samedi 7 mars 2015

Georges Abdel-Sayed, militant et citoyen de souche

Il est arrivé dans notre pays en 1975, presque par erreur, la destination première celle qu'il avait choisie parce qu'il parlait anglais et pas encore le français, c'était la Grande-Bretagne.
Auparavant il aura connu, et subi comme acteur, les péripéties de l'histoire récente du Moyen-Orient, il aura vécu la guerre des six-jours et ses horreurs : ses compagnons de guerre, et d'infortune, massacrés, anéantis sous ses yeux par l'aviation israélienne qui bombardait les positions de l'armée de Nasser dans le Sinaï. Il en réchappe, indemne mais seulement physiquement. Dans son livre l'épisode est tout juste évoqué, précisément parce que la douleur doit encore être vive aujourd'hui.

Issu d'une famille du Caire relativement aisée, de religion copte ( Chrétiens d'Egypte, le nom "copte" désignait au départ les Egyptiens eux-mêmes),  il choisit en 1972, contre les avis de son père et de l'ensemble de sa famille, "le parti des plus démunis", le parti communiste, interdit dans le pays.
Il quitte l'Université et se rend à Moscou pendant quatre mois pour suivre les cours, dispensés en Arabe, de l'Ecole du parti communiste. Invité par des membres du PC il se rend au Liban et en Syrie où là aussi les partis politiques évoluent dans la clandestinité. C'est là qu'il rencontre Yasser Arafat et Georges Habache, qui finissent de le sensibiliser à la cause palestinienne. Il s'étonnera un peu plus tard de l'image de terroristes dont la France les affuble.
A la suite d'une manifestation interdite, il est une première fois emprisonné, sans procès, pendant trois mois. Ni la prison ni la torture n'entament sa détermination politique et militante.
En 1974 il est de nouveau emprisonné puis l'année suivante expulsé manu militari d'Egypte sans même pouvoir prévenir ses proches. Son père n'aura pas pu lui venir en aide puisque il meurt entre-temps dans un accident de la route.
Le voilà donc à Genève puis rapidement en France où il est accueilli comme réfugié politique par la Cimade et le secours catholique. 

Il dort même quelque temps dans la rue jusqu'à ce qu'il trouve son premier travail, serveur à Rueil- Malmaison où les délices de la langue française (argotique), qu'il découvre et apprend, lui font un jour, face à des clients amusés, confondre jus (café) et jus de fruit.

Puis c'est peu à peu l'intégration, intégration patiente et résolue qui le font devenir fonctionnaire territorial, d'abord à Villetaneuse, puis à la mairie de Romainville, Tremblay, et Bagnolet.
Il devient élu local à Bobigny dans le 9-3 dans la municipalité conduite par Bernard Birsinger dont la disparition à l'âge de 50 ans l'affectera tant.

Son engagement politique se sera donc poursuivi en France par l'adhésion, en 1976, au parti communiste, et à la CGT où il découvre l'engagement syndical. Il goûte à la liberté de militer sans entrave, ce qui lui était interdit en Egypte. Ses fonctions d'élu et de syndicaliste le placent au cœur de tous les événements importants de notre vie politique.
Il évoque dans son livre sa vie privée forcément chahutée par un engagement citoyen déterminé et constant.

C'est à Montreuil, à la commission exécutive de l'ufict-CGT des services publics, que je fais sa connaissance.
Nous y bénéficions de son expérience militante, et de ses remarques et prises de position toujours argumentées. Son histoire est singulière, elle signe le courage et la détermination incroyables et si rares aujourd'hui d'un citoyen du monde, et qui a voulu devenir français, fièrement, fidèlement, sans renier pour autant ses origines.

JMG

"Du Nil au canal de l'Ourq" par Georges Abdel-Sayed, Editions les points sur le I, 158 pages

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