dimanche 1 novembre 2020

Guerres

Cela pourrait même se réduire à une question de temporalité : nos civilisations seront mortes avant qu'elles n'entrent en guerre.

Hutington aura fait fausse route, il n'existe pas de choc de civilisations, ou bien nous en sommes encore loin, très loin, il s'agit là d'un leurre, d'une chimère utile à certains, une manière pour les puissants de ce monde de sauvegarder à tout prix leur hégémonie sur le reste de l'humanité. 

Les guerres de civilisation, s'il en est, ne sont les guerres que de quelques-uns, de ceux qui détiennent un pouvoir politique, économique, militaire. Ce ne sont pas les guerres de tous, même si tous nous pourrions être impliqués dans une réalité malheureuse portant ce nom. Ce ne sont pas, en tout cas, des guerres voulues par les "hommes inutiles"(Pierre-Noël Giraud), c'est-à-dire ces hommes et femmes que le crédo et la pratique néo-libérales ont, parce que des oligarques y trouvent intérêt, rendu "inutiles" et superfétatoires, par le chômage, l'exclusion politique ou sociale, et plus grave encore dans l'exclusion et la mort culturelles.

Les prétendues guerres ou chocs de civilisation ne sont jamais que des guerres civiles, le plus souvent larvées, auxquelles on entend donner une statut plus grave, plus étendu, faussement essentiel et inéluctable. 

Ainsi les attentats islamistes que la France connaît aujourd'hui, à Paris, Conflans-Saint Honorine, Nice  doivent nous conduire, malgré l'horreur qu'ils inspirent, à garder notre sang-froid, et à ne pas d'emblée les considérer comme les produits directs d'un choc hypothétique entre le monde occidental au sens large et un monde islamique moyen-oriental qui nous serait a priori hostile. Ainsi ces événements douloureux interpellent-t-ils notre capacité de résistance, mais ils doivent aussi nous faire redoubler de sagesse afin de ne pas nous laisser nous-mêmes gagner par une barbarie contre laquelle précisément nous prétendons combattre.

Ces attentats immondes ne font qu'entretenir une chimère utile aux pouvoirs qui, en l'occurrence, s'exerce d'une rive à l'autre de la Méditerranée, d'un continent à un autre continent, mais sans qu'il se produise nécessairement un choc entre deux entités massives aux contours incertains.

Il n'est donc pas de guerre intercontinentales, il n'est que des civilisations ou des peuples que dominent en leur sein des forces oppressives qui les tiennent en joue. Cette prétendue guerre de civilisation en cache d'autres plus internes, on dirait plus intimes, à l'intérieur même des pays qui les composent, et qui en conséquence se donne les moyens guerriers et oppressifs pour contenir au sein même de leur population les contre-pouvoirs qui pourraient les mettre en échec. 

Les polices, les armées de tout Etat, comme le soupçonnait Léon Tolstoï, sous le prétexte (justifié en apparence) de protéger leur peuple sont trop souvent utilisées pour permettre la conservation des pouvoirs en place.  Ces prétendues guerres de civilisation, tout aussi "religieuses", ont donc pour fonction cachée de museler des peuples et de les conduire malgré eux à la guerre.

Derrière les guerres de civilisation, hypothétiques, chimériques, se cachent, plus cruelles encore, les  guerres civiles présentes ou à venir.

JMG



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