dimanche 20 mars 2016

Georges

Georges Henry était mon beau-père, le père d'Isabelle. Il est aussi le père de Françoise Henry, écrivaine. Il vivait depuis une quinzaine d'années à Lons-le-Saunier, ville pour laquelle lui et son épouse avaient quitté Paris. Son épouse est disparue en février 2012 et il en resta très affectée, ils se vouaient  un grand amour. Depuis on pouvait reconnaître, dans les rues de Lons-le-Saunier, sa silhouette humble et solitaire. Lorsqu'il nous le rencontrions, son visage resplendissait, tout à la joie de nous revoir.

Il est décédé vendredi en fin d'après-midi, le 18 mars dernier, sur la route de Chalon-sur-Saône à Louhans et venait de Digoin où il avait rendu visite à sa sœur. D'après les photos de l'accident le temps était au beau, préfigurant un printemps aussi proche qu'attendu. Ce printemps il ne l'aura donc pas connu. Peut-être s'est-il assoupi l'espace d'une seconde, ou moins, une absence, qui lui ont suffi à prendre de plein fouet l'autocar qui venait en face. 

Il était ancien élève de l'école centrale de Paris. Georges Henry était un expert en géophysique reconnu de sa profession. 
Il avait été désigné avec deux autres ingénieurs, à démonter, sous le sceau du secret-défense, la supercherie des "avions renifleurs" qui fut un des grands scandales de la présidence Giscard d'Estaing, à la fin des années soixante-dix. Le "Canard Enchaîné" en avait fait ses choux gras, un feuilleton dont la France et le monde s'amusèrent. Il nous avait raconté, l'air espiègle, qu'un jour il avait oublié dans le métro sa serviette qui contenait des documents classés secrets sur cette affaire. Angoissé, et en désespoir de cause, il s'était rendu aux objets trouvés rue des Morillons à Paris : elle y était.

La supercherie était grossière mais le gouvernement de l'époque, comme la direction de la société qui s'appelait encore Elf-Aquitaine (avant de devenir Total que nous connaissons aujourd'hui), avaient cru trouver là, du haut de leur superbe, la pierre philosophale de la recherche pétrolière, en faisant fi de la prudence scientifique qui était précisément l'une des qualités exigeante de Georges Henry.

Il en riait encore avec nous mais en avait gardé une amertume certaine : il avait découvert à cette occasion, lui qui avait une confiance quasi-naïve en l'homme, comment le pouvoir pouvait se pervertir au point de croire n'importe quelle fadaise du moment que cela le confortait. 
Ainsi les responsables de l'époque s'étaient-ils laisser berner par un magicien nommé Bonassoli, lequel s'était fait roi du pétrole, maître en imposture, et qui fit dépenser à l'époque des millions de francs à l'Etat français et à la société Elf-Aquitaine. 
Le pouvoir de l'époque avait été aveuglé par cette idée miraculeuse que l'on pourrait découvrir du pétrole par simple survol des territoires, et par la même occasion, surpasser, pour s'en passer définitivement peut-être, toutes les équipes scientifiques de recherche et d'exploration.
Sans compter toutes les implications que cette"invention", aux yeux des responsables politiques de l'époque, pouvait entraîner sur le plan militaire.

Il quitte ce monde après avoir vécu une vie riche, ayant visité de nombreux pays de par sa profession. Il était étonnamment modeste, il avait ce don du bonheur dont peu de gens peuvent se flatter, il se contentait de petites choses, faisait sa joie de tout ce qui lui paraissait beau. J'ajoute qu'il tenait un blog qu'il alimentait très régulièrement, notamment beaucoup de billets à caractère scientifique, spirituel souvent aussi, et politique ce qui nous valait quelques discussions animées.

C'est un homme rare qui nous quitte, modeste et généreux, nous ne pourrons ni ne voudrons l'oublier.

JMG

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire