lundi 30 septembre 2019

Chirac : le roi est mort, vive le roi

L'émotion passée, légitime sans doute, même si elle aura été entretenue par une monde politico-médiatique exagérément unanime, il faut s'interroger sur le sens ou le bien-fondé de cette béatification populaire et laïque. 
Oui, le roi est mort,  mais vive le Roi ! E. Macron lui-même ne peut que se sentir visé par cette funèbre consécration, en creux. Il peut se penser l'héritier et porteur d'une flamme historique, il ne nous aura pas d'ailleurs épargné ses sorties larmoyantes en l'honneur posthume d'un de ses prédécesseurs. Il a dû penser à sa propre mort future de président, glorieuse et nostalgique. Pour l'heure c'est bien lui le président qui en aura remplacé d'autres, dans cette V éme république où tout  doit changer pour que rien d'essentiel ne change. 

Jacques Chirac est mort, deuil national pour ce roi qui fit partie, la République ait son âme, de cette monarchie républicaine que la France a inventée, unique au monde, surprenante. Chirac, comme aujourd'hui Macron, était un conservateur. Ne nous leurrons pas : ami du peuple pour l'affiche mais n'hésitant pas, parce que c'était de sa culture, à revenir sans hésitation sur des conquêtes et acquis sociaux dont il savait pourtant, lui dont on dit qu'il avait vendu l'Humanité lorsqu'il était à Sciences Po ( à vérifier quand même), qu'elles avaient été emportées de haute lutte.

En 2002, il gagne contre Le Pen avec l'appui d'un électorat de gauche particulièrement mobilisé, mais sans que ce sursaut historique du peuple français fût payé en retour. Bien au contraire il faisait voter avec le bon gros Raffarin, qui lui voulait carrément la mort du socialisme et s'en vantait, une réforme des retraites qui en 2003 sonna le glas d'un politique qui jusque là avait su ménager la fonction publique et ceux qui la servaient.
Plus tôt, la fameuse "fracture sociale", qui le fit élire en 1995 contre Jospin, ne fut qu'un artifice aux dépens des gogos même si cela n'empêcha pas le sursaut réussi des organisations syndicales. Celles-ci dont FO, la CGT (et hormis la CFDT qui se rangea aux volontés du pouvoir) empêchèrent la suppression des régimes spéciaux de retraite et réussirent à conserver une Sécurité Sociale salvatrice issue de la Libération.

Chirac fut une girouette politique, certes, mais dans un sens du vent finalement assez constant, celui de la régression sociale. Celle-ci passait d'autant plus facilement que l'homme était sympathique et "humain". C'est encore lui qui fut, comme premier ministre en 1986, à la barre pour faire adopter la suppression de l'autorisation administrative de licenciement pour motif économique. C'était à la demande d'un patronat (le CNPF à l'époque, ancêtre du Medef), qui lorgnait avec insistance sur cet ultra-libéralisme qui gagnait l'Amérique de Ronald Reagan et la Grande-Bretagne de Margaret Thatcher. Le patronat français en échange promettait à l'exécutif français la création de 350 000 emplois. Rien de tout cela n'advint et au contraire le chômage et la précarité prenait un cours ascendant, permis et encouragé par cette première "flexibilisation" du travail.

Cette flexibilité accompagna des nombreuses privatisations (souvent partielles il est vrai) sous son gouvernement entre 1986 et 1988, qui rapportèrent quelque deniers à l'Etat mais qui en'trouvait la brèche à une économie hautement financiarisée, fabrique du chômage aujourd'hui.
Sur l'Europe, Chirac passa de l'appel de Cochin en 1978 qui dénonçait "le parti de l'étranger" à un européisme excessif que nous subissons aujourd'hui.

Chirac était un homme de pouvoir. Pour le gagner ou pour ne pas le perdre, il céda à la tentation de la xénophobie empruntant un vocabulaire de l'extrême-droite. On se rappelle bien sûr "le bruit et l'odeur" discours nauséabond et effarant dont il ne crut jamais bon de s'excuser envers ceux qu'ils visaient.

On voudra bien retenir quelques points qu'on jugera positifs comme par exemple le refus de participer à la guerre d'Irak en 2003 contre une Amérique plus que jamais arrogante. Il aura ainsi fait éviter au pays une aventure funeste, contrairement à d'autres qui se seront montrés davantage bellicistes et atlantistes comme Sarkozy, Hollande, Macron.
Chirac aura évité pendant sa gouvernance de faire de notre pays un lieu privilégié du terrorisme international. Ce fut sa façon la plus habile, et la plus utile, de rentrer dans l'histoire.

On peut lui être gré enfin d'avoir dissous l'assemblée nationale en 1997, même si pour la droite ce fut une gaffe (tant mieux), laissant la place à Jospin qui, peu ou prou, conduit une politique de gauche, et fit de la réduction du temps du travail un instrument de politique économique, avec la création de 500 000 emplois, bien plus que les 350 000, voire le million promis, mais non tenus, par le patronat français.

Enfin on peut saluer la création du musée des arts primitifs quai Branly à Paris. Gageons que la culture, elle, même la plus ancienne, ne meure pas.


JMG






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