samedi 7 février 2015

Un accident du travail

Le 26 janvier dernier des collègues et amis de Jacques Gardère, mon frère, se sont réunis pour la quatrième année consécutive au dépôts des Espaces Verts du Stade Tissié à Pau pour lui rendre hommage. Etaient présents le nouveau maire de Pau, François Bayrou et le Président du SDIS (Service Départemental d'Incendie et de Secours) des Pyrénées Atlantiques. L'année dernière la cérémonie, à laquelle je n'avais pas participé, avait donné lieu en pleine campagne des municipales à quelques échanges politico-burlesques entre la maire de l'époque et celui qui le devint quelques semaines plus tard. Mon frère en aurait ri, j'imagine même ce qu'il aurait dit avec ses mots à lui, du revers d'un esprit qui ne se faisait plus d'illusion, mais avec une certaine bienveillance, sur les choses humaines.
Mon frère était membre du GRIMP (Groupe de reconnaissance et d'intervention en milieu périlleux) mais ce n'est pas cette appartenance comme on pourrait le penser qui est à l'origine de sa disparition brutale.
Il est décédé dans le cadre de ses activités professionnelles  au service des espaces verts. Cette mort  pour l'ensemble de sa famille reste et restera à jamais une plaie ouverte, une douleur quotidienne.
Voilà ce que j'avais écrit pour le journal Sud-Ouest il y a deux ou trois ans, texte que ce journal avait passé en majeure partie.


Mon frère Jacques Gardère est décédé le 26 janvier 2011 sur son lieu de travail à Pau écrasé à 8heures 26 précises par un marronnier blanc, au nom poétique de « marronnier des chevaux ». Il était salarié de la ville de Pau, agent technique, et jardinier. Sa mort est intervenue dans le dépôt des espaces verts au stade Tissié à Pau.

Il avait mentionné dans le registre de sécurité, en 2007, la dangerosité de cet arbre « le marronnier surplombant notre dépôt représente un danger pour notre sécurité et met en péril les bâtiments et les véhicules ».
L’arbre était là depuis plus de cent ans, « dans sa prairie » à l’époque, bien avant que la maison à côté ne fût construite à la fin du 19éme siècle. On y ajouta ensuite les constructions qui sont toujours là aujourd’hui et abritent et constituent le dépôt, juste en dessous du boulevard des Pyrénées. Ces constructions ont dû affaiblir l’arbre du fait qu’il s’est trouvé planté dans à peine neuf m2, « comme dans un pot de fleur », contraint par du béton.

Jacques Gardère n’était pas le seul à avoir remarqué que cet arbre penchait dangereusement. D’après certains témoins, cet arbre était de plus en plus incliné. Mais l’habitude a estompé la nécessité qu’il y avait à en prévenir le danger potentiel.

Que mon frère ait été au mauvais endroit en ce moment précis où l’arbre est tombé tient d’une improbabilité à peine croyable, que le véhicule démarre quelques secondes plus tôt et il serait toujours là ,parmi nous. Mais peut-être qu’à sa place aurait été tué ou blessé quelqu’un d’autre que lui, à la vie tout aussi précieuse.

On n’ose à peine imaginer sa colère si cela était arrivé à l’un de ses collègues ou à un ou plusieurs de ces enfants dont le chemin pour se rendre au stade faire du sport serait passé sous cet arbre. Même s’il est vain dans ces circonstances de rechercher telle ou telle responsabilité individuelle, celle collective de la ville, en tant que personnalité morale, demeure.

 Nous comprendrions mal que la justice ne passe pas, ne serait-ce que pour l’euro symbolique, compte tenu des éléments du dossier pénal dont nous avons pu prendre connaissance en tant que partie civile.

 Quoi qu’il en soit, nous serions favorables, tout comme l’ont souhaité certains membres du CHS de la ville de Pau, à une expertise des conditions de cet accident, y compris sous l’angle de l’organisation du travail. Cette étude compléterait utilement toutes les mesures que la Maire de Pau a déjà prises en prévention de tels risques, tout en continuant de protéger et de conserver le patrimoine arboricole auquel Jacques lui-même était attaché de par son métier et son amour de la nature.

En tant que secouriste et sapeur-pompier volontaire il aurait tout autant apprécié l’expertise indépendante que nous appelons ici de nos vœux...( "Sud-Ouest'' du 10 août 2012)


Je ne sais pas si une expertise digne de ce nom a pu avoir lieu, ou si elle a bien été à la hauteur, ce que je retiens c'est que l'affaire a été classée par le procureur de la République et nous avions décidé, à tort ou à raison, de ne pas faire appel de cette décision.

Bien sûr, j'en demeure amer, j'aurais aimé au moins que la responsabilité de la ville, en tant que personnalité morale, fût reconnue...Depuis les mesures de sécurité ont été renforcées, et peut-être aussi, du moins je l'espère, mieux prise en compte la parole des agents qui travaillent tous les jours sur le terrain.

Les collègues de la mairie de Pau et ceux du SDIS, ses amis, ses camarades, ont décidé pour perpétuer sa mémoire d'organiser tous les ans un tournoi sportif, à son image. Qu'ils en soit remerciés.

JMG



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