jeudi 15 avril 2021

La gauche est-elle morte ?

 Il est de bon ton, "si l'on en croit les sondages", de clamer que la gauche est morte. Ou bientôt morte, ce qui lui laisserait de toute façon bien peu de perspective. Je n'en sais rien si la gauche est morte. Mais c'est bien le projet ou le but meurtrier de ce qu'on appelle la droite ; celle qui défend les valeurs conservatrices ; qui aujourd'hui comme hier défend son argent et donc son pouvoir exorbitant qui se manifeste d'abord par une propagande furtive et sournoise au travers des organes de presse ou de communication dont elle a la possession quasi-exclusive. 

Si la gauche est morte c'est d'abord qu'on veut la tuer. Et on la tue depuis toujours, même au sein de son propre camp, depuis 1983 par exemple, depuis que Mitterrand lui a fait faire son virage néo-libéral qu'on appelle encore, par charité, virage social-libéral. Plus grand chose de social depuis cette date, ou rien de concret et encore moins de volonté pour que la question sociale soit mise durablement et puissamment au centre du débat politique. 

J'ai retenu de Mitterrand qu'il avait été un admirateur de Thatcher, non pas soutien car il était encore trop "socialiste" pour cela, mais par naïveté ou par faiblesse : il s'est laissé bouffé par elle. Thatcher et Reagan l'auront poussé dans les derniers retranchements de la concurrence économique et sociale à tout rompre. 

Mitterrand avant l'heure devint alors un ami de la finance, "après moi il n'y aura plus que des financiers et des comptables", avait-il dit, auto-réalisant ainsi le pouvoir des court-termistes de la finance mondialisée comme celui des technocrates de Bruxelles. Bien sûr il y eut le vernis social, un peu au début, la retraite à soixante ans, l'augmentation des allocations familiales, autant de mesures qui pouvaient nous séduire jusqu'à dissimuler que le ver était déjà bien dans le fruit. 

Et donc l'affaire n'est pas nouvelle, la mort de la gauche, s'il en est, s'apparente à un suicide, elle est annoncée depuis longtemps et cette annonce en réjouit plus d'un. C'est pourquoi on parle à l'envi aujourd'hui de droitisation de la société française comme si cette droitisation était non seulement récente mais réelle désormais, fatale, irréversible, sans que l'on cherche trop à en connaitre les raisons ou les origines.

C'est ainsi par lâcheté ou par irresponsabilité politique que l'idéologie néo-libérale a fini de tout inonder après un dernier sursaut d'un Jospin se livrant à la une réduction conséquente de la durée du travail mais comme dernier vestige d'une volonté de transformation  sociale.

Irresponsabilité, trahison d'un Hollande comme d'un Valls, tromperie d'un parti socialiste ayant définitivement tué le label pour en faire le dernier repoussoir de  la politique française. Et puis Macron à la fin, fossoyeur en chef du code du travail, mais en plus incisif encore, appuyé par une répression policière qui prit sa pleine et détestable mesure contre les gilets jaunes dans une atmosphère de guerre civile savamment dramatisée.

Division encore de la "gauche" dans sa version syndicale avec une CFDT acquise aux pouvoirs en place pour accompagner des réformes globalement demandées par le Medef, tout en discréditant au contraire les directions syndicales dites révolutionnaires, CGT, FSU, FO à certain égards, qui ne font que leur travail de défense des salariés avec les moyens qui sont les leurs dans une ambiance de désyndicalisation que permet une précarité accrue.

Ainsi le vocabulaire même est-il passé à droite : sécurité, concurrence, compétitivité, austérité, financiarisation, mondialisation, licenciements au lieu de la solidarité, de pacte social, de défense des services publics, de lutte contre la pauvreté, de fiscalité juste et progressive, de statut protecteur du salarié ou de l'agent public.

La montée des inégalités qui en est résulté et qui aujourd'hui continue sur sa lancée  mortifère, alimente l'abstention et démultiplie le processus de "droitisation" dont certains politistes affublent la société française. Curieusement cette droitisation est attisée par des groupuscules, issus de la "gauche" comme "le Printemps Républicain" qui ont, et pour cause, micro ouvert sur les chaines d'information continue. 

La gauche n'est pas morte, elle est juste électoralement endormie, ("si l'on en croit les sondages" elle ne figurerait même pas au second tour de la prochaine présidentielle). 

Mais il lui reste à se ré-unir tant il est vrai que sociologiquement le pays est à gauche, attaché historiquement aux idéologies de la solidarité. Il reste à la gauche de se mettre au travail, il n'est pas trop tard : et  c'est peut-être ici.


JMG

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