jeudi 31 décembre 2015

Montesquieu pas si nul

"Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires".* Il y a donc aussi des lois nuisibles. François Hollande, que des paparazzi surprirent, un été 2006, à parcourir "l'Histoire pour les nuls", gagnerait de relire Montesquieu, ou pour le moins d'en retenir l'essentiel.

Ainsi notre Président, sous les applaudissements du Front National, veut-il "constitutionnaliser", c'est à dire incorporer dans la Constitution, des dispositions, comme celle de la déchéance nationale dont on parle tant ces temps-ci, qui n'ont rien n'a y faire et qui surtout sont, par nature, anti-républicaines, contraires dans le fond à la déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Faire une distinction, qui plus est constitutionnelle, entre nationaux et bi-nationaux c'est écarter tout un ensemble de citoyens particulièrement nombreux pour un pays qui dans l'Histoire, pour le meilleur ou souvent pour le pire, a construit son image, sa fortune, sa renommée bien sûr, et son universalité, au delà de ses propres frontières.

Le pire dans l'histoire, ce n'est pas que l'Esprit des lois ne soit pas le livre de chevet de Hollande, mais que ce dernier, à l'instar de Sarkozy qui en fit ses chevaux de bataille politicienne, entende faire des lois de simples moyens de propagande. Hollande, mais aussi Valls, cheville ouvrière ces temps-ci de l’instrumentalisation juridique, y parviennent puisque plus de 90% des Français se montreraient favorables à la déchéance de nationalité pour les bi-nationaux.

Voilà donc, tout ça pour ça : faire du sarkozisme, se fonder sur la folie et la paresse sondagières pour tenter de regagner l'estime de l'opinion, dans la perspective d'échéances électorales qui pourraient en effet se trouver compromises par un bilan économique et social catastrophique (inspiré et alimenté par un corpus idéologique d'un autre temps, d'un autre camp, et dont on constate le peu d'efficacité à combattre le chômage).

La Constitution, plus encore qu'une simple loi, est le texte sacré s'il en est de la démocratie, on ne doit pas s'en amuser. Il faudrait la réformer bien sûr, mais pour d'autres raisons, pour acter l’avènement d'une Sixième République qui ne soit pas la caution d'un coup d'Etat permanent dont nous voyons, au travers de l'Etat d'urgence, les effets antidémocratiques, comme si c'était bien le terrorisme, tout compte fait, qui avait gagné la partie.

Il faut que l'exécutif retrouve rapidement ses esprits, dont celui des lois, et par là-même sa base politique qu'il lâche pour des raisons purement politiciennes sans considérer l'intérêt général.
On ne construit pas un projet politique sur la manipulation d'une opinion fragilisée par la confusion idéologique mâtinée de misère sociale.

JMG

*L'Esprit des Lois (Montesquieu, 1748)

samedi 26 décembre 2015

Virer les arrivistes, mais y'a du boulot

Oui, il faut virer les arrivistes, il faut les empêcher de nuire, c'est d'autant plus nécessaire qu'une fois arrivés les arrivistes oublient bien vite de d'honorer les idées ou les promesses qui les ont fait arriver si vite.
Il faut en politique renouer avec l'éthique. Voeux pieux bien sûr mais bon...c'est le temps d'en formuler. Ce n'est pas que l'éthique ou la morale fassent toujours défaut, bien au contraire dans la plupart des cas, fort heureusement, mais force est de constater que beaucoup d'élus ou de responsables politiques, et parmi eux les plus visibles, jettent avec aussi peu de gêne, toutes les promesses et les idées qui les auront fait arriver là où ils sont, c'est-à-dire en situation d'exercer le pouvoir, notamment dans un régime républicain, le cinquième du nom, qui ressemble à s'y méprendre à un régime monarchique.

Ainsi Hollande et Valls qui nous auront trompé à tel point que toutes les valeurs et tous les repères politiques désormais sont effacés, au point que nul ni personne ne s'y reconnaît plus. Au point que nombre d'adhérents au parti socialiste, pour ceux en tout cas qui n'en sont pas encore partis, en ont honte. Honte de ce qui a pu être fait (ou pas) jusqu'à présent en leur nom.

L'affaire de la déchéance de la nationalité révèle la duplicité de ce pouvoir, mais le plus marrant c'est que celle-ci s'exerce dans une certaine transparence. Tout le monde sait en effet, sauf les imbéciles, que cette mesure ne servira à rien, ce n'est pas comme cela qu'on va empêcher le kamikaze moyen de se faire sauter. Cela n'empêche pas notre gouvernement d'agiter le chiffon rose, il sait qu'une grande majorité de Français, à qui on a posé la question par voie de sondage, est d'accord pour accorder aux islamo-suicidaires l'ultime et posthume déshonneur de n'être plus français.

On se demande d'ailleurs si la mesure qu'entend prendre le gouvernement, annoncée par Hollande devant le congrès à Versailles, puis abandonnée, puis reprise à nouveau entre deux parts de bûche au chocolat, ne serait pas plutôt le fruit de la simple incompétence. C'est peut-être tout le problème des arrivistes qui, à force de s'exténuer à des stratégie d'accaparement du pouvoir, oublient carrément d'être sensés et efficaces.

L'état d'urgence me fait encore moins rire. Donner à la police ou à l'administration tous les droits sans passer par le pouvoir judiciaire est autrement dangereux, cela pourrait donner aux apprentis autocrates, que l'on voit poindre à droite et à gauche, des idées auxquelles ils n'auraient peut-être pas pensé eux-mêmes.

Il est d'autres moyens, bien plus efficaces, de combattre le terrorisme, à commencer par se demander d'où il vient. C'est la condition première de toute bonne politique, y compris lorsqu'il s'agit comme ici de combattre la barbarie.

En tout cas ce n'est pas en niant l'Etat de droit qu'on arrivera à s'en débarrasser.

JMG






dimanche 13 décembre 2015

Et demain qu'est-ce qu'on fait ?

On doit se réjouir de la non-victoire du Front National pour ces élections régionales après un premier tour particulièrement inquiétant. Mais non-victoire en effet, car ce n'est pas encore une défaite, loin de là, l'extrême-droite dans le proche avenir peut revenir de plus belle, en raflant les présidentielles de 2017.
Lundi, qu'est-ce qu'on fait ? 
On continue les politiques stupides d'austérité et de recul social ? On poursuit et on affirme, en le constitutionnalisant, un Etat d'urgence sans efficacité réelle contre le terrorisme, mais qui tue les libertés publiques à tel point que le FN même pourrait en pâlir de jalousie ? On s'acharne encore à faire reculer les droits des salariés en réformant le code du travail sous le prétexte imbécile qu'il serait trop lourd et incompréhensible ? 
On persiste à faire les yeux doux au monde de la finance sans l'ambition et le courage de l'affronter et lui enlever la capacité de nuire à la démocratie, tout comme aux progrès social et économique ? On continue à ne pas réaliser, malgré les promesses, une réforme fiscale qui remette à l'honneur la progressivité de l'impôt ? On se refuse à envisager, avec l'entêtement que l'on connait, une augmentation des salaires susceptible de relancer la consommation ? On continue à aggraver le chômage, et la précarité de l'emploi des jeunes en autorisant trois CDD consécutifs en 18 mois ? 
On continue à remettre en cause, en multipliant les exonérations,  les bases de la sécurité sociale ?

On en passe, et des meilleures, qui visent à détruire l'Etat Social héritier du Conseil National de la Résistance.

Cela suffit, le gouvernement doit changer de politique et être fidèle désormais à ce pour quoi il a été élu. 
Il reste très peu de temps pour que l'extrême-droite ne prenne définitivement le pouvoir. Il reste en même temps très peu de crédibilité au gouvernement aujourd'hui.
Pourtant rien n'est perdu. Le sursaut, si étroit soit-il, du 13 décembre le démontre. Il faudra pour cela que l'exécutif, et ceux qui le soutiennent aveuglément en ayant abandonné tout sens critique, veuillent bien renouer avec la base politique qui les a portés au pouvoir.

JMG


lundi 7 décembre 2015

Mensonges et confusion

On ne ment pas au peuple, enfin on ne devrait pas. L'Elysée, qui n'en perd pas une, a paraît-il demandé à Cambadélis, le premier secrétaire du PS, d'exhorter les listes PS placées en troisième position de se retirer de la compétition pour permettre à la droite dite républicaine d'avoir quelque chance de battre, à elle seule, le Front National. Ce serait le cas en Alsace (mais on nous dit que le socialiste là-bas refuserait la combine), en Paca, en Nord Picardie...

Voilà une posture bien étrange qui pourrait ne pas être efficace, risquée même. Voter à droite, les électeurs de la gauche l'on déjà fait, au moins une fois, avec le résultat que l'on sait en 2002 à la présidentielle. On a vu un Chirac triomphant, grâce aux voix de la gauche, faire une politique résolument conservatrice et réactionnaire : Raffarin son premier ministre allait faire quelques mois plus tard une contre-réforme des retraites qui devait historiquement porter un coup très dur à la résistance sociale. La droite butée, pour qui on aura voté (on, dit-on, est un con), cette droite donc aura eu raison en 2003 de millions de manifestants battant le pavé durant plusieurs semaines. Et aura du même coup, comme une réplique, donné de mauvaises idées à cette gauche de gouvernement dont a vu encore tout récemment qu'elle se foutait du mouvement social comme de l'an quarante...

On a du mal à le comprendre mais la porosité entre ces droites existe bien, les combinaisons électorales n'en sont que l'écume. Bien sûr il en est une un peu plus "républicaine" que l'autre, mais les deux participent activement au glissement à droite et à l'extrême d'une société déboussolée par la confusion idéologique entretenue par la classe politique et le monde médiatique.

Cette confusion, il faut le savoir, provient en partie d'un pouvoir  qui a ignoré, sans vouloir en mesurer les conséquences, les valeurs et les projets qu'ils étaient censés défendre et porter.

Au lieu des renoncements auxquels nous avons assisté au cours des deux ou trois années écoulées, il eût fallu que la "gauche" au pouvoir s'empare d'un programme qui emporte l'adhésion et l'enthousiasme. Au lieu de cela elle a plutôt incarné le fait sécuritaire sans la sécurité, l'Europe néo-libérale, l'atlantisme, la répression sociale, la défense des entreprises et de son capital financier au lieu du monde du travail, autant de signaux qui l'ont fait passer aux yeux de son électorat traditionnel, les salariés, ouvriers, employés, cadres intellectuels, comme vecteur et accompagnateur des régressions sociale et économique. Et tout cela avec les résultats catastrophiques que l'on connaît, en terme de chômage notamment.

Il n'est pas trop tard, pas tout à fait, il est encore temps de redonner espoir en bâtissant dès à présent et en dépit de ce qui été fait jusque-là, des programmes politiques qui remettent la question sociale au cœur du débat politique.

Pour cela, il est vrai, il faudra bien, mais ça va pas être de la tarte, se passer de Macron, Valls et quelques autres qui nous font perdre espoir comme il nous font perdre tout court.

JMG