samedi 5 septembre 2015

Valls et Macron, ou les vertiges de l'amour

L'année dernière déjà, à l'université d'été du Medef, Manuel Valls avait fait sa déclaration en faveur des entreprises par un tonitruant, vibrant et énamouré "moi, j'aime l'entreprise". Peu de temps auparavant, à Londres, à l'adresse d'un parterre d'hommes d'affaires britanniques, il lançait avec un accent qui se voulait britannique, genre City sensible très favorisée, un vibrant "my government is pro-business".
Et c'est Emmanuel Macron à son tour qui assurait devant une assemblée de patrons plutôt bronzés pour cause d'université d'été, que lui, Emmanuel, ne se contentait pas d'aimer l'entreprise mais qu'en plus il en donnait les preuves. Tout ça sous un tonnerre d'applaudissements patronaux. Indécent.

Il fallait alors fixer son regard pour voir à quel point l'amour, surtout celui-ci, peut rendre idiot. Mais il n'est pas mort malgré le ridicule. Aucun des deux d'ailleurs, ni Manuel, ni Emmanuel, politiquement ils sont toujours là, contre l'intérêt du camp qui les aura portés au pouvoir.

Tout cela était préparé, la piste bien damée. De longue date la vulgate néo-libérale modèle les esprits pour nous donner qu'une seule vision de l'entreprise. Ainsi, le code du travail serait trop lourd, trop difficile à appliquer, constituerait de par son opacité ou son extrême complexité un frein à l'emploi. Et tous y vont désormais de leur petit discours, y compris "à gauche", comme Lyon-Caen ou Badinter, dans l'air du temps.

Avant c'était plutôt la droite qui osait dire cela, timide encore à rapporter ou relayer les propos d'un Medef prêt à toutes les impostures, comme la promesse de créer des millions d'emplois contre un allègement de leurs "charges". De là les exonérations des cotisations, un CICE en mal de discernement et toute autre forme d'aides qui en réalité n'auront en termes d'emplois ou de richesses rien apporté, à part une charge supplémentaire pour le contribuable.

Aujourd'hui, la droite évidemment surenchérit et c'est ainsi qu'on a attendu un Eric Woerth bronzé déclarer tout bonnement que le code du travail créait le chômage ! Pourquoi se gêner quand un gouvernement de "gauche" aura lui-même donné le départ, de façon concrète, comme la promulgation de la loi du 14 juin 2013 qui réformait fondamentalement le droit du travail ?

Ainsi la stratégie de nos néo-libéraux, plus ou moins parés du label de "socio", est fondée sur l'idée que l'efficacité d'une entreprise serait entravée par la loi comme opposable à tous sur le territoire national. Bouleversant la hiérarchie des normes ils voudraient ces "socio" que la loi fût soumise au contrat et donc, en l'occurrence,  en accords passées entre les salariés et les dirigeants d'entreprise. Ces accords étant conclus par branche d'activité voire par entreprise.
Cela est désolant, car c'est méconnaître les rapports de force sur les lieux de travail dans un contexte où l'action syndicale très souvent en France est dévalorisée voire entravée.

C'est en réalité une vieille idée qui fut avancée sous couvert de "modernisme" par la CFDT dès le début des années quatre-vingts. L'idée refait surface aujourd'hui avec une particulière acuité, sous la forme par exemple d'un rapport "Réformer le Droit du Travail" concocté par Terra Nova, Think Tank proche du parti socialiste. Réformer dans quel sens et dans quel intérêt ?

Un de ses auteurs, Gilbert Cette qui fut conseiller de Martine Aubry (bonjour la confusion idéologique !),  prône même un SMIC en fonction de l'âge et de la région.
Il est à déplorer que c'est sous le gouvernement actuel que ces idées prennent un tel essor médiatique et politique. La droite aura un programme tout tracé qui pourrait aller plus loin que les suggestions d'un Combrexelle, (chargé par le premier ministre de faire un rapport sur la place des accords d'entreprise qui aurait donc définitivement la primauté sur la loi.)

Ce n'est pas un hasard si Macron et Valls ont pour l’entreprise les yeux de Chimène, c'est l'aboutissement d'une pensée politique, d'une idéologie qui confondent business et entreprise.  C'est celle-ci qu'il faut aider mais comme lieu de création de richesses, et non les affairistes, en renouant avec une politique de la demande qui a été abandonnée par ce gouvernement.

Ce pouvoir donne au Medef des preuves d'amour sans contreparties. Pourtant la réduction du temps de travail pourrait en constituer une.
Mais Macron et Valls ne sont que des apprentis sorciers qui cèdent aux facilités idéologiques du moment. Il leur manque le véritable courage d'agir.

JMG


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