fiscalité en 2020. Par contre, Macron a l'intention d'ajouter d'autres compétences fondées, selon ses termes, sur "des principes simples devant garantir des décisions au plus près du terrain".

Des mots, des mots, mais de quoi craindre le pire, d'autant que Macron introduit le concept, étrange ou flou, de "différenciation territoriale" pour soit-disant "adapter les règles aux territoires". Cela signifierait-il que le loi ne s'appliquerait pas partout de la même façon ? Mystère, et surtout danger pour une République réputée indivisible.

Tout aussi inquiétante, cette promesse macronesque de supprimer les doublons entre l'Etat et les collectivités, une ancirengaine ancienne qui le plus souvent aura servi ou servira encore de prétexte à une diminution de la qualité et du nombre des services publics dans les territoires.

Donc pas de véritable décentralisation en perspective, car moins de démocratie au final, les communes, base de la démocratie locale, continueront d'être engluées et englouties dans des communautés d'agglo de plus en plus éloignées des citoyens.

Ce n'est pas le mille-feuille territorial que notre république "décentralisée" doit craindre mais bien l’empilement de réformes qui sont autant de raisons pour un gouvernement de rester muet et inactif sur les vrais enjeux de notre société.

JMG




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